Si le débat sur les bi-nationaux - capables de défendre les couleurs de deux sélections - existe dans le football depuis de nombreuses saisons, il est bien moins ancré dans le monde du rugby. L'ovale, de son côté, se tourne plutôt vers les "étrangers" devenus sélectionnables après avoir vécu trois ans (ou plus) dans un pays, et le XV de France n'échappe pas à la règle. Pourtant, le chemin inverse peut également être effectué. C'est le cas de Théo Fouillade (20 ans), formé à Brive, et international... slovaque, qui défend ainsi les couleurs du pays de sa grand-mère. Il nous raconte son aventure.
Salut Théo ! Tout d'abord, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Bonjour ! J'ai 20 ans et je suis actuellement en BTS MUC à la CCI de Limoges. J’ai commencé le rugby à Saint Céré, dans le nord du Lot. J’ai fait toute mon école de rugby là-bas, puis à ma dernière année chez les minimes, je suis me suis fait une triple fracture du tibia, ce qui m’a laissé une année sans rugby : c’était une blessure assez sérieuse. J’ai redémarré le rugby en cadets 2ème année avec l’entente qui regroupe les clubs de Saint-Céré, Beaulieu, Vayrac et Bretenoux. J’étais capitaine de cette équipe. Nous étions en Teulière A et nous avons été sacré champion du LOT à 7 puis champion du Limousin à 7 en éliminant Brive, ce qui fut une énorme fierté pour nous tous. Du coup, cela nous a permis de participer au championnat de France à 7 en Corse.
Grâce à cela, j’ai pu entrer en contact avec Monsieur Soubira, qui est malheureusement décédé l’année dernière, et il m’a proposé de rejoindre le CABCL en Crabos 1ère année. On a été éliminé en 1/8ème de finale face à Clermont. En Crabos deuxième année, nous avons battu Clermont en 1/8 ème - la revanche ! -, puis nous avons battu Bayonne en 1/4 et nous avons perdu contre une superbe équipe de Auch en 1/2 finale, où il y avait Dupont qui évolue maintenant à Castres et Jelonch, qui est aussi en équipe de France moins de 20. Nous avions aussi une grosse équipe puisque j’évoluais avec Damian Penaud, Atila Septar et Fabien Sanconnie qui étaient aussi internationaux U20.
Je suis ensuite passé en espoir pendant 2 ans avec une rude concurrence à mon poste, en tutorat avec l’USAL. C'est pour ça que la saison prochaine, j'ai décidé d'aller jouer à Limoges.
En parallèle, tu es également devenu international slovaque ! Comment ça s'est fait ?
Je suis éligible grâce à ma grand-mère, son père - mon arrière grand père - était Slovaque, né dans une petite ville nommée Kameneč. Du coup, elle possède la double nationalité, et c’est pour ceci que je peux jouer pour la nation slovaque. Nous possédons encore de la famille en Slovaquie, toujous à Kameneč, à qui je rends visite à chaque fois que je vais au pays. En arrivant à Brive, j’ai vu que j’avais plusieurs coéquipiers qui jouaient pour différentes nations, et sachant que ma grand-mère était slovaque et que je pouvais jouer pour cette nation, j’ai commencé à faire des recherches sur l’équipe nationale de rugby. Et par mails, nous nous sommes mis en contact.
C’était assez simple finalement de discuter avec le président de la Fédération slovaque, Eduard Krutzner, car il a joué en France, et du coup il sait très bien parler Francais. Puis je me suis mis en contact avec Vladimir Kubala qui est le manager de l’équipe.
Vous étiez champions d'Europe l'an passé, vice-champions cette saison. Tu peux nous en dire un peu plus sur le niveau ?
Nous étions Champions d’Europe ENC 3, c’est le plus petit niveau continentale. Le niveau est assez élevé puisque lorsque nous jouons contre l’Estonie par exemple, deux joueurs jouent en D2 Anglaise et un joue pour l'académie de Leicester. Le niveau dépend des matchs : certains font plutôt penser à de la Fédérale 1, et d’autres à de la Fédérale 2. Mais généralement, les finales sont plutôt de bon niveau. J’ai eu la chance de disputer deux tournois et de faire deux finales.
Pour voir à quoi ressemble le niveau, découvrez le replay de Slovaquie - Estonie, finale remportée par les Estoniens.
Crédit vidéo : Rugby Europe
C’est assez encourageant pour l’équipe slovaque, puisque sa politique est de développer le rugby en Slovaquie en ne sélectionnant que des joueurs provenant du cru, et on peut voir qu'ils peuvent rivaliser face à des Anglais qui évoluent à un bon niveau. Cet effort à été récompensé puisque cette année, nous avons intégré World Rugby puisque nous remplissons désormais tous les critères pour y entrer.
En quelques mots, peux-tu présenter le rugby slovaque et ses particularités ?
Le rugby slovaque est assez jeune puisqu’il a un peu moins de 15 ans. Au départ, il n’existait pas beaucoup de clubs. Le club phare de Bratislava, le Slovan, jouait au départ dans la competition tchèque, puis petit à petit, plusieurs clubs ont vu le jour, et maintenant ils ont pu créer deux ligues : à XV et une à 7.
Le style de jeux est plus à l’anglaise, avec beaucoup de contact, de combat. Mais nous commencons à faire aussi de belles envolés avec notre ligne arrière. Nous ne sommes que deux Français à pouvoir jouer pour l’équipe nationale, Nicolas Douezi et moi-même. Le rugby n’est pas spécialement connu dans ce pays puisque le hockey et le foot sont les deux sports les plus importants mais ca commence à prendre de plus en plus d’importance : par exemple, pendant la dernière coupe du monde, des matchs ont été retransmis sur les chaines nationales. Nous somme juste à la phase du commencement. Et c’est très encourageant pour l’avenir.
Récemment, c'est un tournoi de 7 auquel tu as pris part ! Tu penses que le 7s peut vraiment permettre à l'ovale de se développer en Slovaquie ?
Nous avons disputé le championnat d’Europe 7, conférence 1. Ce fut très dur (Rires) ! Il y avait de très bonnes équipes, qui jouent 3 ou 4 niveaux au-dessus de nous à XV. Avec une équipe remaniée, avec plusieurs blessés, on a quand même fait un super championnat, en battant la Suisse, qui possède la majeure partie de son équipe en France. Un jeune joueur slovaque d'à peine 18 ans a eu sa première sélection en équipe nationale, alors qu'il disputait il y a à peine trois mois le championnat d’europe U18, à Andorre. C’est très encourageant de voir certains jeunes comme moi prendre part à l’équipe nationale senior. Nous avions une équipe très jeune pour ce tournois en Bulgarie.
Le 7’s va aussi permettre de développer le rugby en Slovaquie car comme nous le savons tous, ce sport sera aux JO, donc il sera diffusé à la télé. J'espère que ça va attirer le plus de joueurs à jouer et à s’interesser au rugby.
Et toi, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour l'avenir ?
Je ne sais pas trop ce qu’on peut me souhaiter pour l’avenir (Rires), mais en quittant le CABCL, j’espère trouver encore de bonnes sensations sur le terrain avec le maillot de l’USAL, et de continuer l’aventure slovaque en espèrant gagner le plus de coupes d’Europe possible, tout en prenant du plaisir à voir le rugby Slovaque se développer au maximum.
Si c’est possible, j’aimerais remercier : Vladimir Kubala, Eduard Krutzner, le Club de Saint Céré, le CABCL qui m’a permis de jouer à un bon niveau, l’USAL où j’espère avoir de bonnes sensations, et ma famille.
En savoir un peu plus sur le rugby slovaque :
SLOVAQUIE. Le rugby existe à Bratislava et se développe avec un Français au cœur du projet
benny
Je suis assez perplexe. Certes de son côté ça doit être génial, une sacré expérience.
Mais j'ai l'impression qu'il parle même pas la langue., aucune attache avec ce pays, ( son arrière grand père...) . Y a mieux comme représentant du pays
Grand Sachem aux sages commentaires
Je suis comme toi. L'Ecosse a aussi eu recours à de nombreux Australiens ou NZ dont la belle-soeur de la grand-mère avait été fiancée à un Ecossais. Ca se voyait moins parce que les types parlaient la langue mais c'était tout aussi ridicule.
La règle des trois ans est souvent critiquée mais elle concerne au moins des joueurs qui connaissent le pays qu'ils vont représenter.
portedesaloon
Ces articles sont toujours super et rafraichissants (et super rafraichissants) !
Par contre Théo Fouillade me semble un peu optimiste quand il parle de niveau Fed 1 - 2.. Personnellement je joue en Finlande avec pas mal de joueurs de l'équipe nationale (qui se trouve dans la division ENC 2D - celle où la Slovaquie évoluera sous peu) et il y a en effet des éléments (les meilleurs) qui ont plus ou moins le niveau Fédérale 2 ou 3.. Fédérale 1 ça me semble déjà bien haut. Après peut-être que leur équipe est vraiment solide, on verra donc l'année prochaine.
Au delà de cette petite remarque, c'est super de voir le rugby se développer petit à petit dans ces pays ! Bon courage à eux (et à Théo) pour la suite !