1. Quel est l’objectif du salary cap ?
Le salary cap obéit à deux objectifs : conserver un minimum d’équité entre les différents participants au top 14 et éviter les dérapages financiers des clubs qui pourraient être tentés de prendre trop de risques en faisant un recrutement somptuaire pour atteindre des objectifs sportifs élevés. Il permet aussi d’éviter un phénomène qui se produit parfois dans certains championnats de sport professionnel où les clubs les plus riches recrutent certains joueurs dont ils n’ont pas besoin dans le seul but d’éviter qu’ils ne soient recrutés pas des concurrents.
Il a été mis en place lors de la saison 2010-2011, à une époque où la course aux armements étrangers commençait à faire rage en top 14 et les budgets des clubs à croitre de manière exponentielle du fait, notamment, d’une meilleure exposition télévisuelle du championnat. C’est une pratique assez courante dans les ligues majeures de sport américain qui existe aussi dans le championnat d’Angleterre.
2. Comment le met-on en place ?
La pratique consiste à fixer un montant maximal, dénommé plafond, que la masse salariale joueurs de chaque club ne pourra excéder. Ce plafond étant fixé par le comité directeur de la ligue nationale de rugby. C’est un plafond chiffré et non proportionnel, ce qui signifie que la somme est la même pour chaque club, quel que soit son budget.
Dans la rémunération versée au joueur, sont notamment inclus : son salaire évidemment, les avantages en nature divers tels qu’appartement ou voiture de fonction, les revenus liés au droit à l’image collectif et individuel, ainsi que les dispositifs de capitalisation tels que l’intéressement, l’épargne salariale ou un accès au capital du club comme des stock-options, même si ce cas est rarissime. De même tout avantage ou revenu versé à un membre de la famille d’un joueur, une voiture pour sa femme par exemple, sera aussi inclus. Sauf, évidemment, si la personne concernée exerce une activité salariée dument déclarée au sein du club, ce qui est régulièrement le cas chez les épouses de joueurs. Par contre, les primes liées aux résultats ne sont pas incluses. Dans le cas des jokers médicaux, on ne prend en compte que le surplus de rémunération éventuel par rapport au joueur remplacé. Et un dépassement de plafond est autorisé dans les cas où le joueur remplacé est un joueur de première ligne.
3. Est-ce efficace ?
C’est là que les polémiques commencent. De nombreux observateurs ont ainsi jugé ces derniers mois que l’effectif XXL du RC Toulon ne pouvait pas être payé avec un salary cap aussi faible. Thomas Savare, président du Stade Français, ayant clairement accusé son homologue toulonnais de le dépasser. La polémique a rebondi récemment avec le recrutement de Daniel Carter par le Racing Métro. Superstar à l’aura allant au-delà du rugby, l’ouvreur néozélandais pourrait toucher selon les rumeurs un revenu annuel tournant autour d’un million et demi d’euros avec l’actuel salary cap fixé à 10 millions d’euros. Carter vampiriserait donc à lui tout seul 15% du salary cap du Racing Métro, prévu pour un effectif d’une trentaine de joueurs.
Il est donc permis de se demander, à la lumière de ces éléments, si le salary cap fonctionne réellement.
Dans une interview donnée au Midi Olympique au printemps dernier, Mourad Boudjellal expliquait notamment payer les joueurs via des sociétés qu’il a créées pour commercialiser les produits dérivés du RCT ou des joueurs eux-mêmes. Sommes échappant au salary cap. Selon certaines rumeurs circulant sur le web, le Racing métro 92 utiliserait le même stratagème en rémunérant en partie Carter via la société montée pour gérer l’Arena 92.
Si le stratagème paraît effectivement légal, Mourad Boudjellal le revendiquant ouvertement, il n’en parait pas moins être un accroc à l’esprit de la règle car permettant à certains clubs de se constituer un effectif taille XXL là où d’autres sont obligés de ne récupérer que les miettes. Ceci dit, il semble possible de le réduire à néant en empêchant toute rémunération d’un joueur via une société en lien avec son club. Mais instaurer une règle pareille aurait l’inconvénient d’empêcher un joueur d’avoir un contrat personnel avec un sponsor de son propre club ou avec l’équipementier. Ainsi, François Trinh Duc, qui est l’une des têtes d’affiche de la marque Puma en France, serait hors la loi, Puma étant aussi l’équipementier du MHR.
Un autre stratagème de contournement, pas encore revendiqué dans le rugby, consiste à faire rémunérer une tête d’affiche de l’effectif via les collectivités territoriales sous forme de droits d’image au lieu des aides financières qu’elles fournissent au club. Ainsi, il y a quelques années, la mairie de Montpellier avait offert un contrat d’image au handballeur Nikola Karabatic en échange d’un retour au sein du club de la ville, quitté quelques années plus tôt pour le club allemand de Kiel.
Pour autant, bien appliqué, le salary cap est-il une mauvaise idée ? On constate tout de même que, depuis sa mise en application lors de la saison 2010/2011, la liste des prétendants au titre ou aux places européennes s’est allongée. Certes, cette augmentation découle de plusieurs autres facteurs, comme l’arrivée de certains chefs d’entreprises fortunés à la tête de clubs de top 14 comme Mohad Altrad ou Thomas Savare. Mais, en empêchant plus ou moins certains clubs de vampiriser les bons joueurs au sein de leurs effectifs, le salary cap a probablement eu un effet positif sur la compétitivité des nouveaux venus ou revenus du haut de tableau comme Montpellier, le Castres Olympique l’Union Bordeaux Bègles ou même le Stade Français.
4. Les effets pervers ?
Les effets pervers des mesures de limitation financière au niveau national sont connus, cela impacte la compétitivité au niveau international. Ainsi, en Angleterre, où le salary cap est inférieur à celui du top 14, certains clubs, notamment les Saracens, demandent son abrogation pure et simple. Leurs dirigeants estimant que cela les bride dans leur compétitivité européenne face aux clubs français. Mourad Boudjellal estimant par ailleurs que le salary cap français pourrait, à terme, défavoriser les clubs de l’hexagone dans la course au recrutement, notamment face aux clubs japonais qui distribuent des rémunérations conséquentes sur des périodes très courtes.
Pour contrer ces problèmes, le président toulonnais propose d’adopter en top 14 une mesure existant dans le championnat anglais qui consiste à avoir deux joueurs par clubs dont la rémunération ne serait pas prise en compte dans le salary cap. Ces deux joueurs « stars » auraient l’intérêt de permettre aux clubs de générer une économie via de la visibilité médiatique tout en conservant les avantages du salary cap en matière d’équité sportive. Mais, dans un sport aussi collectif que le rugby, une règle instaurant une inégalité réelle de revenus entre joueurs ne risque-t-elle pas de créer des tensions au sein des effectifs ?
5. Y a-t-il d’autres solutions ?
Si le salary cap empêche globalement les clubs de dépenser au-delà de certaines limites, il n’empêche par contre pas complètement les clubs de dépenser au-delà de leurs ressources. Certes, la DNACG veille à certaines pratiques à ce sujet, mais est impuissante pour lutter contre les clubs renfloués financièrement par de puissants actionnaires comme on a pu le voir ces dernières années au Racing, au Stade Français ou à Montpellier.
De fait, certains observateurs et supporters plaident pour l’instauration d’un fair-play financier sur le modèle de celui créé par l’UEFA pour les clubs participants aux coupes d’Europe de football. Sauf que, là encore, celui-ci présente des failles, notamment celle de ne pas tenir compte de l’endettement des clubs, mais seulement de leur déficit éventuel. Ainsi, des clubs très endettés comme l’Atletico Madrid ou Chelsea ne risquent rien, là où le Paris Saint Germain, pourtant non endetté, a subi les foudres du gouvernement du football européen suite à des renflouements de déficits par son actionnaire qatari. Ce modèle a donc l’inconvénient de favoriser les grands clubs déjà installés en empêchant les autres candidats au top niveau d’investir de l’argent sur plusieurs saisons pour améliorer leur compétitivité sportive et donc leur visibilité médiatique dans le but d’en récolter les bénéfices commerciaux à plus long terme. Ce que fait, par exemple, le Racing-Métro à l’heure actuelle en investissant dans son stade et en recrutant un joueur de l’aura médiatique de Daniel Carter.
D’autre part, le fair-play financier pose la question de savoir à quel niveau on pose les limites avant sanctions. Doit-on sanctionner la moindre saison de déficit parce qu’un club ne remplit pas les objectifs sportifs lui permettant d’atteindre l’équilibre financier ? Doit-on autoriser un certain déficit ? Doit-on le fixer en proportion des revenus du club ou le plafonner comme les salaires ?
6. Faut-il continuer ?
Il apparaît clairement qu’il n’existe aucune solution parfaite pour permettre une certaine équité, même relative, du championnat.
Pour autant, doit-on laisser les clubs gérer leurs finances sans contrainte comme des entreprises lambda ? Dans les années 80, quand l’argent des télévisions a fait son apparition en première division de football (aujourd’hui ligue 1), certains présidents s’étaient laissés aller à des investissements faramineux qui avaient abouti à plusieurs faillites de clubs, comme Toulon, Brest ou le Matra Racing. Dans un domaine sportif où l’investissement est, par essence, irrationnel, protéger les clubs contre les financiers sans scrupule prêts à tout pour gagner paraît indispensable.
D’autre part, garder une certaine équité est nécessaire pour garantir le minium de suspense indispensable pour que le championnat reste attrayant au-delà des publics traditionnels de rugby. Ainsi, certains diffuseurs télévisuels ont par exemple constaté un désintérêt relatif pour la ligue des champions de football, tant les surprises demeurent rares.
Aujourd’hui, en top 14, on peut regarder un match entre le dernier et le leader en ne connaissant pas d’avance le vainqueur. Ce n’est pas le moindre des mérites du salary cap.
Mais au regard de certaines dérives constatées, il apparaît comme intéressant de coupler le salary cap avec un dispositif de type fair-play financier assoupli, permettant aux clubs qui en ont l’ambition de prendre des risques financiers raisonnables pour tenter d’améliorer leur compétitivité sportive sur le moyen terme. Merci à Didier Guibelin pour cet excellent article
chinois62
Je pense que c'est comme tout , dans ce nouveau monde tres legaliste et moins moraliste , le fait de mettre des regles engendre forcement des visions de contournement , pour aller plus loin .
Or nous sommes tout de même dans un monde d'hommes avec des règles fiates pour des hommes mais surtout par des hommes .
Cela reste pour moi une bonne chose tout de même , puisque il y a encore , la réalité du terrain
rb3484
Mais #LaisseMoiComprendre. C'est en fait un écran de fumée ce Salary Cap, il Cap rien du tout et l'écart ne va faire que s'amplifier !
Harry
Les ST devraient arrêter de rabâcher avec l'argument de la propriété du stade…il n'est pas la propriété de la SASP et ne figure pas à l'actif de son bilan qui impliquerait l'équivalence de sa valeur en capitaux propres …il est la propriété d'une association qui demain si elle en décidait pourrait le louer ou le mettre à disposition de qui bon lui semble ou même le céder sans que le produit de la cession n'entre pou autant dans la trésorerie de la SASP ! Que cette situation implique (comme dans la plupart des autres clubs pour lesquels les collectivités mettent les stades à disposition gratuite avec une partie de la maintenance et l'entretien pour contrepartie) ) que SASP ST en assure l'entretien ok mais ça ne va pals plus loin
lucasdiop
Le centre de formation du stade est le meilleur de france regarde les résultats des jeunes qui entre 16 et 19 ans sont chaque année champion de france , et quand on voit que c'est un des seul club qui dit l'an prochain on veut faire passer pro 4- espoirs
noComment
le Salary Cap ne semble pas être le même pour le Métro avec Carter et son somptueux supposé salaire
comme au Rct le modèle en matière de superpositions de gros contrats !
noComment
je ne suis pas du tout d'accord avec toi WarZarA
le Stade a 35 M de budget
le centre de formation fonctionne plutôt bien
regarde les résultats des équipes espoirs (2eme) les gaudermen ...qui alignent régulièrement de bonnes performances
compte le nombre de joueurs formés à Toulouse évoluant dans d'autres clubs
lretiens le nombre de jeunes formés au Stade qui évoluent en équipe U -20 - 18
et tu verras à quoi sert le budget
Et Toulouse est aussi proprietaire de ses infrastructures , ce qui n'est pas le cas de la plupart des clubs en réussite dans le Top 14
MARCFANXV
Je trouve le système en place plutôt pas mal agissant tel un garde-fou pour qui aurait la tentation d'être par trop "aventureux" dans sa gestion (en tt système si ca part en sucette il faut entendre qu'il y a tjrs qq1 qui paye généralement pas celui qui a creusé le trou c'est ainsi !)..... Bien sur il y a peut-être qqs améliorations mais cela reste a la marge....Généralement les qqs 1 qui s'en plaignent sont les + riches arguant que ce sont eux qui font l'économie mais il leur faut comprendre que le produit gagne en valeur s'il y a une (petite en l'espèce) part d'incertitude ! Les résultats du TOP14 donnent raison aux porteurs du principe. Le Rugby qui par principe & tradition n'est pas un Sport donnant lieu a moult surprises a réussi à générer 1 Championnat passionnant avec à chaque Journée son lot de matchs a suspens (rappelons nous de ces looooooooongues saisons de qualif pour arriver enfin aux phases finales avec 1 intérêt). Bien malin qui aujourd'hui peut donner classement final ,qualifiés directs, indirects, descendants !! Le Rugby Pro (20 ans) a passé sa crise d'adolescence sans trop de dégâts "collatéraux" grâce en soit rendu a ceux qui prirent l'initiative d'instaurer des systèmes de surveillance....Allez juste 1 suggestion s'il y a surplus de benef si les Clubs investissaient 1 petite part dans des pays émergeants cela à terme élargirait la visibilité de notre Sport. Et la Formation bien-sur.....
Kadova
Garder le salary cap, oui.
Instaurer un minimum a depenser/allouer au centre de formation du club ? Je rejoins Bitch Bucannon sur ce point.
Harry
"ce qui est régulièrement le cas chez les épouses de joueurs" cela constitue un détournement évident avez-vous les chiffres concernant les joueurs français d'une part et étrangers d'autre part et à quels titres seraient-elles salariées des SASP ?
Sauf erreur vous avez oublié de préciser que le plafond de 10 M peut être dépassé de 100.000 euros par joueur figurant sur la liste des 30 protégés même s'il n'est pas sélectionné une seule fois (cf Fickou,FF,Parra …) dans la saison concernée ,plus l'astuce est grosse , mieux elle passe !
Tryphon
Merci pour cet article il pouvait même s'appeler "LE SALARY CAP POUR LES NULS".
J'ai mieux saisi les différentes problématiques.
HH
On assiste à une forme de dumping entre les riches fédérations de rugby. Les Anglais avec un salary cap au départ plus contraignant que celui des français l'ont allégé avec 2 joueurs hors salary cap, réponse française en prenant la même mesure afin de conserver leur avantage....etc...etc...l'escalade est inévitable tant que l'ERCC ou l'IRB ne fera pas de l'anti-dumping en imposant une norme de salary cap à respecter(comme le fait-avec plus ou moins de réussite- l'UE dans le domaine économique).
LeBolero
Je rejoins l'idée qu'exclure un ou deux joueurs du Salary Cap serait un bon moyen de concilier rentrées d'argent imputées au marketing, plus-value sportive, et un certain contrôle des finances vectrices d'équité et de sécurité !
Il faut aussi aller plus loin dans la fermeté de ce même Salary Cap concernant ses différents détournements, notamment via des sociétés, on y gagnerait en honnêteté et en intégrité sportive !
Enfin, arrêtons de prétexter ce faux argument que le Salary Cap va faire péricliter notre compétitivité à l'échelle mondiale, car quoi qu'on en dise, notre championnat est attractif, et une compétitivité sur le plan mondiale doit, si l'on ne pense pas qu'à court terme, se pérenniser par les centres de formation.
Faire éclore des jeunes talents est quand même l'objectif numéro un d'un championnat qui se targue d'être le "meilleur du monde" !
Bitch Bucannon
Si les salaires des joueurs sont limités, les dépenses du club le sont donc aussi.
Dans quelles poches vont les bénéfices ? Celles des actionnaires ? Celles de la Ligue ?
Bientôt, #LaisseMoiComprendre : le budget d'un club professionnel pour les nuls comme moi.
En complément du Salary Cap, est ce qu'on ne pourrait pas envisager de :
- Fixer un budget pour le centre de formation ? Cela sera à mon avis plus efficace que ces JIFF en s'attaquant à la base du problème. Et puis, nos petits jeunes (et bénévoles qui les encadrent) méritent plus de moyen et de reconnaissance de la part du rugby pro.
- Baisser le prix des places ? Avec les droits TV et autres contrats de sponsoring, certains clubs gagnent très bien leur vie. Le rugby doit rester un spectacle accessible.
ToToNe
Arf je voulais dire un ou deux joueurs et non jours, il est dommage de ne pas pouvoir éditer son commentaire. je vais de ce pas le remonter au staf 🙂
ToToNe
Non mais le fait d'exclure un ou deux jours du calculs c'est pas déconnant sur le fond.
Pour le reste je trouve ça plutôt bien, les joueurs vivent correctement et surtout les clubs font tous avec un budget similaire et ça c'est plutôt pas mal.
WazZarA
@ Tom4995 : A avoir un meilleur staf, de meilleurs infrastructure, un meilleurs cellule de recrutement, un meilleur centre de formation ... tous ce qui fait d'ailleur cruellement défaut au Stade depuis plusieurs saisons (exception faite des infrastructures).
tom4995
Il faut absolument augmenter le salary cap ! Sinon a quoi rime les 30M du Stade Toulousain s'il ne peuvent pas s'en servir ?!!!