Etudiant en BTS, Hugo Salcedo a tout du jeune rugbyman amateur classique. Passé par le Biarritz Olympique, puis l'Aviron Bayonnais jusqu'aux cadets, c'est sous le maillot de l'Anglet que ce jeune ailier / centre d'1,82m pour 77 kilos a débuté la dernière saison au sein des Espoirs. Une progression logique après avoir évolué chez les Balandrade et les Bélascain de la formation basque. Sauf que le destin de rugbyman d'Hugo s'est arrêté, après une... sixième commotion, à seulement 20 ans. Il témoigne, alors que la question de la santé des joueurs de rugby fait de plus en plus débat.
Salut Hugo. Raconte-nous un peu comment ces commotions ont commencé...
Les commotions ont malheureusement commencé très jeune chez moi, à l’âge de 13 ans. Au rugby, à l’entrainement avec Bayonne, sur un plaquage. Soi-disant, car je n'ai toujours aucun souvenir de cette journée. J’ai fait un ictus amnésique post-traumatique, qui est le plus gros KO à ma connaissance. Un exemple : quand l’infirmière des urgences m’a apporté à manger, j’avais oublié que j’avais mangé dix minutes plus tard, alors qu’on était 5 heures après le choc. En général, mes commotions ont été soit la conséquence d’une mauvaise technique de plaquage, car ma tête était placée à l’intérieur donc face au genou de l’adversaire, soit parce que la plage de repos n’était pas respectée à cause de la concurrence qui est rude. On veut toujours être le meilleur, et surtout ne rien rater, les risques post-commotions étant peu voire pas du tout évoqués. Ces commotions ont été de plus en plus handicapantes avec des troubles de la vision et maux de tête après les chocs. Peut-être dues au premier KO, où j'étais très jeune, on ne sait toujours pas. Mais toujours dues à la technique de plaquage comme pour Samuel Ezeala face à Virimi Vakatawa.
ASM Clermont : l'impressionnant KO du jeune Samuel Ezeala choque et interpelle le monde du rugbyUn problème qui semble commun, en plus des gabarits impressionnants des joueurs aujourd’hui. J’espère rencontrer dans les mois à venir différents neurologues pour comprendre le pourquoi du comment. Pourquoi ces commotions, pourquoi ces répétitions ? Pourquoi cette fragilité ? J’ai besoin de réponses à mes questions pour pouvoir passer à autre chose. La dernière commotion date du 11 Mars 2018 lors d’un match contre Hendaye en espoir avec Anglet. J’ai subi un choc dans le regroupement. Je vous aurais bien raconté comment mais je n'ai aucuns souvenirs... J’ai passé la nuit aux urgences avec une migrain permanente et une envie de vomir constante. Le lendemain, j’ai appris la pire nouvelle pour un jeune de 20 ans passionné par le rugby depuis tout petit : je dois arrêter définitivement le rugby. Pour le neurologue, ma santé était en jeu, avec l’enchainement des traumatismes. Nouvelle qui reste très dure à accepter...
Une fois commotionné sur le terrain, comment as-tu été pris en charge ?
J’ai toujours été pris en charge par mes parents qui m’ont conduit aux urgences. Je n’ai jamais été pris en charge par les pompiers ou des médecins présents sur le bord du terrain. C’est simple : les protocoles commotions en amateurs ou les cartons bleus, cela n’existe pas... Je tiens particulièrement à remercier mes copains, mes entraineurs, et bénévoles du club de l’Anglet Olympique qui ont toujours su prendre soin de moi après une commotion avec rigueur, alors que des gens en font leur métier mais ne sont jamais présents sur le bord du terrain.
Qu'est-ce qui t'a décidé à aller consulter un neurologue ? Toi, ta famille, ton club, un médecin ?
Ma famille a toujours été présente dans ces moments compliqués, et a toujours fait en sorte de voir un spécialiste pour avoir un réel avis médical qui n’est pas négligeable sur les mois post-commotions. J’ai consulté un neurologue pour avoir un avis spécialisé, un avis pointu car les suites engendrées par les commotions ne sont pas négligeables, d’autant plus que nous n’avons pas encore assez de recul sur les différents symptômes et maladies qui peuvent survenir dans les mois, les années qui suivent.
En Fédérale 1 Espoirs, le niveau n'est pas professionnel : j'imagine que vous n'avez pas une armée de médecins dans le staff : comment ça se passe ?
C’est simple, il n’y a aucun médecin sur les bords de terrain (sauf par hasard), il y a uniquement des kinés que je remercie de leur présence, car parfois, ils bravent les intempéries pour nous apporter les premiers soins lorsque cela est nécessaire. Quand un problème de commotion se pose, il n’y a aucun médecin, ou une personne pour prendre les bonnes décisions, réaliser un protocole, ou bloquer la licence sur les prochains matchs.
Lors du récent Irlande - Ecosse, quand tu vois que Cian Healy reprend le jeu contre l'Ecosse alors qu'il est clairement groggy et qu'un soigneur est à côté de lui, ça t'inspire quoi ?
Cela m’inspire que le rugby oublie l’aspect de la santé dans le professionnalisme. Comment c’est possible de laisser le joueur sur le terrain, et comment c’est possible que l’arbitre n’arrête pas le jeu ? Personne ne lui dit dans l’oreillette ? Je suis désolé de voir que ce si magnifique sport qui est un sport de copains délaisse cet aspect de la santé. Il faut arrêter de faire comme si rien ne c’était passé. Oui, certaines équipes pourrait perdre des joueurs importants dans leur effectifs, mais c’est la santé avant tout. Le rugby est passé d’un sport d’évitement à un sport de contact, donc il faut agir en considération.
Un mot sur Jamie Cudmore, qui mène un combat contre l'ASM sur ce thème des commotions ?
COMMOTION - Jamie Cudmore porte plainte contre le professeur Chazal, lui parle de buzzJamie Cudmore a joué onze ans à Clermont : peu de joueurs le font de nos jours. Je trouve ça dommage de finir sur un problème entre ces deux parties avec le palmarès qu’on connaît. Je pense - en tant que joueur - que la soif de jouer est plus grande que notre réel état de santé et que si les clubs peuvent faire jouer un mec qui se sent prêt, ils le feront sans hésitation. Mais qui pourra dire son réel état de santé ? Il faudrait trouver des solutions pour établir un vrai bilan du joueur, et trouver des solutions qui bloqueront sa licence car c’est seulement plus tard que l’on prend conscience des imprudences qui ont été faites, et c’est souvent trop tard, car le mal est fait et irréparable.
Justement, quelles solutions pour prévenir les commotions cérébrales dans le rugby, et sensibiliser les jeunes de ta génération au problème ?
Commotions à répétition - La FFR va expérimenter le carton bleuJe pense qu’il faudrait mettre en place des cartons bleus, et un médecin certifié sur chaque match. C’est aux clubs de le prévoir dans leur budget, il en va de la santé de leurs licenciés. Chez les jeunes, je pense également qu’il faudrait jouer par catégorie de poids, et non d’âge comme chez les Blacks ou en Australie, où le système de formation a été revu récemment. Il faudrait aussi sensibiliser les jeunes comme les plus grands sur les techniques de plaquage à avoir, savoir anticiper les changements de direction du joueur adverse, passer du temps sur les réelles positions à avoir. Une autre solution peut être la prévention, des témoignages. Quand cela vous arrive à 20 ans, on n’y est pas du tout préparé, car on croit toujours que cela n’arrive qu’aux autres, surtout quand on pratique le rugby entre copains pour le plaisir le dimanche, loin du Top 14 et des chocs à la télé. On n’imagine pas du tout que notre santé peut être en danger. Le rugby reste le plus beau des sports et il faut continuer à l’exercer. Moi, je dois l’arrêter et j’en suis bien désolé...
Latruffeduperigord
Un médecin certifié au bord du terrain excellente idée mais à la charge de la Fédération pas du club car il pourrait y avoir des connivences. Le médecin doit être totalement independant.
A mon avis.
Bagnar
Question ouverte.
On a beaucoup de bonnes idées, de bonnes propositions émises par des pratiquants, des amateurs, des bénévoles.
Comment pourraient-elles arriver jusqu'à l'oreille des dirigeants et donc, passer en phase de test et / ou d'application ?
Une pétition ?
Krakinut
En BMW.
Pianto
c'est triste de devoir arrêter une passion sans l'avoir choisi.
L'encadrement, l'arbitrage peuvent être un palliatif ou d'autres sports-co, genre handball, football ou basket. A 20 ans, arrêter l'activité sportive et la vie de groupe, c'est trop dur...
Excellente interview (questions et réponses), merci messieurs.
MARCFANXV
Bonne continuation et bon courage Hugo. Tu peux aussi vivre continuer à ta passion autrement, encadrement éducatif, arbitrage, engagement bénévole mais aussi missions préventives par exemple...
A travers ton retour d'expériences, on peut relever aussi un certain nombre de choses susceptibles de faire bouger les lignes. La 1ère chose que je relève c'est que tu as fait tes apprentissages à Biarritz puis Bayonne, c'est-à-dire des Clubs structurés ayant je présume les moyens humains mais aussi des encadrants diplômés pour encadrer cette jeunesse. J'évoque ceci, car, on invoque trop souvent le papa bénévole du club de trifouillis-les-oies pour expliquer (ou justifier) les carences en matière de Formation, là, tel n'est pas le cas ! J'irais même plus loin, peut-ètre y a t-il cause à effet car concurrence exacerbée qui sait ? Cet aspect prend d'autant plus de relief quand on constate que successivement baisse des cats d'âge,, abaissement de l’âge d'entrée en compétition, rajeunissement de la pratique à XV et plus récemment resserrement des compétitions Elite (Crab + Alam + Gaud) avec sur-compétition corrélative, "Championnisation"Minimes (SCF) et mode des Centres de Pré-formation tendent à accroître, à accentuer ce mouvement !!!! La 2ème chose et tu l'invoques toi-même avec honnêteté c'est, je te cite, le KO est "soit la conséquence de mauvaise technique de plaquage", "soit pk plage de repos pas respectée pk la concurrence est rude". Dans un cas, comme dans l'autre, on est de plein pieds dans le, les principes de Formation ! Formation aux techniques & attitudes mais aussi formation des encadrements, des staffs (pour aller au-delà formation du personnel médical -cf Post que j'ai fait lors du ko du jeune de l'ASM, rapport à mon garçon 18 ans non-pris en charge dans un CHU). A former des joueurs, on y préfère former des équipes, a former aux attitudes, on y préfère former à des combinaisons, a former des entraîneurs qui entraînent, on y préfère former des sélectionneurs qui sélectionnent...Bref, c'est la sur-compétitivité recherchée à tort et à travers et surtout bien avant que cela présente un réel intérêt pour la suite tant le rugby est une pratique à maturation lente qui est mère, la-aussi, de pas mal de maux !
Je trouve génial, qu'à 20 ans, tu sois déjà dans une démarche préventive...Nombre d'aguerris du Rugby feraient bien de s'en inspirer. Passées les belles déclarations d'intentions, ce n'est malheureusement pas ce que je perçois...
HookAHooker
Pour un ailer/centre le touch rugby c'est une bonne alternative pour pouvoir continuer à toucher la balle et être actif sans prendre de risque.
Mais aussi bravo pour la maturité affichée dans l'interview!
Bonne continuation!
Rchyères
Témoignage édifiant . Bien content d'avoir fini ma carrière avec "seulement" un genou bousillé et bien heureux que ma progéniture ne suive pas mes pas .
Marc Lièvre Entremont
Ce qui semble évident dans ce cas là, c'est le manque de formation au placage.
C'est effarant qu'à aucun moment il n'y ait eu une prise de conscience de son manque de technique par son/ses encadrement(s).
Surtout lorsque le joueur lui même connaît ses lacunes.
Chablisien89
Surtout a son niveau... niveau espoir. Ce ń’est pas comme s’il était en 4ème serie au fin fond de la creuse...
Marc Lièvre Entremont
Il y a un fond dans la Creuse ?
breiz93
Bravo Hugo pour ce témoignage qui rappelle qu'avant d'être un rugbyman athlétique, il y a avant tout un corps qui peut casser. Courage et bonheur pour toi.
Effectivement le rugby a changé et pas en bien.
Pour cela le 7 devient beaucoup plus plaisant à voir.
Brickman
Un témoignage vrai et cinglant !
Qu’attend- on ? Un blessé grave? Pire ? Ça fait vraiment flipper cette désinvolture. Notre rugby à énormément évolué et personne pour en tenir compte dans les instances.
J’avoue que même en tant que spectateur ce rugby de contact ne me plait plus autant que le rugby d’evitement.
Bon courage pour la suite Hugo !