Durant les quelques jours qu'il a passés à Roubaix, Thierry Dusautoir a eu l'occasion de distiller de précieux conseils aux amateurs du RCR. Il revient pour nous sur cette expérience très enrichissante :
"L'idée de la série Terrain Favorable est très intéressante car elle permet de mettre en avant des joueurs du quotidien. C'est important de leur donner de la place dans un rugby qui est de plus en plus médiatisé et qui parle énormément des pros. C'est bien de montrer que le rugby est un ensemble et pas uniquement le sport professionnel. Passer plusieurs jours à Roubaix a été une expérience complétement différente de celle à Saint-Père-Marc-en-Poulet.
Il y a beaucoup d'idées préconçues et de préjugés sur Roubaix mais on y a rencontré des personnes qui, si elles sont en difficulté à certains moments et ont des origines sociales différentes, se réunissent toutes pour remplir un objectif qui est de défendre les couleurs de Roubaix. C'est un club très attachant avec beaucoup de jeunes venus d'horizons divers. Voilà ce qu'est le rugby à l'origine : un melting-pot culturel ou social qui permet de créer une équipe en fédérant des étudiants, des manutentionnaires, des kinés, des profs, etc. C'est ce qu'on peut retrouver dans tous les clubs. Cette série permet de mettre en avant ce qui nous attire tous au rugby, à savoir cette seconde famille et cette camaraderie. Avec Jonny, Guilhem, Laura et moi, on a un peu fait partie de l'équipe. On a vécu à fond leur finale. On a poussé avec eux."
Comment gérer une finale
Des finales, l'ancien troisième ligne en a joué beaucoup, dont une de Coupe du monde en 2011, et remporté six avec le Biarritz olympique et le Stade Toulousain. Il sait donc de quoi il parle : "Sur l'appréhension de la finale, on sait tous que quel que soit le niveau, ce sont des moments assez intenses et particuliers qui consomment énormément d'énergie. J'ai essayé de les aider sur la gestion de l'émotion en leur disant de prendre de la distance. Même si c'est un évènement important, il faut le traiter en tant que tel et ne pas perdre toute son énergie avant le match. Car une partie, c'est 80 minutes. Si vous faîtes une erreur, il ne faut pas s'attarder dessus. L'analyse se fait après le match. Il faut passer à l'action suivante, se préparer et se reconditionner pour la suite."
Bien défendre, c'est évoluer avec ses coéquipiers
Sur le terrain, Thierry Dusautoir était réputé pour sa rigueur en défense. On ne réussit pas 38 plaquages face aux All Blacks en restant les bras croisés. "En ce qui concerne le plaquage, je suis peut-être allé un peu trop dans le détail. Je les ai parfois un peu perdus en leur parlant des positions à avoir, en insistant sur la technique, le positionnement de la tête en fonction de l'épaule qui va effectuer le plaquage, la cohérence collective lors des montées défensives leur faire toucher du doigt la gestion de l'espace et du timing. J'ai surtout essayé de leur expliquer que la défense ce n'est pas qu'un gros plaquage. Ce n'est pas toujours ce qui est mis en avant médiatiquement. La défense relève avant tout du collectif. Il faut fonctionner avec les autres."
Gérer ses émotions et son énergie
Le joueur d'origine ivoirienne savait être discret en-dehors du terrain. En tant que leader, il devait montrer l'exemple sur le pré aussi bien dans le combat que dans l'attitude. Savoir gérer ses émotions et son engagement demande du travail. Et c'est ce qu'il a voulu faire comprendre aux joueurs du CRC : "J'ai beaucoup échangé avec Rayan, trois-quart centre au RCR, qui a un jeu assez physique. On a essayé de lui faire comprendre qu'il est capable de faire autre chose. Quand on est généreux comme lui, savoir gérer son engagement et l'énergie qu'on y met, c'est important pour pouvoir durer. Avec Samir, le pilier, on a discuté de sa suspension. De ce qui l'avait amené à craquer à un moment donné. On a travaillé sur la façon dont il pouvait gérer ses émotions et ne pas tomber dans les pièges qu'on pouvait lui tendre sur le terrain pour pouvoir vraiment être utile à ses coéquipiers. Il fallait aussi qu'il comprenne que ça peut arriver à d'autres.
Crédit vidéo : Société Générale
La gestion de l'émotion est commune aux amateurs et aux pros. Savoir gérer son émotion, c'est la clé pour pouvoir donner le maximum de son potentiel. Dans certains cas, vous pouvez trouver des joueurs qui sont très performants en club parce qu'ils sont chez eux, que c'est quelque chose qu'ils connaissent. Mais après, ils perdent tous leurs moyens au niveau international parce que c'est une autre émotion. Finalement, ce n'est pas si différent même si le niveau physique et technique n'est pas le même."
La musculation, ok...
Dans un rugby qui se veut de plus en plus physique, Thierry Dusautoir estime que la technique doit aller de paire avec la préparation physique. Cette dernière doit d'ailleurs être au service de la seconde. "Ils n'ont pas les mêmes moyens à disposition pour se préparer et les mêmes disponibilités, mais il y a des joueurs comme Rayan ou Boni qui sont vraiment, vraiment costauds. Le conseil que j'ai pu leur donner, c'est que c'est bien d'être solide, mais il faut pouvoir le coupler avec l'activité rugbystique. Leur travail, c'est de réussir à utiliser leur potentiel physique dans le rugby. Ce sont des gars qui font énormément de muscu et qui souvent sont de vrais athlètes. Il n'y a pas que la musculation dans la vie. Même s'ils en ont conscience, c'est bien de le leur rappeler. C'est une partie du rugby qu'on oublie parfois car c'est le physique des joueurs qui saute aux yeux. Mais être costaud ce n'est qu'un moyen pour pouvoir s'exprimer, ce n'est pas une finalité."
...mais pas au détriment de la technique
"Pour la grande majorité des gens, une situation de ruck n'est pas considérée comme une action technique. Alors même que la gestion au sol avec la manière dont on libère le ballon, la façon dont on tombe, comment on plaque, sont des choses travaillées et répétées. Il ne s'agit pas de dire qu'on va le faire pour pouvoir bien le faire. C'est aussi technique qu'une bonne passe ou un 1 contre 1. La panoplie du joueur est bien plus étoffée qu'elle en a l'air. Et c'est aussi dur à gérer pour les pros que pour les amateurs."
Après cette expérience enrichissante à Roubaix, Thierry Dusautoir se sent-il l'âme d'un entraîneur ?
"Ce que j'ai transmis à Roubaix, ce n'est pas une vérité générale. Ce sont des choses qui m'ont aidé pendant ma carrière et m'ont permis de réussir certaines choses donc j'aime bien le transmettre. Quand le courant passe bien comme ça a été le cas pendant ces deux/trois jours. Lors de l'analyse vidéo, il y a plusieurs points sur lesquels j'ai insisté, car ils m'ont sauté aux yeux tout en prenant en compte que ce ne sont pas des professionnels qui s'entraînent tous les jours. Mais il y a certaines choses qu'on peut appréhender facilement. Il y a ces gestes qu'ils voient lors des matchs de pros mais qu'ils n'arrivent pas forcément à appliquer de leur côté.
Entraîner ? Pourquoi pas un jour. Mais dans l'immédiat non. Il faut prendre le temps de se former. Certes, on a une légitimité en tant qu'ancien sportif de haut niveau mais elle ne donne pas les outils pour être pédagogue et pouvoir passer des messages. Le souci, c'est qu'on sait faire mais on ne sait pas comment le transmettre afin qu'il y ait une adhésion autour du message. Je pense que ça s'apprend. Je n'ai pas encore 37 ans donc j'ai le temps de me former. J'admets aussi que je profite pleinement des week-ends en famille."
Retrouvez les six épisodes sur la chaîne de Société Générale.
En partenariat avec Par Amour du Rugby.
lelinzhou
Un bon article.
Team Viscères
Pourquoi Wilko ne donne pas ses cours perso au grandisse de Roubaix, c'est parce qu'il est de la Boucherie c'est ça? #complot