Sébastien Remoué est un ingénieur tout juste diplômé de 23 ans. L'ovalie ? Il s'y intéresse en 2003 lors de la Coupe du monde, mais ce n'est que trois ans plus tard qu'il chausse les crampons pour la première fois, "parce que cette idée faisait un peu peur à mes parents". À l'école de rugby du Racing Club de France, club qu'il supporte encore aujourd'hui, il découvre les joies de la première ligne avant de se consacrer à ses études. La suite ? Le rugby qui le rattrape en universitaire avec l'INSA de Rouen, des entraînements avec Quevilly, jusqu'à ce déclic et la découverte de l'arbitrage : "pendant un an et demi, je jouais le jeudi avec l'équipe de l'INSA et j'arbitrais le week-end pour le Comité Normandie." Mais ça, c'était avant de partir en Inde... Il nous raconte sa formidable aventure.
Salut Sébastien ! Tout d'abord, tu peux nous dire comment t'es tu retrouvé en Inde ?
C'était du pur hasard ! Lors d'une conférence dans mon école, j'ai rencontré la directrice technique de l'entreprise Fluidyn (une PME qui développe des logiciels de mécanique et des logiciels de simulation environnementale). Elle cherchait un stagiaire pour 6 mois comme ingénieur projet en mécanique des fluides, soit à Saint-Denis, soit à Bangalore, surnommée la Silicon Valley de l'Inde. J'ai posé ma candidature en disant que je cherchais un stage de fin d'étude dans ce domaine et une expérience à l'étranger, et me voilà parti en Inde pour un peu plus de 5 mois dans le sud du pays ! Je suis revenu début septembre.
Pas trop compliquée l'acclimation ? Raconte nous un peu ta vie là-bas.
L'acclimatation a été assez rapide, malgré le choc à l'arrivée ! Rien que la température et surtout, pour l'anecdote, dans mon logement, j'ai été accueilli à 4h du matin par des cafards surpris par la lumière. Au niveau de la vie quotidienne, malgré le peu de confort de mon logement, la nourriture très épicée et les nombreuses coupure de courant, je me suis vraiment senti bien. Les gens étaient très accueillants et mes collègues étaient très attentifs à mon bien-être.
C'est grâce à l'un d'entre eux que j'ai pu rencontrer l'association Khelo Rugby dès mon premier week-end sur place, ainsi qu'un groupe d'expatriés qui joue au Touch Rugby, avec lesquels je suis allé jouer presque tous les week-ends pendant mon séjour.
Que peux-tu nous dire sur cette association et ses activités ? Et toi, concrètement, qu'y faisais-tu ?
A la base, tout vient du club de Calcutta, Jungle Crows, actuel vice-champion d'Inde de rugby. Il accueillait des jeunes garçons défavorisés et il a décidé d'étendre son impact en allant s'insérer directement au sein des communautés défavorisées. Il intervenait dans les écoles publiques, proposait au jeunes enfants - garçons ou filles - des activités de développement. Le tout, orienté autour du rugby même si des ateliers variés sont organisés pour l'apprentissage du monde ou de l'hygiène, qui est un problème crucial en Inde.
C'est ainsi qu'est né Khelo Rugby, qui a été ensuite exporté dans quelques autres villes, grâce aux anciens jeunes qui se sont investis à leur tours, dont Zaffar, Deep et Waquar qui se sont installés à Bangalore et qui ont emmené ce projet avec eux. Ils ont créé quelques communautés dans Bangalore avec l'aide de Décathlon et d'expatriés. Par exemple, tous les dimanches, les jeunes de la communauté de Sarjapur (un district de Bangalore) s'entraînent au Décathlon du coin, qui met un petit terrain en synthétique à leur disposition.
J'ai donc rencontré Zaffar, Deep et Waquar dès mon premier week-end à Bangalore parce qu'ils organisaient un tournoi de rugby flag pour les jeunes des communautés Khelo Rugby de Bangalore. Ils cherchaient des volontaires pour arbitrer les matchs organisés : c'était vraiment sympa, même si la chaleur était vraiment éprouvante ! Je suis aussi allé quelques fois aider pour coacher la communauté de Sarjapur le dimanche matin quand il y avait besoin. Je me suis beaucoup engagé pour faire connaitre l'association, trouver des expats motivés pour aider et aussi, parce que c'est important, chercher des sponsors !
La suite page 2, avec la création d'un club et un point sur la situation du rugby local
Tu as ensuite collaboré pour la création d'un club à Bangalore. Raconte-nous ça !
Alors, pour expliquer le contexte, il y a déjà un club à Bangalore, le Bangalore Rugby Football Club, qui se résume à une équipe de Séniors. Je les avais contacté pour voir si je pouvais jouer avec eux mais ils s'entrainaient sur un terrain militaire auquel je n'avais pas accès en tant qu'étranger. Bref : il n'y a pas de vrai terrain à Bangalore, et rien pour les jeunes. J'ai quand même participé à un tournoi de Seven à Chenai avec eux, grâce à Zaffar qui m'a incrusté dans le groupe. Tournoi où j'ai aussi arbitré et que nous avons gagné.
Dans le même temps, Zaffar m'a contacté pour me dire qu'il cherchait à créer quelque chose pour donner aux jeunes de Khelo Rugby à Bangalore une chance de percer dans le rugby en apprenant aussi le contact. En France, on dirait qu'il veut créer une école de rugby et un centre de formation. On a donc mis en commun nos idées afin de mettre en place ce projet. Nous étions début juillet, à la moitié de mon séjour, et Zaffar a décidé d'appeler ce projet Racing Bengaluru.
Entre ce moment et mon retour en France, nous avons défini les objectifs suivant pour ce projet :
Dans un premiers temps :
- Création de deux équipes mixtes dans un premier temps : 10/14 ans et 15/18 ans
- Recherche de sponsors, d'un maillot et d'un logo
- Travail autour de la règle et initiation à l'arbitrage
- Trouver un coach français pour transmettre une vision plus combative du rugby
- Accueillir les enfants d'expatriés
D'ici un an :
- Organisation d'un stage en France
- Création d'une équipe senior
Long terme :
- Création d'un vrai terrain de rugby à Bangalore
- Voyages réguliers en France
Pour ma part, je suis responsable de trouver des soutiens en France et de me renseigner pour des clubs d'accueil, en attendant de revenir pour rencontrer ces jeunes. J'ai parlé de ce projet aux présidents de l'ALCL Grand Quevilly et du RCP15 - où je suis affilié en tant qu'arbitre - ils sont tous les deux motivés par cette idée. Et pour le moment, le RCP15 est plus pratique car c'est un club parisien qui a plus de moyens. Au point de vue des soutiens, la Société Générale vient de nous offrir son aide puisque c'est une compagnie très attachée au rugby et que l'une de ses employée à Bangalore fait partie du groupe d'expatriés avec lequel nous jouions tous les dimanches au Touch. Nous recherchons bien sûr d'autres soutiens à Bangalore et aussi en France, et aussi d'éventuels clubs prêts à accueillir des jeunes indiens pour des stages ou tournois.
Personnellement, je pense que la création d'un terrain est très importante car les structures manquent vraiment, et les terrains sont souvent des terrains de foot, et des branches sont ficelées aux buts pour faire des poteaux.
Justement, quelle est la situation du rugby indien ?
Le rugby en Inde est presque inexistant, et il est principalement pratiqué par des expatriés, des militaires, où des jeunes qui ont eu la chance de le découvrir : ce pourquoi œuvre Khelo Rugby. Les plus gros clubs sont coachés par des expatriés. Par exemple, les Jungle Crows de Calcutta, d'où viennent Zaffar, Deep et Waquar, sont coachés par un Anglais. La fédération Indian Rugby a été créée en 2001 et pointe à la 77ème place du classement World Rugby. Selon mes amis, "l'Inde se débrouille bien face au Népal voire au Bengladesh, mais sinon c'est raclées sur raclées..." Il n'y a pas de nombre précis de licenciés mais il ne doit pas dépasser 15000, soit 0.001 % de la population totale. Il y a un peu de XV et de VII, mais c'est très peu organisé et c'est selon le nombre de joueurs présents surtout !Qu'est-ce qui freine à son développement ? Et au contraire, selon toi, quels sont ses atouts qui pourrait lui permettre d'exploser ?
Le principal frein au développement du rugby est l'absence totale d'esprit de sport en Inde. Quand je disais à mes collègues que je faisais 45 minutes de taxi tous les week-ends pour jouer, ils ne comprenaient pas. Ce n'est pas le rugby mais le sport en général. 1.5 milliards d'habitants et 170 athlètes aux JO de Rio, pour un bilan d'une médaille de bronze (lutte féminine) et une médaille d'argent (badminton féminin). Et ça n'a pas fait de bruit... Là-bas, le sport c'est le cricket, parce qu'il y a de longues pauses pour boire le thé. Non je n'exagère pas, c'est vraiment la vision que tout le monde m'a donné ! Il n'y a pas de sport à l'école, ça ne fait pas du tout partie de la culture, essentiellement basée sur les traditions religieuses. Par contre, il y a une idée reçue qu'il faut éliminer : ce n'est pas une histoire de Castes, ou bien ça ne l'est plus !Grâce à la forte influence de la culture occidentale dans les grandes villes, je pense que le rugby indien pourrait se développer et ce pour deux raisons principales : il y a plus d'un milliard d'habitants, ce qui en fait un véritable vivier pour le développement et ils sont extrêmement curieux, ils aiment beaucoup apprendre des étrangers. Je pense que cela pourrait les pousser à s'intéresser au sport et par extension au rugby.
Kadova
Bravo a ce jeune homme d'avoir su allier vie professionelle et passion, et en plus, trouver le moyen de la faire partager. Et bravo aussi pour continuer a les soutenir une fois rentre en France.
Garjarik
Super article! Bon courage pour la suite!
sha1966
merci pour ce reportage !! bon courage !!
Pancho34
Bravo belle initiative bon curage pour la suite.
dusqual
super de voir ca!!!
bravo sebastien d etre allé aux bout des choses a bangalore et de continuer le mouvement en rentrant. franchement chapeau.
Sebulba
Merci Clément !
Plus d'infos ici ! https://khelokhelo.com/category/khelo-coaching/india/bangalore/