Entre le 1er janvier 1906 et la 14 juillet 1979, le XV de France avait battu toutes les grandes nations du rugby aussi bien en France que sur leur terrain. Toutes, sauf la Nouvelle-Zélande battue trois fois en France mais jamais à Auckland, Christchurch ou Wellington. C'est dire que la victoire tricolore à Auckland eut un très grand retentissement, la date symbolique du 14 juillet ajoutant encore à la grandeur de l'exploit.
La légende All-Black
Il est commun de dire que la Nouvelle-Zélande est la patrie du rugby. Cela tient à plusieurs éléments. Le premier est sans doute qu'arrivé dans les îles au long nuage blanc à la fin des années 1860, le rugby fut d'emblée adopté par les autochtones, les maoris, qui retrouvaient en lui certaines de leurs pratiques ancestrales. La pratique du haka avant chaque rencontre symbolise cette appropriation. Sa pratique systématique en milieu scolaire est le second facteur de cette prééminence du rugby en Nouvelle-Zélande. Depuis leurs premières rencontres officielles en 1903, les rugbymen néo-zélandais dominent largement tous leurs adversaires. Ce fut notamment le cas dès leur première tournée en Europe en 1905/06, où ils remportèrent quatre tests sur cinq et contestèrent toujours l'essai qui leur coûta la victoire face au Pays de Galles. A chacune de leurs tournées européennes, ils apportèrent un élément nouveau à ce jeu. En 1905, leur façon de faire participer les quinze joueurs à l'attaque balle en main, valut à un journaliste de faire ce commentaire : "They are all backs", ils sont tous arrières, qu'une coquille a transformé en "They are all blacks", ce qui pouvait s'expliquer par leur tenue toute noire, qui fit dire plus tard qu'ils portaient le deuil de leurs adversaires. La légende all black était née. Pour être all black, rêve de tout petit néo-zélandais, il faut avoir porté le maillot à la fougère, en test ou pas, ce qui explique qu'il y ait plus de all blacks que d'internationaux néo-zélandais.
George Nepia, arrière all black de légende des années vingt symbolise l'appropriation du rugby par les Maoris. Photo : Collection Francis Meignan
Les rencontres France – Nouvelle-Zélande avant 1979
Lorsque le rugby français souhaita s'ouvrir aux rencontres entre nations, ce fut aux Néo-Zélandais qu'il fit appel. Il profita de leur première tournée dans les îles britanniques à l'automne 1905 pour les inviter à faire un crochet par Paris avant de reprendre le bateau pour l'Amérique du nord, d'abord, puis la Nouvelle-Zélande. Pour l'Union des Sociétés Françaises de Sports Athlétiques, c'était là un double pari. Quel serait l'accueil du public et comment la première équipe nationale française pouvait se comporter face à ces joueurs qui étaient en train de triompher sur les terrains d'outre-Manche? Les Néo-Zélandais, par contre virent là un excellent moyen de venir fêter le changement d'année à Paris, car la rencontre était programmée pour le 1er janvier 1906 et ils s'empressèrent d'accepter. Le premier pari de l'USFSA fut gagné. Plus de dix mille spectateurs avaient accepté de payer vingt, dix ou cinq francs, (ce qui correspond à peu près à 400, 200 et 100 €) et de braver la pluie, pour être au Parc des Princes, au moment du coup d'envoi à 14 h 30. Pour le second, tout était à craindre. La seule question qui se posait était de savoir si la défaite française serait honorable ou humiliante. Mais, les rugbymen français avaient tant à apprendre de ceux qu'ils appelaient les "coloniaux" que le risque en valait la peine. La première originalité des troupes du capitaine Dave Gallaher était de jouer avec sept avants, le huitième étant détaché dans un rôle de winger. Leur mêlée adoptait une formation 2-4-1, très désorientante pour les nôtres et enfin, ils alignaient trois trois-quarts et deux cinq-huitièmes. Toutefois, le second pari fut aussi gagné. Les effets conjugués de la pluie, du terrain rendu gras par celle-ci et le dégel, d'une certaine fatigue des voyageurs et d'un mépris total des conditions qui les firent attaquer aux quatre coins du terrain, associés à l'envie de bien faire des nôtres, limitèrent la défaite à 8 à 38 et surtout en marquant deux essais (contre dix), ce qui était l'équivalent de ce qui s'était fait de mieux de l'autre côté de la Manche. Cette première incursion des Néo-Zélandais sur notre sol fut donc un franc succès. Elle inaugurait à la fois le rugby international français en ouvrant la voie à des rencontres face aux nations britanniques et à des échanges entre nos deux pays qui avec le temps allaient se multiplier, uniquement en France d'abord puis dans les îles australes.
Dave Gallaher, joueur d'origine irlandaise, fut le capitaine de la première équipe néo-zélandaise à avoir joué contre la France. Il revint dans notre pays pour y trouver la mort lors de la bataille de Paschendaele durant la Grande Guerre. Photo : Collection Francis Meignan
Il fallut attendre 19 ans pour revoir l'équipe de Nouvelle-Zélande en France. Toutefois des rencontres eurent lieu entre 1917 et 1919, opposant l'équipe de France (non officielle aux yeux de l'USFSA) à des équipes militaires néo-zélandaises, sous le vocable d'Australia and New-Zealand Army Corps's (ANZAC's) d'abord puis de New-Zealand Expeditionary Forces (NZEF). La deuxième rencontre officielle n'eut donc lieu qu'en février 1925, au cours d'une nouvelle tournée des Blacks. A cette occasion les Français redécouvrirent le mouvement perpétuel qu'était le rugby néo-zélandais. On ne pensait pas à l'époque qu'il faudrait attendre 29 ans pour revoir ces merveilleux joueurs en France. Certes, nous eûmes la visite des Maoris en 1926 et celle des 2nds New-Zealand Expeditionary Forces en 1946, mais les All Blacks ne revinrent qu'en 1954. Leur tournée dans les îles britanniques avait été moins glorieuse que les précédentes, et de ce fait lea rencontre face au XV tricolore paraissait moins déséquilibrée que les précédentes. Effectivement la France l'emporta 3 à 0. En 1961, pour la première fois l'équipe tricolore fit une tournée aux Antipodes et y perdit ses trois tests, même si la défaite 3 à 5, dans le deuxième ne fut consommée qu'en fin de rencontre, par un essai sur un contre dans l'en-but tricolore, miraculeusement transformé dans des conditions apocalyptiques.
La Nouvelle-Zélande revint sur notre sol en 1964, et l'emporta 12 à 3 lors du test, puis en 1967 pour une nouvelle victoire 21 à 15. En 1968, la France à son tour fit le déplacement et perdit ses trois tests malgré une formidable partie dans le troisième. En 1973, ils s'inclinèrent pour la deuxième fois face aux Français 6 à 13. La dernière rencontre avant 1979 eut lieu en France en 1977. Les tricolores remportèrent le premier test 18 à 13 et s'inclinèrent dans le second 3 à 15.
Après une présentation des rugbys à XV et à XIII en France en 1939, ce livre, très documenté, retrace les vicissitudes qu'ont connu ces sports durant la guerre jusqu'à leur renaissance en 1945. Il fait aussi une part belle aux parcours humains de plusieurs rugbymen français et étrangers dans cette période particulièrement tourmentée.
lelinzhou
@Francis Meignan
Intéressant et bien sûr documenté, mais je pense que l'histoire de la coquille est une invention devenue légende populaire. Et c'est à ce titre-là qu'il aurait fallu la citer, ou tout au moins laisser planer un doute sur sa véracité.
Ahma
La prétendue coquille all backs/all blacks est une légende, la relayer en la présentant comme un fait avéré jette malheureusement un doute sur l'ensemble de cet article.
PeeJohn
Certes oui : doute que la coquille (véritable elle) présente dès la première ligne dudit article (« la 14 juillet ») aurait tendance à renforcer...
Yonolan
Exact ; la légende dit que c'est une coquille du daily mail mais toutes les recherches effectuées n'ont absolument pas pu prouver cette origine ni dans d'autres journaux anglais ; à moins que des faits nouveaux soient connus de l'auteur
Pour le reste article fort agréable à lire et c'est Georges Pastre décédé presque centenaire il y a 5 ans qui est l'auteur de la fameuse formule ils portent le deuil de leur adversaire ; c'est bien de reparler de ce journaliste sportif audois
spir
Il n'y a pas de fait nouveau : j'ai lu en ligne il y a très peu de temps une enquête toute récente par des journalistes néozed, qui montre que c'est une légende. Le fond du problème est que c'est un joueur célèbre qui l'a colportée (mais ça aussi ça montre àmà que c'est un mensonge, car comment saurait-il que c'est une coquille et pas intentionnel, vu que les maillots étaient déjà "all black" ?).
Bachibouzouk
Cher Francis Meignan, vous devriez venir plus souvent inonder ces colonnes digitales de votre science rugbystique. Nous sommes fiers que cet article ait été écrit par nous, comme l’indique le bandeau vert en en-tête de l’article, et nous nous empressons d’aller commander illico un exemplaire de votre ouvrage...