8331 km entre Toulouse et Madagascar, l'histoire sans fin d'un amoureux du rugby
Yorhann, à gauche, en compagnie de son ami, Louis Fajfrowski.
Nous allons vous conter l'histoire de Yorhann Ramonjiarivony, de Madagascar à Toulouse, avec le ballon ovale comme ligne de mire.

La récente histoire entre Madagascar et le rugby est liée par ce que ce sport peut apporter de plus beau. Ces valeurs si souvent prônés, mais facilement oubliées chez les grandes nations ne cessent de guider les "petits" dans leurs pratiques et leurs vies. Et c'est de cette façon que Madagascar fait revivre le rugby depuis maintenant des décennies, ce loisir de colons qui est devenu une forme de libération pour le peuple. Aujourd'hui, les Malgaches font rayonner le ballon dans leurs stades remplis à chaque match : 50 000 licenciés dont une majorité de femmes, hissé en sport national, 250 clubs à Antananarivo. Une évolution à contre-courant du rugby mondial, ou tout simplement complètement dans l'essence même du rugby. L'histoire des Malagasy vous a été contée des dizaines de fois, je sais. Mais prenons le prisme de Yorhann  Ramonjiarivony, toulousain au sang malgache, narré par la plume et le marteau de Jérémie Schwartz.

8331 kilomètres

Né en France, Yorhann et ses racines sont siamois au rugby. Son grand-père Eugene Imboarimanana, "l'avant-bras" (car il arrivait à allonger son bras pour aplatir), aurait ou jouer pour Clermont ou La Voulte mais "avec une famille au pays, pas question de partir tenter sa chance comme ça". Yorhann, lui, a longtemps été au centre de formation du Stade Toulousain et "comme pour toute histoire d’amour, entre Yorhann  Ramonjiarivony et la sélection malgache, ça a commencé par un non". Comment tourner la tête vers un rugby en construction quand tu évolues dans l'un des meilleurs centres de formation de l'hexagone ? Mais comme beaucoup de joueurs, la route est longue et compliquée, et sa génération (1996) est un creux de talents comparée à la précédente (Ramos, Bonneval, Marchand) et la suivante (Maka, Tolofua, Verhaeghe). "Les gens me badaient", affirme-t-il à Jérémie Schwartz. Mais fusionner sa destinée au ballon ovale est parfois cruel. Depuis ses 17 ans, Yorhann n'a jamais pris de vacances d'été et sans jamais regretter, il déclare que le rugby lui a donné la vie qu'il voulait.

Yorhann et Louis

Mars 2016, direction le Cantal et Aurillac pour un contrat qui était censé lui redonner de l'espoir. Exit les infrastructures toulousaines, les kinés, hammams, etc. À lui de se prendre en main et il le découvrira rapidement lorsqu'il devra aller manger au CROUS pour ne pas entamer son solde. Le choc est là, mais Yorhann doit faire avec et dans cette lente descente aux enfers, il ne semble plus avoir de freins. Bloqué chez les espoirs, il ne se donne pas les moyens d'accéder aux pros et la seule lumière, il la rencontrera autour d'un verre. Aujourd'hui, elle partage sa vie. L'autre rencontre est celle de Louis Fajfrowski, son meilleur ami. En 2018, il continue son chemin vers Rodez, en Fédérale 1, où par chance, il affronte son ancien club Aurillac et ami de toujours Louis. L'histoire, on la connaît et Yorhann s'empresse de venir voir Louis pour prendre de ses nouvelles : "- Ça va ? T'es ok ? - Ouais, juste le souffle coupé, ça va." Mais à sa sortie, l'agitation prend le dessus et Yorhann apprend que son ami vient de faire trois arrêts cardiaques. Dans les vestiaires, il débranche et enlève les électrodes de son ami de toujours, celui qu'il avait rencontré au fin fond du Cantal. 

"D’un œil extérieur comme le mien, il semble invraisemblable que des clubs professionnels n’aient pas les moyens de fournir une alimentation variée, équilibrée et surtout adaptée à leurs plus jeunes joueurs. Qu’ils demandent à des bestiaux de 120 kilos d’avoir le même appétit qu’une étudiante en psycho. De se goinfrer d’OGM et de plats réchauffés, trop salés, trop dégueu, tout au long de l’année."

Depuis, Yorhann a peur et sa copine se ronge les ongles à chaque départ pour ce "rugby". Il a pensé à tout arrêter, mais sans ce sport il n'aurait jamais vécu et rencontré des personnes comme Louis. "Alors, il lui fait la promesse de continuer et de se battre." Le ciel continue de s'abatre sur lui après que Rodez dépose le bilan pour se retrouver en Fédérale 3. Yorhann décide de grimper une marche de plus à Arpajon, en Fédérale 2. La relance des 22.

Malgache, Français, ou les deux ?

C'est finalement en 2017 que Yorhann honore sa première cap avec les Makis. Premier hymne, premier ballon, premiers frissons mais surtout premier Français à faire un haka lors d'une compétition officielle. Son frère, Andyann suit ses pas : formé au Stade Toulousain, aujourd'hui à Colomiers et des sélections en jeunes chez les Bleus. Le coeur, la raison, il choisira Mada aux côtés de son grand frère. 

L'histoire de ces deux bi-nationaux est l'exemple même du problème malgache : d'un côté les "expat'" avantagés, de l'autre les locaux aux conditions de vie difficiles. Yorhann en a fait son combat et souhaite aujourd'hui améliorer les conditions de vies de ses frères malgaches pour combler le gouffre physique et économique qui existe. Son après-carrière, il y pense depuis ses premiers hics avec le rugby : monter un food-truck ou aller vivre aux pays des Makis ? Yorhann n'a pas pris de décision, tout comme le rugby avec lui. Après tout, il a déjà eu plusieurs vies. À seulement 23 ans.

Merci à Jérémie Schwartz pour son récit et ses yeux sur le rugby malgache. Vous pouvez retrouver ses récits sur son site http://jeremieschwartz.fr 

 

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