“Ce match, t'imagines même pas combien il me tarde de le voir, je suis comme un fou !” Ce samedi 10 Juin, alors que le XV de France se prépare à se frotter les arêtes contre celles des Sud-Africains, Manfred “Mannie” Levesque, sosie officiel de Matt Giteau et ancien talon du Mirail, prend position dans le stade en songeant que, en 1958, sa mère sud-africaine avait vu les Bleus s'offrir le scalp des Springboks. Aux côtés du franco – sud-africain on retrouve Cyril Meidinger, demi de mêlée alsacien ayant la particularité d'être international à 7... pour la Grèce (si si, c'est possible). Accompagnés pour l'occasion par Sunel Botha, leur voisine à Cape Town et qui n'a jamais que le nom de commun avec le brave Bakkies, les deux compères nous racontent leur match, point d'orgue d'un périple pour le moins dépaysant et riche en émotion.
Bien évidemment, une revue des grands classiques des répertoires musicaux des deux pays s'impose. Si bien que le voyage commence par un stato quo, ni Michel Delpech, ni Jean-Luc Lahaye et ni les traditionnelles chansons paillardes n'ayant réussi à prendre le pas sur Kurt Darren, Gerhard Steyn et autres « liedjies », chansonnettes locales. Deux heures d'avion plus tard, et voilà la joyeuse compagnie enfin arrivée sur les hauts plateaux du Highveld (1350m à Prétoria) et fermement décidée à profiter d'un week-end qui s'annonce épique. Au froid sec et peu amène de l'aéroport se substitue bientôt la chaleur de l’accueil de la famille Botha, qui n'hésite pas à sortir le vin rouge et le fromage pour accueillir les Frenchies, avant que Lionel, le père de Sunel, ne commence à parler de l'époque pas si lointaine ou Victor et Bakkies régnaient en maître sur le monde des avants. A cliché, cliché et demi, puisque si les Français n'ont effectivement pas craché sur le vin ni le fromage, il n'en reste pas moins que la légende selon laquelle les géants du Nord de l'Afrique de Sud ne sont pas des plus accueillants se confirme au moment d'acheter des munitions liquides au supermarché du coin. Pour la petite anecdote, l'un des géants susnommé n'a pas hésité à dévisager les maillots bleus et bérets rouges avant de quitter lourdement le magasin, histoire de faire sentir aux étrangers qu'ici, ils ne sont pas chez eux...
Qu'importe, il en faut plus pour entamer l'enthousiasme de notre trio, qui s'attèle à la confection de la banderole nécessaire à l'événement. Après tout, malgré la poignée de Français dans les gradins, il faut quand même montrer qu'on est pas venus là pour boire l'eau des pâtes. Et ce, même si la banderole n'aura une existence que de très exactement 8 minutes, au terme desquelles les stadiers sont venus la décrocher.
Stadier ou pas, le message est quand même passé.
Vient enfin le grand moment, celui tant attendu, le coup de sifflet de Glen Jackson annonçant le début du match. Une entame poussive, hésitante, hasardeuse, et les Bleus de France commencent à prendre l'eau. En tribune, la fête reste belle. Pour Mannie comme pour les Bleus, ce match à une saveur particulière... Il y a 59 ans de ça, le XV de France signait le premier exploit majeur de son Histoire, en s'imposant au grand dam de Sud-Africains réputés invincibles. Il y a 59 ans de cela, la famille de Mannie assistait déjà à cette même affiche, son grand père et sa mère s'étant déplacés à Durban. De 1958 à 2017 la boucle est bouclée, et tandis que Dennis Lalanne publie l'exploit que représente cette tournée et que les images ressortent dans un film en 2007 (Le Grand Combat du XV de France), Mannie ne rêve que d'une chose : imiter sa mère, mais cette fois ci en arborant le maillot frappé du coq en tribune... Un rêve devenu réalité.
Transparents sur le terrain, les Français n'ont cependant pas été en reste dans les tribunes, et ce malgré leur faible nombre. De fait, la légende raconte que Patrick Sébastien s'exporte plutôt bien, que la boiteuse à séduit l'Afrique du Sud et que le Paquito à connu le luxe de Prétoria...
S'il y a une valeur commune à toutes les nations, c'est bien celle de la troisième mi-temps. Alors que nos Français oublient la défaite en se noyant dans le Brandy – Coca, les locaux célèbrent la victoire en les chambrant quelque peu. Aux litres de boisson s'ajoute la charcuterie locale, droëwors (photo) et biltong, fruit de la chasse dans l'immensité des Highveld et séchée à la maison, que personne ne boude. Après tout, vu la prestation des Bleus, mieux vaut faire bonne figure pour garder un semblant de réputation.Il paraîtrait que la charcuterie basque se serait inspirée du savoir faire des Sud-Afs...
La fin de séjour approche pour nos trois supporters, et la pâteuse des lendemains de fête ne tarde pas à céder la place à ce sentiment bien particulier que l'on ressent après un voyage pour le moins dépaysant, ici en pays Afrikaner. Guidés pendant trois jours par Sunel (qui a eu le fair play de porter un bérêt français), vivant au rythme des descendants hollandais et de leur culture, ils savourent sur la terrasse d'un café ces derniers instants passés en territoire Afrikaner. Avec au loin la statue de Nelson Mandela qui inspire à Mannie, un brin poète, les mots de la fin : « les aventures sportives ne sont qu 'éphémères comparées aux aventures plus grandes de la vie. L'Afrique du Sud, mon second pays de cœur, est un endroit magnifique. Vive le rugby ! »