Vendredi 8 septembre dernier, les Bleus défient les All Blacks dans le cadre du match d’ouverture de "LEUR" Mondial. Un événement exceptionnel, ayant réuni jusqu’à 17 millions de personnes devant leur téléviseur ; un chiffre qui montre l’ampleur de cette rencontre et à quel point les Français - qu’ils soient rugbymen, footballeurs ou golfeurs, entraîneurs, chauffeurs ou plombiers, de Toulouse, Marseille où de la Guadeloupe - étaient tous derrière leur équipe nationale en ce jour saint. Tous ? Sauf un, peut-être. Lui est pourtant originaire de la région toulonnaise, transpire le rugby jusqu’à l’os et, de ce que l’on en sait, a toujours été un fidèle supporter des Bleus depuis les années Bernard Laporte à leur tête, et ce, peu importe les époques.
RESUME VIDEO. COUPE DU MONDE. Sans s'affoler le XV de France a fait plier les All BlacksPourquoi son coeur balançait-il pour la Nouvelle-Zélande, alors ? Était-ce le mythe All Blacks qui venait altérer ses idées et le rendre quelque peu groggy, à l’approche de l’événement d’une vie pour tout Français ayant été bercé par la balle ovale ? Au vrai, la réponse est beaucoup plus personnelle, pour Lenny Valleyé, 3/4 centre de 26 ans formé au RCT et qui sort de 3 saisons passées au pays des Kiwis : "ce qui m’a fait bizarre c’était de voir certains gars que je connais très bien désormais, affronter le XV de France. Je suis Français donc j’étais forcément pour les Bleus, mais j’avoue qu’un sentiment étrange m’a parcouru durant ce match."
12 essais en 12 matchs : Ce phénomène Kiwi titulaire au Mondial avec les All Blacks, vous y croyez ?
Il faut dire que son expérience hors du commun au pays des Maoris lui a permis de rencontrer des personnages bien connus du monde du rugby actuel. L’on pense par exemple à Mark Telea, cet ailier virevoltant qui a planté un doublé face aux Bleus en ouverture du Mondial. "Mark ? Je le côtoyais près d’un week-end sur deux, à chaque fois qu’on se rendait sur Auckland. C’était fou de le voir au Stade de France face à mon propre pays, avec l’enjeu qu’il y avait autour de ce match." Il y a quelque temps de cela, le Frenchy mangeait aussi un bout avec Anton Lienert-Brown, le numéro 12 qui remplaça au pied levé Jordie Barrett, blessé. "J’avais plus d’amis dans les rangs néo-zélandais que francais (rires)."
Une rencontre pour changer de vie
Mais alors comment ce Varois pur souche (il a touché ses premiers ballons au RC Le Beausset), qui a ensuite poursuivi sa formation en Espoirs à Provence Rugby, s’est-il retrouvé à l’autre bout du monde ? Le principal intéressé nous évoque une rencontre, qui changea drastiquement la suite potentielle de sa carrière : "A l’époque, je venais de signer à Bédarrides (Fédérale 1) et sur le terrain, ça se passait plutôt bien, j’enchaînais les matchs et on jouait de grosses cylindrées donc c’était intéressant. Mais l’ambiance n’était pas dingue, je ne m’y retrouvais pas forcément et au-delà de ça, j’avais l’impression de ne pas progresser rugbystiquement. Les joueurs étaient solides mais le jeu pratiqué dans la division était assez haché, presque minimaliste." Alors ? "Je venais de faire la rencontre d’un Néo-Zélandais qui cherchait un club dans le coin. Voyant mon approche du rugby, il m’a conseillé de faire le grand saut et de partir tenter l’aventure dans son pays d’origine pour développer mon jeu, ma vision des choses, etc. En janvier 2020, alors qu’on parlait de plus en plus du Covid en Europe, j’ai rompu mon contrat et pris mon billet pour l’île du Nord néo-zélandaise."
Je me rappelle ce qu'on faisait avec Michel Soto, dans les catégories de jeunes du RCT. Le passage avec lui a été une super formation : au-delà de sa rigueur et de ses conseils, il nous faisait travailler dans des schémas de jeu qui ressemblent à s'y méprendre à ce qu'on retrouve aujourd'hui au plus haut niveau. Il était en avance sur son temps, clairement, et ça m'aide encore aujourd'hui.
Et puis particulièrement pour la Bay of Plenty et Tauranga, la plus grande ville de la baie de l’Abondance, connue pour ses plages de sable doré, ses parcs luxuriants et ses spots qui s’ouvrent sur l’océan Pacifique. Là, les pieds dans l’eau entre Hamilton et Rotorua, il y est accueilli par un certain Phil Falamoe Tuigamala. Dont le nom vous évoquera certainement celui d’une légende du rugby néo-zélandais, phénomène en Europe et grand ami de Jonny Wilkinson, Inga Tuigamala, dont il est le neveu. Mais aussi, à la genèse de cette histoire, l’ami de son ami, vous savez comment se font les rencontres…
Sauf que celle-ci va changer la suite de sa vie rugbystique certes, mais aussi personnelle : "j’ai vécu pendant près de 3 ans chez Phil. Il m’a pris sous son aile, m’a présenté énormément de gens et au-delà de tout ce qu’il m’a apporté dans le rugby, lui et les siens sont devenus ma famille. Leur fils est d’ailleurs né, pendant que j’étais chez eux, le même jour que moi (le 2 mars, NDLR). Si son vrai parrain est l’ancien ailier des Highlanders Tevita Li, je suis un peu son parrain de cœur."
Stakhanoviste du rugby
Après 3 ans passés sur la côte du Nord-est de la Nouvelle-Zélande et des histoires plein la tête, Lenny Valleyé s’est donc envolé pour l’Australie en ce début d’année 2023. La raison ? "Chercher à aller jouer au plus haut niveau de rugby possible", alors que son visa expirait et qu’il n’avait pas réussi à accrocher l’équipe de NPC de Bay of Plenty malgré 3 saisons pleines là-bas. Il faut dire qu'au-delà de solides prestations en numéro 13 - poste auquel il fut repositionné au pays des kiwis et où il se sent "le plus efficace" - le Frenchy n’a pas eu beaucoup de chances avec les blessures, qui l’ont probablement empêché de valider ses grosses prestations et ses régulières nominations dans l’équipe de la semaine.
Le Frenchy sous les couleurs des Bay of Plenty Developpement, par lequel est par exemple passé un certain Monty Ioane.
A l’heure d’écrire ces lignes, l’athlète (1m78 pour 90kg) au profil de 5/8ème "mais pas que" soigne d’ailleurs une rupture des ligaments croisés subie en demi-finale du championnat de l’Ouest australien. Soit une semaine avant que son club de Palmyra ne devienne champion de la 1ère division de l’état. "Ça a été une nouvelle grande frustration, d’autant que j’aurais probablement intégré la sélection d’Australie-occidentale sans ça… Mais c’est comme ça, ça fait partie du sport."
Mon frère, Lenny, tu n’as pas seulement inspiré les gens qui te voyaient t’entraîner ici, mais tu as carrément créé un autre niveau d’entraînement juste en donnant le meilleur de toi-même. - Responsable de la salle de sport où il s'entraînait à Tauranga
Jamais résigné et travailleur comme deux, celui que tous ceux qui l’ont côtoyé (de Toulon à l’Océanie en passant par Aix) décrivent comme "le plus gros travailleur" avec qui ils aient joué, ne chôme en tous cas pas pour se remettre sur pied. Un mois tout juste après sa blessure, son genou est déjà dans un état d’avancement assez rare, grâce à "une opération excellente réservée aux joueurs de rugby, ici" et "4 heures de rééducation quotidienne", entre soins et musculation. Nous prépare-t-il un retour à la Jelonch, moins de 7 mois après sa blessure ? Il parle en tous cas d’un retour pour le début d’année prochaine… Quoi de plus logique, pour ce fan de la première heure du plus grand stakhanoviste de l’histoire de ce sport : Jonny Wilkinson ?
Un futur retour en France ?
Quid de ses aspirations pour la suite, lui qui n'a que 26 ans ? Grâce à une belle évolution due à ses expériences et un gros travail physique et technique, Lenny Valleyé peut aujourd'hui se targuer d'être un bon et rude défenseur, à la vision du jeu et au pied d'un garçon au passé d'ouvreur, au profil à la fois assez puncheur et distributeur. Avec un tempérament ainsi qu'une connaissance pointue du rugby qui lui donnent une vision des choses assez claire :
Je ne reviendrai pas en France pour revenir en France. Bien sûr que mon rêve reste d’accrocher un jour un club de ProD2 ou de Top 14, et je n’en démordrai pas tant que je pourrai chausser les crampons, ceux qui me connaissent le savent. Mais mon but reste surtout de jouer au plus haut niveau de rugby possible et de m’éclater. En ce sens, je suis ouvert à toutes les opportunités, qu’elles soient en France, ou pas…
Qui sait, après la Nouvelle-Zélande et l’Australie, peut-être retrouvera-t-on le Frenchy en Afrique du Sud ou sur le continent américain… "Le championnat qui me fait le plus vibrer aujourd’hui est probablement l’URC", nous balance-t-il une poignée de secondes avant de se quitter. Peut-être que l’histoire singulière d’Antoine Frisch, passé de Rouen à Bristol puis titulaire indiscutable au Munster aujourd’hui et qu’on avait rencontré en 2022, lui a donné quelques idées…
RUGBY. ITW. Unique français en Angleterre, Antoine Frisch rayonne avec Bristol
Lenny Valleyé (EAM Sport Management) sous les couleurs de son club actuel de Palmyra, dans la banlieue de Perth.
Cbierry
Super article qui résume très bien l'état d'esprit et le parcours de Lenny ! 💪 😍
Fondacci
Merci à vous !
Do-go-let
Merci pour cet article - promenade autour du monde.
Fondacci
Avec plaisir !
Jak3192
Un grand malade ce garçon !😳
Il force le Respect de vivre a ce point sa passion 👏👏👏