Le rugby amateur, il y a ceux qui en parlent en costume lors de réunions au sommet et ceux qui le vivent au quotidien tous les dimanches sur le pré ou bien le long de la main courante ou à la buvette. Et puis, il y a ceux qui font les deux. Michel Tortelli a été tour à tour joueur, entraîneur et manager, de Grenade à Balma en passant par Colomiers où il a raflé un titre de champion de France Reichel en 1986 alors qu'il avait 20 ans ou peut-être pas encore. Éducateur sportif et responsable d’un service des sports, il aime notamment ce rugby de clocher qui sent bon le camphre et qui vibre au son de crampons de 18 à la sortie des vestiaires.
Il le raconte à sa manière et avec ses mots dans son livre Rugby d'Hommes à Hommes. "Ce n'est pas un livre qui explique le rugby. Je ne m'inscris pas en donneur de leçons. Il traite de sujets divers, autour du rugby évidemment, en restant vraiment sur la dimension humaine de notre sport, avec des références au monde amateur mais aussi professionnel. Il y a des vérités qui sont les miennes, que j'ai pu acquérir à force de jouer ou d'entraîner, des vérités sur le jeu aussi", confie Michel Tortelli à La Dépêche. Voici l'une de ses chroniques.
Nous sommes branchés sur une planète ovale et nous aimons tout ce qui ne rebondit pas forcément de façon linéaire, bien au-delà du ballon. Je voudrais donc ici noircir cette page en blanchissant toutes les personnes investies, joueurs, entraineurs, dirigeants, qui colorent les week-ends de nombreux supporters de nos clubs de village en donnant le maximum d’eux même.
Parce que c’est vrai quoi, que ferions-nous ce week-end si nous n’allions à notre rendez-vous hebdomadaire, notre messe dominicale, ce fameux match des nôtres ? Mais faire du shopping bien sûr ! Et ce même si en quelques clics, de très bons sites en ligne vous proposent ce qui se fait de mieux parfois… Ou ramasser les feuilles mortes té… Ou se faire un bon ciné … Ou encore rien. Oui rien té. Mais dans « rien », y a « rien », et dans le reste si peu ! Mieux ou pire encore : allez voir un spectacle de rugby qui passe à la télé : soit le feuilleton du Top 14, saison 12, soit le Pro D2, saison 16. Mais dans ces deux séries (il parait qu’on ne dit plus « feuilleton »…) ce n’est que du spectacle et on sent bien que les acteurs sont crispés et même si tout est tourné en milieu naturel (sauf à Oyonnax), c’est parfois surjoué ou parfois pas joué du tout…
Alors que faire ? Mais allez donc voir un vrai match de rugby de la vraie vie ! Au plus près de chez vous, il existe un théâtre d’expression avec de vrais gens qui se livrent sans compter pour défendre un clocher, sauver un club. Et mieux encore juste pour vivre l’instant présent en partageant avec des amis une petite aventure humaine qui mêle combats modernes parfois pratiqués à l’ancienne, courses folles qu’aucun schéma tactique ne peut enfermer et gestuelle généreuse à défaut d’être d’une élégante virtuosité. Un bon petit Panjas – Azereix après le confit ! Ou un Mutzig – Bar le Duc très alléchant pour la troisième mi-temps et pourquoi pas un Menditte – Sauveterre samedi parce qu’il y a peut-être 9 joueurs sur les 30 qui jouent à la pelote dimanche ?! Et le Rieucros – TAC ? Qui ne va pas y aller à Rieucros ? En plus le rotary est fermé et y a pas de champignon pour l’instant en Ariège ! Enfin si vous allez au concert de Francis Cabrel à Astaffort dimanche matin et si vous ne vous attardez pas sur le magret, vous aurez même le temps d’aller jusqu’à Layrac pour 14h00 dimanche !…
Un peu mâchés par les deux mi-temps dimanche soir, un peu éméchés par la troisième lundi matin, ces gars-là méritent notre présence au bord de la main courante et nos applaudissements nourris pour la vérité qu’ils apportent à notre discipline. Ils méritent que l’on partage un gorgeon avec eux et Jeannot qui sera resté jusqu’à la mi-temps à vendre la bourriche à l’entrée où d’ailleurs personne ne gagnera ce dimanche encore, ce fameux demi-cochon vivant remis en jeu à chaque match à domicile. Ils méritent qu’on leur demande pourquoi le 4 bleu a relevé la mêlée et comment ce grand pingeât de Raoul ne lui a pas tendu l’autre joue après la première baffe ! Et pourquoi Paulo a tapé à suivre directement à la buvette quand on était à 5 contre 1 à 10 mètres de l’en-but adverse ! Ils méritent notre reconnaissance oui, nos stars à nous (le double possessif est un minimum quand la relation est vraie et sincère). Car lundi, très peu de cryothérapie, pas de spas ou de fin de matinée réservée aux massages et autres soins du staff médical. Après ne pas avoir vérifié que le Citrate et le Dafalgan ne figurent pas sur la liste des produits dopants, nos héros du dimanche repartiront pour une semaine de plus à penser de temps en temps, aux dimanches de bonheur, passés et à venir. Et qu’importe la défaite ou la victoire ! Enfin, surtout si on gagne …
Rugby d'Hommes à Hommes de Michel Tortelli est paru aux éditions Cairn en octobre.
pepe31
excellent michel !
damscud
bel article merci