ANALYSE. L’attaque ''verticale'', la nouvelle arme offensive ultime ?
L'attaque verticale, la nouvelle arme offensive ultime ? Crédit image : Screenshot France TV
Si depuis la nuit des temps, l’on voit les attaquants se positionner de manière horizontale, une nouvelle arme offensive semble se détacher de plus en plus : l’attaque verticale.

Depuis presque toujours, l’on ne cesse d’entendre les mêmes choses, et ce peu importe les écoles de rugby : il faut attaquer en profondeur. Autrement dit, se placer à la fois horizontalement par rapport au porteur de ballon, mais également derrière celui-ci (lorsque l’on est petit, le repère est de voir le numéro de maillot du porteur). De ce fait, le joueur qui s’apprête à recevoir le ballon aura le temps non seulement d’analyser la situation, mais aussi d’arriver avec de la vitesse face à la défense. Une stratégie qui, pendant des décennies, fut la plus utilisée de ce sport. 

Est venu ensuite ce qu’on appelle les joueurs “dos”, qui apportent une solution supplémentaire derrière un attaquant qui arrive lancé. Une manière d’apporter de l’incertitude auprès de la défense, tout en aérant le jeu afin de toucher plus facilement les couloirs. Mais voilà, au fil du temps, ces types d’attaques ont moins fait la différence, les défenseurs devenant de plus en plus bons en termes de lecture de jeu. Si bien que depuis désormais quelques années, une autre alternative offensive est venue se greffer dans presque tous les plans de jeu des équipes professionnelles (et même parfois amateures) : l’attaque verticale.

RUGBY. Coupe du monde. ''Les Français ne jouent pas beaucoup au rugby'', analyse Steve HansenRUGBY. Coupe du monde. ''Les Français ne jouent pas beaucoup au rugby'', analyse Steve HansenL’attaque verticale, qu’est ce que c’est ?

Comme son nom l’indique, l’attaque verticale repose sur un positionnement quasiment perpendiculaire d’un ou plusieurs joueurs, par rapport à la fois au porteur de balle, mais aussi à la ligne de défense. Pour y voir plus clair, voici un schéma illustrant la position des joueurs concernés.

Sur cette image, on voit donc qu’au lieu d’être placé au large de l’ouvreur, l’arrière, ainsi que l’ailier intérieur sont positionnés en retrait du numéro 10, voire “cachés”. De cette manière, la défense, qui elle, doit rester horizontale afin de bien monter en ligne, ne sait pas vraiment comment réagir face à ce positionnement. Ce qui permet donc à l’attaque d’avoir plusieurs possibilités de sorties : sur cet exemple, le 10 peut soit décaler à son premier centre qui est venu “cuter”, soit se servir de cet appel pour ouvrir la porte à son arrière, qui viendra se proposer à l’extérieur de l’ouvreur (pas trop loin, afin que la passe ne soit pas interceptée). Si la porte ne s’ouvre pas, à ce moment-là, l’ailier intérieur, qui est resté derrière son arrière, pourra lui aussi venir à l’extérieur, afin de proposer une solution. Voici ce que cela pourrait donner. 

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Top 14. Analyse. La défense sur maul, le pari gagnant du Stade ToulousainTop 14. Analyse. La défense sur maul, le pari gagnant du Stade ToulousainPourquoi utiliser l’attaque verticale ?

Une fois ce mouvement expliqué, vient la question suivante : pourquoi utiliser l’attaque verticale ? Et bien parce que celle-ci a plusieurs bienfaits. Tout d’abord, elle permet d’instaurer une palette plus large aux différentes attaques d’une équipe. En effet, et même si cela marche toujours, l’horizontalité a montré ses limites depuis plusieurs saisons. Face à des défenses de plus en plus agressives, il est bien compliqué de baser sa stratégie offensive uniquement sur une bonne profondeur et quelques appels “en dos”. Car dans le meilleur des cas, votre attaque sera vite stérile, et dans le pire, elle sera sous la menace d’une interception.

Attaquer parfois de manière verticale permet donc aux équipes d’éviter ce genre de problème, mais aussi de déboussoler totalement les défenseurs adverses. En effet, lorsque l’on défend face à une attaque horizontale, le calcul est vite fait : chacun prend son vis-à-vis en cas d’égalité numérique, ou alors on adopte une défense glissée si surnombre il y a. Mais comment défend-t-on lorsque son vis-à-vis est derrière l’ouvreur ? Et bien il faut monter de manière plus prudente, et bien communiquer avec ses coéquipiers. Mais même avec tout cela, il n’est pas rare de voir les attaquants trouver la brèche dans les défenses grâce à cette attaque verticale, qui apporte un surnombre au dernier moment.

RUGBY. ANALYSE. Comment parfaitement jouer une pénalité à la main pour marquer à coup sûr ?RUGBY. ANALYSE. Comment parfaitement jouer une pénalité à la main pour marquer à coup sûr ?Car oui, dernier point positif de ce type d’attaque, l’utilisation des ailiers et de l’arrière. Souvent, lorsque l’on attaque de manière horizontale, les ailiers doivent attendre en bout de ligne, en espérant que le ballon arrive jusqu’à eux. Un espoir qui, parfois, part en fumée. Mais avec l’attaque verticale, l’apport de ces derniers, notamment sur les phases arrêtées, est primordial ! Reprenons l’exemple du schéma au-dessus. Avec une mêlée au centre du terrain, il faut bien que le triangle arrière en défense couvre un éventuel jeu au pied, surtout avec la règle 50-22. Voilà donc comment pourrait se positionner une défense avec une mêlée à cet endroit du terrain.

Qu’est ce que cela donne concrètement ?

Avec une mêlée centre du terrain, et la possibilité d’un 50-22, l’arrière doit couvrir minimum une des touches, et laisser l’autre à un de ses ailiers. Problème, au vu du placement presque axial à la mêlée du 11 bleu et du 15 bleu, le 14 rouge doit rester petit côté, au cas où l’équipe qui attaque décide de partir dans le fermé. Celui-ci peut, à la limite, se reculer un petit peu, afin d’anticiper un éventuel coup de pied. Toujours est-il qu’avec ce placement incertain, voilà donc qu’un joueur derrière est éliminé d’office.

Nous avons donc, à droite, un potentiel 6 contre 4 à jouer (l’arrière couvrant le champ profond). Reste alors à l’attaque de faire le travail. Le 10 peut s’appuyer sur son premier centre qui devra attaquer l’intervalle entre le 10 et le 12 adverses (afin de bloquer au minimum la course de l’ouvreur, voire du centre). Si l’espace se ferme, l’ouvreur décale à ce moment-là son arrière, qui, en fonction du choix défensif du premier centre, mais aussi du second centre (si ce dernier a, oui ou non, décidé de se resserrer), peut soit tenter sa chance, soit transmettre à son ailier intérieur, ou à son centre resté au large. Dans tous les cas, si le choix est bon, le décalage sera fait.

RUGBY. ANALYSE. Ces passes sautées dans le couloir des 15m, une nouvelle arme fatale ?RUGBY. ANALYSE. Ces passes sautées dans le couloir des 15m, une nouvelle arme fatale ?Du moins, faut-il encore l’exécuter de la bonne manière. Car, comme pour tous mouvements dans le rugby, il y a des erreurs à ne pas commettre. La première étant, bien sûr, de ne pas varier les attaques. En effet, si une équipe abuse de ce système de jeu, il ne va pas falloir beaucoup de temps avant que la défense ne s’adapte, en montant par exemple encore plus fort, et de manière très serrée. C’est en ce sens qu’il faut également garder une attaque horizontale à certains moments, notamment lorsque l’on utilise une cellule d’avants. Autre erreur à ne pas commettre : les timings de course.

Sur ce genre d’attaques, plus que sur n’importe quelles autres, le timing des joueurs placés à la verticale est primordial. Ne pas arriver trop tôt, afin de ne pas bloquer les lignes de passe, ni trop tard, afin de ne pas perturber le porteur de balle. Même chose concernant la largeur prise par ces derniers. Si le joueur vient trop près, son appel ne servira pas à grand-chose, le défenseur étant capable d’atteindre celui-ci. Enfin, si l’attaquant se propose trop au large, le porteur de balle n’aura pas forcément le temps d’allonger suffisamment pour transmettre le ballon. Bien sûr, rappelons que, comme toutes combinaisons, cela varie forcément en fonction du placement de la défense ! Il ne sert à rien de venir trop proche du porteur, si la défense a anticipé votre course…

EQUIPE DE FRANCE. Ce lancement de jeu qui fait gagner les Bleus [ANALYSE]EQUIPE DE FRANCE. Ce lancement de jeu qui fait gagner les Bleus [ANALYSE]Le XV de France, maître de l’attaque verticale

Si l’Irlande est reconnue pour son jeu de cellule maîtrisé à la perfection, le XV de France, lui, peut se targuer d’utiliser de manière excellente l’attaque verticale. Davantage vu avec le premier centre comme point d’ancrage (et le 10 ainsi que l’ailier intérieur dans le dos), ce mouvement est souvent utilisé par les Bleus en première main, afin de trouver la faille dans la défense adverse. On le voit d’ailleurs avec cet exemple, lors du match Italie vs France du dernier Tournoi des 6 Nations. Après un maul porté, Dupont alerte Fickou en premier attaquant. Celui-ci a alors plusieurs solutions possibles : soit de rentrer lui-même (chose qu’il fera d’ailleurs sur cette action pour resserrer la défense), soit de transmettre à Moefana (venu se proposer pour attaquer la ligne), soit de lever à Ntamack dans le dos. Et si, sur cette action, Fickou avait décidé de donner le ballon à son ouvreur, celui-ci aurait eu lui aussi plusieurs choix. Ntamack aurait soit pu la jouer tout seul, soit la transmettre à Dumortier, soit directement alterner Ramos ou Penaud, au pied ou à la main.

Si, depuis le début de l’article, nous prenons des exemples de ce mouvement lors d’attaques placées, n’oublions pas que celui-ci peut également être utilisé dans le jeu courant, et avec des avants ! Pour ce faire, il faut simplement choisir un avant avec une bonne dextérité, puisque ce sera souvent un joueur du pack en position de premier attaquant. Face à la Namibie, lors du dernier match des Bleus en Coupe du Monde, l’on a notamment pu voir plusieurs attaques verticales dans le jeu courant. Comme ici, avec Pierre Bourgarit en position de premier attaquant.

Sur cette action, l’on aperçoit Bourgarit qui s’apprête à recevoir le ballon au milieu du terrain. Mais ce qui nous intéresse ici, une fois encore, c’est bel et bien le jeu sans ballon de ses coéquipiers. Car au moment où le talonneur rochelais reçoit le ballon, plusieurs possibilités s’offrent à lui : François Cros, qui arrive à hauteur, ou Thomas Ramos et Bielle-Biarrey, qui se déplacent dans son dos. Notons d’ailleurs qu’ici, la verticalité des 3 joueurs est parfaitement visible. Résultat, la défense est perdue, et ne peut pas se permettre ni de monter très fort, ni de se jeter sur le porteur de balle. 

Voilà donc tous les avantages d’utiliser l’attaque verticale. Une stratégie en vogue, qui devrait d’ailleurs voir de nombreuses alternatives naître dans les prochains mois, tant celle-ci semble forte. À noter d’ailleurs que ce mouvement peut se réaliser avec plus de deux joueurs dans le dos du porteur de balle. Mais forcément, plus il y a de joueurs dans le dos du porteur de balle, plus l’attaque devient complexe…

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  • Jièl
    17166 points
  • il y a 1 an

P.S. Merci encore pour ce type d'article, c'est formidable !

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