Analyse. Les champions du monde springboks jouent-ils encore comme en 2019 ?
Chelsin Kolbe et son petit gabarit symbolisent l'évolution du rugby sud-africain. Crédit image : Screenshot Youtube WorldRugby
Entre la finale de la Coupe du monde 2019 et le choc face à la France en octobre dernier, le jeu de l'Afrique du Sud a-t-il changé ? On a tenté d'y voir plus clair.

Les Springboks sont champions du monde en titre et pourtant, ils ne semblent pas être systématiquement considérés parmi les favoris de la coupe du monde en France. La faute peut-être à un jeu trop stéréotypé : certains observateurs estiment que si une équipe parvient à tenir tête aux Sud-Africains dans le combat, la partie est pliée. Mais l'Afrique du Sud est-elle encore aujourd'hui une nation qui s'appuie uniquement sur sa supériorité physique et sur la qualité de ses buteurs ? Analysons le comportement des Boks lors de situations similaires au cours de deux matchs distincts : la finale de Coupe du Monde 2019 face à l'Angleterre et le duel face au XV de France lors de l'Autumn Nations Series 2022. Cette démarche permet de mettre en lumière certains changements dans la tactique mise en place par les Boks.

La passe au pied

En octobre 2022, face au XV de France, les Sud-Africains récupèrent un ballon dans une lutte aérienne. La ligne défensive française est bien en place. Willie le Roux prend l'initiative de jouer ce ballon en trouvant l'espace libre dans le dos de Damian Penaud. Heureusement pour les Bleus, Mapimpi ne contrôle pas le ballon et commet un en-avant. Dans une situation identique, quelques années plus tôt, le choix n'aurait pas été le même...


En finale, les Springboks récupèrent le ballon dans un ruck et évoluent dans une situation semblable à celle vue précédemment.
 L'ailier opposé se retrouve une nouvelle fois démarqué et la passe au pied semble possible. Pourtant, Handré Pollard décide de dégager le plus loin possible devant, directement dans les bras d'Owen Farrell qui peut relancer et à nouveau mettre la pression sur les Sud-Africains. La passe au pied n'a jamais été utilisée par les Boks en finale de coupe du monde 2019. Elle est toutefois aujourd'hui devenue une vraie option.


Retour au Vélodrome face au XV de France. Cette fois, c'est dans le jeu courant que Le Roux décide de tenter une passe au pied pour contrer la montée inversée de la défense française qui coupe les extérieurs. Le choix est judicieux et permet de trouver l'espace libre. Il faut un bon retour de Penaud et une maladresse de Kriel pour stopper cette action.

La passe au pied, si elle peut être intéressante, n'est pas toujours la bonne option. Cette action témoigne que la passe au pied est belle est bien rentrée dans la stratégie des Boks qui la choisissent parfois à tort. Dans cette situation, la défense française est écartée en plus d'être en sous-nombre. La logique voudrait que les Sud-Africains jouent le surnombre à la main en rentrant leurs courses. Ce qui aurait pour finalité soit de perforer la défense, soit de la resserrer en libérant les espaces sur les extérieurs. De Allende fait alors le mauvais choix de la passe au pied pour Kolbe (4 hors cadre). Moefana (3) est alors parfaitement placé pour défendre.

Touche rapide

Lors de la finale de Coupe du Monde 2019, les Boks n'ont joué aucune touche rapidement. Pourtant, cette situation semblait parfaite. Après une penaltouche manquée par Pollard, les Anglais jouent au pied et trouvent une touche dans le camp sud-africain. Duane Vermeulen est alors en possession du ballon avec un soutien (Le Roux) prêt à jouer le ballon tandis que la défense anglaise est à plus de 20 mètres. Si la touche est vite jouée, Willie Le Roux peut attaquer l'extérieur et retrouver deux soutiens déjà présents. Le choix sera finalement de laisser tout le monde se replacer pour jouer la touche.

En 2022, les Boks n'ont pas hésité à jouer rapidement les touches quand la situation était propice. Ici, malgré un seul soutient présent, Faf de Klerk joue vite la touche au vu de l'espace conséquent qui le sépare des défenseurs. Le jeu au pied d'occupation est ensuite choisi et les Sud-Africains peuvent alors tenter de coincer les Bleus dans leur camp (sans réussite, car Ramos a bien couvert).

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Parfois, l'idée de jouer vite une touche est bonne, mais la réalisation l'est moins. Willemse prend la décision de jouer vite la touche avec Le Roux, mais ce dernier fait le mauvais choix de rentrer sa course (flèche noire) au lieu d'attaquer les extérieurs où trois de ses coéquipiers étaient présents. Quoi qu'il en soit, les Boks ont désormais le réflexe d'emballer les rencontres en jouant vite les touches, chose qu'ils ne s'autorisaient pas en 2019.

Relance à la main

Handré Pollard est à la réception d'une chandelle anglaise. La montée défensive des hommes d'Eddie Jones n'est pas parfaite et laisse un intervalle libre, avec des soutiens springboks dans la zone. Pourtant, l'ouvreur choisira l'option de la chandelle. Un choix qui n'est pas le plus évident (mais qui s'avérera payant, car Pollard sera à la réception de son jeu au pied).

Dans une situation plus délicate face à la France : à l'intérieur de ses 22 mètres. Arendse prend l'initiative de relancer le ballon. Une décision opportune au vu du nombre de soutiens et de la montée française qui laisse de nombreux intervalles. Bien qu'elle soit favorable, cette situation se serait soldée, quelques années plus tôt, d'un puissant dégagement.

Alternative au frontal

Comment définir le style sud-af' version 2019 en une image ! À l'entrée des 22 mètres anglais, sept Springboks se préparent à former un ballon porté dans le jeu courant. Une technique payante, car elle leur offrira une pénalité. Cependant, cette situation illustre parfaitement l'aspect primaire du rugby basé presque exclusivement sur la domination physique pratiqué par les Boks en 2019. Un jeu bien qu'efficace, parfois trop prévisible.

En 2022, les Springboks ont surpris Antoine Dupont et les siens en offrant une alternative aux ballons portés. Lors d'une touche complète avec un avant en guise de relayeur et l'ailier Arendse dans l'alignement, les verts et ors feinte de construire un maul ce qui fixe les avants tricolores. Seul Marchand est détaché du ballon porté, prêt à défendre. Arendse se saisit du ballon accompagné de deux soutiens, il peut alors jouer une situation de surnombre. Au cours de la rencontre, sur 13 touches, 10 donneront lieu à des ballons portés, preuve de la tradition du défi physique. Mais cette situation montre qu'ils sont aujourd'hui capables d'y offrir des alternatives.

Si les Springboks ont évolué dans leur façon de jouer certaines situations, les champions du monde en titre s'appuient toujours sur une base très solide faite de combat. En finale 2019, c'est la mêlée qui sacre l'Afrique du Sud avec pas moins de six pénalités obtenue dans ce secteur. Aujourd'hui, l'intensité physique du match face au XV de France est encore dans toutes les mémoires. Alors le constat fait froid dans le dos : Les Boks sont toujours aussi costauds devant, mais sont désormais capables d'envoyer du jeu aux quatre coins du terrain et ne se limite plus dans leurs offensives.

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  • JCT38
    207 points
  • il y a 1 an

Très précis et bien détaillé, beau travail d'analyse, on en redemande !

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