Automne 2018. Au Stade de São Paulo, devant 30000 personnes, l'équipe du Brésil des jumeaux Sancery et de Laurent Bourda, affronte les Maoris All Blacks. Si ces derniers l'emportent finalement assez aisément (3-35), un des temps forts du match était la domination dingue de la mêlée carioca face aux Kiwis. Et quand on vous dit domination, c'était en fait une humiliation :
Vous vous souvenez sans doute de cette séquence incroyable. Quatre années sont passées depuis cette rencontre. Où en est alors le rugby brésilien depuis ? En fait, la Seleção était au sommet de son rugby à ce moment-là, et depuis la crise du Covid, est sur une pente descendante et a du mal à retrouver le niveau qui était le sien. Simon Bienvenu, joueur globe-trotteur, ancien de l'équipe des Cobras (franchise de São Paulo en SuperLiga Americana, championnat d'Amérique du Sud), nous a détaillé l'état du rugby brésilien actuel.
Top 14, USA, Hong Kong et Nouvelle-Zélande : l’incroyable aventure de Simon Bienvenu
Particularité des franchises de la SuperLiga pour mieux comprendre cette compétition : il y a six franchises réparties dans six pays d'Amérique du Sud. Les Cafeteros de Medellín en Colombie, Selknam de Santiago au Chili, Jaguares XV de Buenos Aires en Argentine, Penarol de Montevideo en Uruguay, Cobras de Sao Paulo au Brésil et Olimpia Lions d'Asuncion au Paraguay. Les franchises sont des équipes nationales déguisées. Quasiment chaque joueur est international dans le pays en question.
La particularité du Brésil donc, comparé à l'Argentine, au Chili et à l'Uruguay, toutes trois qualifiées pour la Coupe du Monde, est qu'il ne compte pas uniquement des joueurs issus des milieux très favorisés. Sport élitiste dans les premiers pays cités, le Brésil compte dans ses rangs des joueurs issus des favelas. D'ailleurs, le rugby est utilisé par lesdits joueurs pour aider les habitants de ces quartiers :
Il y a des projets qui sont réalisés dans les favelas, d'insertion sociale, où le rugby est utilisé comme vecteur d'intégration. Ce qui a fait que des joueurs se sont retrouvés dans l'équipe comme professionnel. Notre public n'était du coup pas du tout de la haute société, mais au contraire très populaire.
Malgré les projets réalisés, le Football reste évidemment le sport national, et le réservoir de rugbymans reste faible.
Il y a un championnat national qui s'appelle le Top 12. Parmi les 12 équipes présentes, il y en a environ 3 qui ont un bon niveau et qui comptent dans leurs rangs les internationaux brésiliens et donc joueurs des Cobras. Pour le reste, c'est assez faible. Il y a vraiment une grosse différence de niveau. Le vivier n'est vraiment pas hyper important. Il y a environ 40 joueurs maximum qui font du rugby avec des salaires à la clé. Mais ces salaires sont tout petits. Ils ne permettent pas aux joueurs de construire leur vie avec.
Chez les Cobras, l'équipe était assez jeune pour deux raisons : soit des joueurs partaient en Europe avec une passerelle vers le Portugal (absence de barrière de langue), pour avoir de meilleurs salaires, sachant que certains piliers se sont bien débrouillés et jouent actuellement en France. Soit d'autres arrêtaient simplement le rugby pour se consacrer pleinement à leur activité professionnelle, plus rémunérateur.
Difficile alors pour le Brésil de construire une équipe compétitive. À la différence du Chili, les joueurs n'ayant pas de sécurité financière leur permettant de se consacrer complètement au rugby, la sélection n'arrive pas à garder un groupe dans la durée et ainsi bâtir une équipe compétitive. Avant l'arrivée du sélectionneur uruguayen Pablo Lemoine au Chili, cette dernière se trouvait derrière le Brésil en termes de niveau de jeu. Depuis, grâce au professionnalisme apporté par le sélectionneur, avec une préparation poussée pour des joueurs qui misaient tout sur le rugby, ceux-ci ont pu dépasser les Cariocas. Le tout avec des budgets de fonctionnement sensiblement identiques, mais des impératifs pour les joueurs complètement différents…
On se souvient tous de la mêlée du Brésil qui avait emporté celle des Maoris à São Paulo. Malheureusement, c'était le pic du Brésil à ce moment-là. Le Covid a fait très mal au rugby : là-bas, les joueurs commencent tard à pratiquer ce sport. Avec deux années d'arrêt pour les jeunes qui étaient en club, c'était impossible de rattraper le temps perdu.
De plus, la fédération misait tout sur l'équipe nationale en termes financiers. Mais lorsque la pandémie est arrivée et qu'il fallait continuer de pousser l'équipe, la fédération, trop endettée, n'a pas pu suivre. Le sélectionneur argentin de l'époque a donc démissionné, une grande partie des joueurs ont plus ou moins arrêté. On est reparti ainsi sur une nouvelle génération.
Vous l'aurez compris. La situation au Brésil est vraiment compliquée. Pour preuve de ce qu'avance Bienvenu, son équipe des Cobras a terminé dernière de la saison régulière en SuperLiga. C'est un symbole du malêtre du rugby dans ce pays de 200 millions d'habitants. Malgré cela, il reste optimiste. Une nouvelle équipe dirigeante est aux manettes de la fédération. L'objectif de se qualifier pour une Coupe du Monde dans quelques années demeure.
Quelque chose qui m'a impressionné : les Brésiliens sont des monstres à la muscu'. Ils poussent comme des Ânes, je n'ai jamais vu ça. Même au Racing ou à Toulouse quand j'étais Espoir, ils ne poussaient pas autant. Ils sont moins impressionnants que des Français ou des mecs des iles, mais ils ont une force incroyable.
Franchement, on peut s'attendre à tout avec les Brésiliens. Ils ont été 30000 pour aller voir l'équipe nationale face aux Maoris All Blacks. L'engouement pour le rugby peut démarrer et exploser à tout moment, on ne sait pas d'où ni comment.
Grâce à la qualification historique du Chili, le Brésil espère profiter de l'émulation qui va se créer en Amérique du Sud, pour rattraper le temps perdu et retrouver le niveau qui était le sien. Avec une situation sanitaire semble-t-il maitrisée mondialement, une nouvelle équipe dirigeante ambitieuse et une SuperLiga qui connait ses débuts avec une belle réussite d'organisation, la Seleção peut (re)devenir une nouvelle surprise d'Amérique du Sud.
gjc
merci pour cet article sur le rugby brésilien
Un petit détail : carioca ne veut pas dire brésilien mais habitant de Rio. Donc ce n'était pas une mêlée carioca mais une mêlée brésilienne, ou jaune et verte, ou à la limite paulista vu que le match était à Sao Paulo
Garou-gorille
Si tu vas à Rio
N'oublie pas de monter la haut 🎶🎵🎶
pascalbulroland
Nos "amis" anglais disent : "no scrum , no win"
Il faut bien une exception à la règle...non..?