Quel que soit son niveau de connaissance du rugby à XV, la mêlée reste une des actions les plus spectaculaires de ce sport. Outre son importance en tant que phase de conquête, pour pouvoir démarrer un lancement de jeu avec les lignes arrières. La mêlée fascine par l’affrontement qu’elle provoque entre deux packs pesants près (voire plus) d’une tonne, avec des mensurations des joueurs du huit de devant toujours plus colossales. Comme le démontre cette vidéo mythique entre l’écurie de Formule 1 Redbull et l’équipe anglaise de Bath, avec une opposition autour d’un joug.
Mais cette phase de jeu est complexe à comprendre, notamment quand il s’agit d’interpréter les décisions arbitrales en fonction d’un angle de poussée, des liaisons des piliers ou encore des appuis de certains joueurs. Pour tenter de comprendre ce qu’il se passe au cœur de cette zone de combat, il faut décortiquer secteur par secteur, afin de connaître les éléments qui font qu’une équipe perd ou remporte son duel. C’est d’ailleurs ce que réalise le youtubeur gallois Squidge Rugby, lors d’une vidéo avec l’entraîneur de la mêlée du XV de la Rose, Tom Harrison (dont le lien est ci-dessous).
Retour sur les principaux points qui vous aideront, si vous n’arrivez jamais à discerner les éléments clés d’une mêlée ou à entendre les justifications des arbitres suite à leur coup de sifflets.
Le positionnement des premières lignes
Les premières lignes ont logiquement un rôle primordial dans la réalisation d’une mêlée. Tout d’abord, il faut souligner la différence de poussée et de positionnement de têtes entre les deux piliers et le talonneur. Le pilier gauche imbrique sa tête à l’extérieur de la mêlée, son objectif est donc de rentrer son vis-à-vis pour le pousser à la faute et essayer de le faire basculer dans un axe de poussée de travers.
Le pilier droit est généralement le plus lourd, car sa tête est imbriquée entre celle du pilier gauche et du talonneur adverse, il subit en conséquence plus de poids du pack adverse que le pilier gauche. Ce qui explique la différence de gabarit entre les deux secondes lignes, avec un numéro 5 plus lourd et moins aérien que le numéro 4, pour pouvoir aider davantage son pilier droit lors de la poussée en mêlée.
Le pilier droit cherche donc principalement à déstabiliser le talonneur adverse, avec sa tête et son épaule, pour lui ajouter une pression supplémentaire, tout en essayant de garder un axe droit de poussée malgré la pression du pilier gauche adverse.
Comme son nom l’indique, le talonneur doit talonner le ballon vers son troisième ligne centre. Une tâche complexe puisque lorsque le talon réalise cette action, il soulève un de ses appuis, ce qui laisse l’opportunité à l’équipe adverse de réaliser une deuxième poussée. Cet avantage permet de pouvoir focaliser plus de puissance, en profitant de ce déséquilibre causé par le talonnage. C’est pour cela que les talonneurs essaient de réaliser ce geste le plus rapidement possible.
Une grande partie de la réussite de ces positionnements des premières lignes se joue dès l’engagement. Au moment où les deux packs rentrent en contact, les angles de poussées sont automatiquement déterminés, le rôle des appuis prend encore plus d’importance. La première ligne se doit d’être parfaitement alignée avec le reste de son pack. C’est un des premiers éléments à analyser pour deviner si une équipe va dominer ou subir une mêlée : l’alignement global de ses avants pour créer un axe de poussée.
Quant aux appuis des piliers, l’entraîneur de la mêlée anglaise assure qu’il est nécessaire d’avoir des appuis à 90° pour les premières lignes. Afin de pouvoir pousser en enchaînant les appuis courts, pour rester en contact avec le sol le plus longtemps possible. Car si les appuis sont trop éloignés, l’édifice s’effondra dès l’impact.
Le rôle primordial des secondes lignes
Un bon seconde ligne peut rendre excellent un pilier très moyen et un mauvais seconde ligne peut rendre horrible un bon pilier" Tom Harrison, entraîneur de la mêlée de l’équipe d’Angleterre
Si une grande partie des crédits revient aux piliers lors de réussites en mêlée, l’importance des secondes lignes ne doit pas être négligée dans ce secteur. Dans son interview avec Squidge Rugby, Tom Harrison insiste sur le fait qu’il entraîne son cinq de devant comme une seule première ligne en mêlée.
Cette phase de conquête sollicite tellement d’énergie que l’on remarque dès qu’un seconde ligne, voire un troisième ligne, commence à relâcher la pression pour pouvoir partir plus vite, défendre ou au soutien des trois-quarts Ce même collectif subit la pression adverse. Quand une équipe subit l’impact adverse sur la poussée, il est nécessaire de regarder l’axe de poussée et le positionnement des secondes lignes.
Surtout, l’alignement des joueurs entre leurs épaules et leur bassin, car dès qu’il commence à y avoir une bascule, cela démontre une perte de puissance.
D’où la nécessité de la communication du numéro 9, qui doit indiquer à ses avants quand est-ce que le ballon est éjecté de la mêlée, pour ne pas s’arrêter de pousser précocement. La dernière subtilité concernant les secondes lignes se trouve au niveau du couloir d’éjection du ballon.
Il s’agit du couloir laissé entre les pieds des deux secondes lignes pour permettre au troisième ligne centre de récupérer facilement le ballon suite au talonnage. Cette action a toute son importance puisqu’en cas de mauvaise transmission, le numéro 8 peut perdre du temps à ramasser le ballon. Ce qui entraîne un retard dans le lancement de jeu avec les arrières, mais aussi un relâchement de la pression du numéro 8 derrière ses secondes lignes, alors que le temps d’effort de la mêlée se prolonge.
Crédit image : Screenshot Youtube Andrew Forde
Difficultés et subtilités de l’arbitrage
Malgré toutes ses directives et ses points d’observation, la mêlée reste un secteur particulièrement dur à arbitrer dans le rugby. Notamment, car il est difficile de bien voir les liaisons entre les piliers des deux côtés de la mêlée pour un arbitre. Surtout qu’il faut également prendre en compte les volontés de certaines équipes d’obtenir directement une pénalité en entraînant son vis-à-vis au sol plutôt que de battre le pack adverse sur la poussée directe.
D’autant plus que selon le poids des packs, les arbitres seront attentifs à ce que des équipes ne commencent pas à pousser et à s’engager avant l’introduction du ballon. C’est par exemple le cas avec les avants de La Rochelle, régulièrement sanctionnés pour pousser avant l’introduction, avec des joueurs lourds comme Uini Atonio ou Will Skelton comme axe droit. Ou encore de la France lors de la dernière coupe du monde, avec 3 pénalités concédées pour ce genre de fautes face à l’Uruguay.
Un dernier point sur lequel l’arbitre doit se montrer vigilant concerne l’espace entre les têtes des premières lignes avant l’impact. Certaines équipes tenteront de réduire au maximum cet espace pour ne pas subir le poids et la force d’un pack plus lourd, ce qui est illégal. En résumé, il est extrêmement difficile d’arbitrer le secteur de la mêlée, mais en se focalisant sur quelques grands points tels que l’angle de poussée collectif et le positionnement des appuis et des têtes des premières lignes. Il est possible de comprendre ce qui se passe au cœur d’une mêlée.
Même s’il ne faut pas oublier le vice et les astuces de certains joueurs pour faciliter le travail de leur équipe, que ce soit au niveau des liaisons ou du positionnement des troisièmes lignes pour perturber les piliers adverses. C’est par exemple ce que réalise le très expérimenté Peter O’Mahony lors d’une rencontre des 6 Nations face au Pays de Galles. Le troisième ligne irlandais décide d’empêcher le pilier gallois de se lier correctement, tandis que l’arbitre se situe du côté opposé de la mêlée.
Eirikr121
Enfin un article qui rend hommage au rôle essentiel des secondes lignes 🙏😄
On ne touche pas un ballon du match (en dehors des touches) mais on cale les mêlées, et personne ne s'en aperçoit jamais.
stef7
Pour avoir jouer 5 puis finir en 1 (un peu ", un peu 2), le cinq de devant est le cœur de l'équipe. ILS SONT INDISPENSABLES évidemment mais surtout le baromètre de l'équipe. Se relever d'une mêlée ou d' un ruck pour voir ses trois quart dans l'en but c'est le pied....
stef7
(un peu 3, un peu 2)
breiz93
Super article intéressant, surtout pour ceux, qui comme moi, se sont souvent gelés les c.... le long de la touche en attendant que les gros récupèrent la gonfle ! 🫠😇
Bravo Hugo,on en redemande.
gilbertgilles
Eh beh oui! ça parait simple quand on a joué "en tronche" mais c'est toujours intéressant (et pour tout le monde) de le voir écrit dans cet article très bien fait. Après, la roublardise des piliers, çà c'est plus difficile à voir pour les néophytes et même pour les arbitres! Là, c'est pas un article qu'il faudrait, c'est un livre...et même plus! En tout cas, très bon article, on en redemande ! 👍 😉
pascalbulroland
Merci pour cet article très interessant !
potemkine09
Super article, j'ai appris plein de choses, merci! 👏👏👏
Chandelle 72
Moi aussi j'ai appris plein de choses,
quand on n'a jamais mis un orteil dans une mêlée on se rend bien compte que c'est complexe et que les piliers pénalisés sont rarement d'accord avec les décisions de l'arbitre.
Moi, ça me donne mal aux cervicales rien qu'à les regarder.
Mais bien expliquer comme ça, ça peut donner un beau problème de physique avec poids, directions, vecteurs, angles, sinus, cosinus... Je vais regarder les mêlées autrement
breiz93
Un orteil ou une oreille ?
Chandelle 72
Le rugby est un sport ( le seul?) où tu peux démasquer un joueur de 1ère ligne en civil à l'autre bout du monde et même connaitre son poste exact