L’un propose à 30 gaillards de courir sur un terrain boueux en se passant vers l’arrière un ballon d’une forme étrange. L’autre propose à 2 maigrichons d’envoyer leurs neurones s’affronter avec vaillance en poussant de petits bouts de bois. Le rugby, les échecs, deux sports (oui, les échecs sont bel et bien considérés comme un sport !) que tout oppose, à première vue… Pourtant, notre cher pré verdoyant est l’échiquier sur lequel deux équipes s’affrontent.
Aux échecs, les blancs ont l’avantage de commencer. En rugby, l’équipe qui joue chez elle a la plupart du temps, un supplément d’âme.
Les avants sont les pions, solides défenseurs, accomplissant les tâches dans l’ombre. « Les pions sont l’âme des échecs » disait Philidor, un illustre champion d’échecs français, soulignant le fait qu’une victoire ne peut être assurée sans eux. Et chacun sait que dans le domaine rugbystique, un match est difficilement remporté sans un solide paquet d’avants. Il ne paraît donc pas illogique de dire que « les avants sont l’âme du rugby » ! Aux échecs, un pion ne recule jamais. Allez demander à un avant s’il recule…
L’ouvreur est la Dame, leader, présent sur les points importants, il anime le jeu et cherche la faille.
Les ailiers sont les Tours, les finisseurs. Sur le plateau d’échecs, ils cherchent les colonnes ouvertes pour s’immiscer dans la position adverse. Sur un terrain, ils cherchent également les intervalles. Tout comme leurs homologues d’ébène, ils savent se faire oublier pour surgir au moment opportun.
Les centres, l’arrière et le demi de mêlée sont les pièces mineures, Fous et Cavaliers. Le 9 représente la pièce active fonçant vers l’ennemi et guidant ses coéquipiers. L’arrière est la pièce défensive, utile pour bloquer un pion adverse trop avancé, c’est le plaquage du dernier défenseur. Les centres vont et viennent sur l’échiquier verdoyant et savent assurer les deux rôles.
Une partie d’échecs, comme un match de rugby, mêle tactique et stratégie
La stratégie est l’idée globale : relever les faiblesses de son adversaire sur le terrain et les faiblesses de sa position sur l’échiquier, formuler un plan et le suivre de la meilleure façon possible. La tactique est indissociable de la stratégie, mais elle concerne plus les actions directes, la plupart du temps de court terme. Sur le pré, il s’agit d’une bonne combinaison sur une touche à 5m, d’une mêlée habilement désaxée, d’un puissant cadrage débordement. Sur l’échiquier, nous parlons plutôt de fourchettes qui désigne une attaque double, de clouage consistant à bloquer une pièce dont le déplacement entrainerait la perte d’une pièce de valeur supérieure, d’élimination du défenseur ou encore d’ouverture de lignes.
Car en rugby comme aux échecs, la notion de ligne est primordiale, tout comme la notion d’espace. On cherche à avoir la possession du ballon, l’avantage territorial, on essaie d’ouvrir la défense afin d’y trouver la faille où l’on s’engouffrera.
Une partie d’échecs se décompose en trois phases : l’ouverture, le milieu de partie et la finale. Il s’agit simplement du début, du milieu, et de la fin. On connaît tous le fameux « round d’observation » présent lors de nombreuses rencontres, c’est l’ouverture où l’on développe ses pièces (et son jeu) en s’adaptant à l’adversaire. Le milieu de partie est le corps du match. Qui a la possession ? Qui domine ? Qui s’est procuré les meilleures occasions ? La fin de partie demande intelligence, réflexion et lucidité, nécessaire après un âpre combat, afin de valider le travail fourni ou de sauver l’honneur.
La notion de sacrifice est très présente sur le plateau de bois, elle l’est également sur le terrain boueux, lorsqu’il est nécessaire « d’aller dans le tas », de « pourrir un ballon » ou encore de donner son corps en offrande aux crampons adverses qui n’en demandaient pas tant, pour l’équipe, pour l’honneur.
Matchs de légendes
Une partie d’échecs entre deux grands champions est un corps à corps formidable. Un match de rugby entre deux grandes équipes l’est également. Il y a ces matchs historiques que l’on n’oublie pas, tel Nouvelle-Zélande - France 1994 avec notre essai du bout du monde ; il y a aussi ces parties de légende telle « l’Immortelle » de l’Allemand Adolf Anderssen jouée en 1851 (!) et qui demeure une référence pour tout connaisseur.
Et le Roi dans tout ça ? Aux échecs, « on ne prend pas le Roi ». On respecte le monarque adverse et on épargne ce dernier lorsqu’il est vaincu. L’esprit rugby veut que les perdants boivent une bière avec les gagnants. Il s’agit des notions de fraternité, de respect et de partage qui nous sont si chères et que l’on retrouve également sur le plateau aux 64 cases. Aux échecs comme au rugby, on reste fier dans la défaite et humble dans la victoire.
Alors, deux sports que tout oppose ?
Jak3192
Et ou se place le coach dans ce jeu ?
Indéniablement, son rôle est important dans l'équipe
A mon avis,
ce serait peut être le roi: imprenable, ne lutte pas sur le pré, et par contre toutes les pièces luttent sous ses consignes pour vaincre l'adversaire.
Alain Roulant
Vous avez déjà vu un match de chessboxing ? C'est intéressant aussi. 3mn d'échecs, puis 3mn de boxe, et on revient pour 11 rounds au total. On peut gagner par échec et mat, ou par KO a la boxe.
bubbly
Drôle de concept. Ca doit pas se jouer longtemps en pro, ça. Chuis pas sûr que les neurones suivent !
LaGuiguille
etant amateur d'echecs, j''ai toujours pense que le rugby etait le pendant "physique" du jeu d'echecs (surtout aussi parce que j'aime les 2).
ankou
sympa, mais dur a imaginer. Comparer une partie d'échec avec timer, avec un match de rugby peut-être, car l'action est un peu plus rapide dans un match.
Ranor
Etant amateur d' échec et rugbyman amateur, je ne peux qu' aimer cette prose!
Pascal Pépé
Très beau parallèle. Ou comment donner l'impression que les rugbymen sont intelligents 😉