ECOLOGIE. EXCLU. Julien Pierre : ‘’S’il y a bien un sport qui a la capacité de mobiliser autour de l'environnement, c’est le rugby !’’
L'ancien deuxième ligne palois Julien Pierre est un homme engagé.
Julien Pierre, fondateur de Fair Play For Planet, nous a livré les raisons de son engagement et le chemin suivi par sa société pour rendre le rugby écologique.

C’est un petit pas pour la Section, mais un potentiel grand pas pour l’écologie. Après plusieurs années d’initiatives en faveur du développement durable et des mois d’engagement auprès de Fair Play For Planet, la Section Paloise vient officiellement d’obtenir le label FPFP. Du côté du Hameau, l’entité béarnaise est ainsi ce mercredi le premier club professionnel français tous sports confondus à récolter l’innovant label vert créé pour les clubs et les évènements sportifs. "L’engagement « vert » de la Section franchit aujourd’hui une étape très importante", déclarait d'ailleurs le club béarnais sur son site ce mercredi. Une labellisation qui doit en mener à d’autres, pourquoi pas l’Olympique Lyonnais côté ballon rond ou de nouveaux pensionnaires du Top 14 prochainement ?

Dans une démarche de dossier sur l’écologie et afin de mieux comprendre l’essence même de Fair Play For Planet, nous avons longuement échangé avec son fondateur que vous connaissez tous : Julien Pierre. L’ancien deuxième ligne du XV de France (27 sélections) nous a parlé des détails de son projet, de ses origines, de sa foi en le rugby afin d’être un vecteur d’accélération du changement des mentalités et nous livre ses conseils pour mieux s’engager dans une démarche de transition écologique. Entretien.

Fiche résumé de la labéllisation de la Section Paloise Béarn Pyrénées. Crédit image : Fair Play For Planet.

Julien, en quoi consiste exactement cet organisme Fair Play For Planet ?

Comme l’indique notre site internet, notre société Fair Play For Planet vise à mettre en œuvre des activités encourageant un comportement éco-responsable des individus et des entreprises. Nous avons un large référentiel dans lequel on a identifié toutes les caractéristiques favorables à la transition écologique et parmi lesquelles on compte la partie sur la biodiversité espace verts, celle sur les déchets et leur tri, sur l’énergie, les transports… En tout, nous avons plus de 300 questions élaborées qui permettent de balayer toute l’activité du club en question. Une fois qu’il a rempli ce référentiel, nous venons avec des auditeurs experts qui vont contrôler toutes lesdites caractéristiques sur place, afin de délivrer un rapport où l’on va émettre une évaluation et, potentiellement, 3 niveaux de label différents ainsi que des axes d’amélioration pour engager les clubs dans une démarche concrète.

Comment se matérialisent ces évaluations ?

Il y a une note minimale pour obtenir les différents niveaux de label, qui se déclinent en trois grades de reconnaissance : le FPFP Player (niveau 1), le FPFP Engaged (niveau 2) et le FPFP Confirmed (niveau 3). On se veut être non pas un label punitif mais un label encourageant, avec un message qui est de féliciter les efforts faits tout en encourageant à faire mieux. Par exemple, si un club tente d’obtenir un label - qui n’est pas si facile à avoir -, on peut éventuellement laisser un laps de temps supplémentaire de 6 mois voire 1 an pour lui permettre de remplir les critères requis d’ici là.

Racontez-nous la genèse de Fair Play For Planet : comment est née l'idée ?

L’origine est un peu lointaine puisque j’ai une famille qui a toujours été engagée autour de l’environnement et j’ai été éduqué comme ça, en faisant attention au monde qui nous entoure. Disons que mon grand-père a fondé un parc animalier qui avait fait de la préservation de l’écosystème un objectif prioritaire. Lier ma passion pour l’environnement et celle du sport et plus particulièrement du rugby était du coup assez évident pour moi. La révélation ne s’est donc pas faite en mars 2020 lors du premier confinement… J’ai donc repris un brevet d’études après ma fin de carrière à Pau (terminée en 2018) pour pouvoir lancer un label vert. Je suis resté au club durant 2 ans et nous avons lancé une dynamique éco-responsable avec le président Bernard Pontneau avec, à terme, l’objectif d’engager le club avec FPFP. Aujourd’hui, c’est d’ailleurs le premier club professionnel qui va obtenir notre Label Player.

Le label a t-il un impact économique en suivant pour les clubs et événements, si vous en avez des mesures ?

C’est quelque chose qu’on va calculer prochainement lorsque nous aurons plus de recul (la fondation n’a que 6 mois), notamment chez les gros clubs. Mais par exemple, nous avons déjà engagé le club de foot amateur des Sables-d’Olonne (Nationale 2), qui a eu des sponsors qui sont venus taper à sa porte dans la foulée en disant « on ne savait pas que vous aviez cet engagement, on va vous soutenir financièrement, vous aider à mettre en place des trucs pour l’environnement… »

Avez-vous des objectifs chiffrés ou attendez-vous que votre marque se pérennise avant tout ça ?

L’Olympique Lyonnais s’est engagé avec nous en janvier dernier et d’autres clubs de Top 14 y viennent. Nous sommes aussi en pourparlers avec d’autres clubs plus ou moins gros pour s’engager dans cette démarche écoresponsable prochainement. On est très satisfaits pour l’instant mais on veut être logique dans ce qu’on va élaborer. Lorsque l’OL nous a fait confiance, ça nous a permis de sortir de notre zone de confort. Les clubs sont dans une situation tellement compliquée de manière générale actuellement qu’il était compliqué pour nous de se fixer de bosser avec 10 ou 20 entités d’ici la fin 2021. C’est difficile de prévoir par les temps qui courent. On se structure toujours, nous sommes encore jeunes et avons du progrès à faire dans ce qu’on va mettre en place : on se veut très humbles dans notre démarche.

Le sport est-il un bon élève par rapport aux autres industries en termes de lutte contre le réchauffement climatique ?  

Je vais répondre non car le sport doit encore s’améliorer sur beaucoup de choses. Il peut et doit faire passer des messages et je suis convaincu qu’on peut vraiment réduire l’impact du sport sur l’environnement. Il y a plein de choses qui peuvent être faites et mises en place rapidement, des formules de championnat revues pour diminuer les déplacements des équipes… Est-ce utile par exemple de continuer à rajouter des équipes en Ligue des Champions et donc d’augmenter les matchs et les trajets ? Les acteurs du sport ont toujours été plutôt engagés dans leur manière de communiquer socialement, mais la partie environnementale a longtemps été plus difficilement abordable, presque délaissée. En participant à des grosses manifestations ou compétitions, j’ai pour ma part eu la chance de pouvoir toucher du doigt la capacité du sport à fédérer et à guider. Notre objectif est donc d’utiliser la visibilité du sport pour sensibiliser les populations sur les enjeux environnementaux.

Le rugby pro de manière générale y est-il plus sensible aujourd’hui que durant votre carrière personnelle ?

Bien sûr ! Comme toute la société, le monde du sport a vraiment changé d’état d’esprit concernant le réchauffement climatique lors de ses 20 dernières années, encore plus depuis 1 an et la crise du Covid. Des clubs prennent de plus en plus d’engagements à ce sujet, s’impliquent… Aujourd’hui s’il y a bien un sport qui doit pouvoir mobiliser en unissant autour de ses valeurs, de son image etc, c’est le rugby ! D’après une étude fin 2020, la moitié des fans de sport seraient prêts à boycotter des évènements qui ne répondraient pas à des normes environnementales. C’est une démarche forte qui montre qu’il y a une vraie prise de conscience de la population. Les gros évènements ont d’ailleurs intérêt à changer leur modèle même si ce n’est pas du tout évident de bousculer les habitudes de fonctionnement des JO ou d’une coupe du Monde.

À ce sujet, Claude Atcher a certifié qu’en 2023, seuls 15% des trajets seraient faits en avion. C'est une bonne démarche selon vous ?

Le sport doit contribuer à la réduction des gaz à effet de serre et du reste. Je dis donc bravo, bien sûr que ce sont de très bons engagements, très ambitieux et qui sont symboliques. Peut-être reste-il à prendre des engagements encore plus poussés dans le domaine de l’alimentation désormais, mais c’est une bonne chose. 

C’est à dire ? Quels premiers conseils peut-on donner aux clubs pour limiter leur empreinte carbone aujourd’hui ?

De réduire la consommation excessive dans les stades, de valoriser les transports en commun pour se rendre au stade de même que les gens qui se déplacent à vélo. Ce sont des mesures qui réduisent tout de suite l’empreinte carbone d’un évènement. On pourrait donc pousser le trait sur tous les thèmes vu qu’il y a énormément de choses à faire. On peut parfois même être éco-responsable sans vraiment s’en rendre compte…

Et pour les sportifs amateurs ?

Pour les amateurs, l’idée est vraiment de travailler surtout sur la partie alimentation. Je vais reprendre l’exemple des Sables d’Olonne : ils ont arrêté de donner des sodas aux gamins lors des goûters. Au début, tout le monde a un peu gueulé mais au final, la pomme bio de l’agriculteur du coin est très appréciée, qui sait le producteur est peut-être même partenaire du club aujourd’hui. Ce n’est pas beaucoup plus cher d’être éco-responsable, ce n’est pas un gros mot.

Selon vous, y a-t-il beaucoup de greenwashing dans le sport ?  

Il y a toujours une part de zone grise dans la transition écologique… Maintenant, est-ce qu’il vaut mieux ne rien faire en se disant que certains vont s’en servir à but commercial ou être dans la pédagogie et dans une démarche d’engager des réflexions chez les acteurs concernés ? Ce qu’on propose chez Fair Play For Planet doit justement mieux encadrer les entités qui hésitent encore à franchir le pas ou ne savent pas comment s’y prendre.

Pour guider notre lectorat, Quels sont les indicateurs classiques qu'on doit suivre pour mesurer son impact quand on organise un événement sportif ?

Les recommandations classiques sont celles que j’ai notamment déjà énoncées avec le contrôle de la provenance de la nourriture, la lutte contre les déchets grâce au tri…Celle pour la suppression des bouteilles plastiques remplacées par les gourdes revêt également une symbolique avec impact fort. Il y a après des actions plus complexes mais si chaque évènement sportif appliquait ces démarches, ce serait déjà très bien. Aujourd’hui, on se rend compte que dès qu’on commence à aborder le sujet et quelle que soit l’ambition économique ou les convictions des personnes concernées, chacun aimerait mieux faire qu’avant concernant l’éco-responsabilité. Voir que des clubs sont aujourd’hui prêts à s’engager et dire qu’ils vont faire mieux pour l’environnement c’est une sacrée marque de confiance de leur part. Je crois que les acteurs du sport peuvent être un vecteur magique pour faire accélérer les choses.

Avez-vous l’impression que votre statut d’ancien joueur vous donne plus de portée au moment d’inciter les gens à s’engager ?

Je pense, oui. Le fait que je sois un ancien sportif professionnel permet de communiquer plus facilement là-dessus, de donner des arguments sur des problématiques que je connais bien, d’apporter un certain vécu depuis l’intérieur si je puis dire.

Enfin, LA question ouverte pour que les lecteurs puissent se projeter : à quoi ressemblerait un rugby écologique pour vous ?

À un rugby Fair Play For Planet ! Sans rire, c’est une question assez complexe… Je dirais que le rugby idéal reprendrait un peu tout ce que j’ai dit au cours de notre entretien : que chaque évènement favorise l’alimentation bio, locale, ainsi qu’une diminution de la consommation de viande. Evidemment, que les transports en commun pour se rendre au stade soient vraiment favorisés comme au Stade des Lumières de Lyon, mais aussi que la gestion des déchets soit au coeur des préoccupations ou encore que les domaines de l’énergie et de la consommation numérique soient plus surveillés. Un peu tout ce qui est au centre de nos objectifs chez FPFP, quoi !

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  • balobal
    16039 points
  • il y a 3 ans

C'est bien de rendre visible ces sujets et de montrer des envies.
Il faut bien sûr réussir à transformer avec de vraies actions et comportements pérennes.

Ca me fait penser à un sujet sur lequel on est nombreux à pas être bons c'est celui de la consommation de crampons. C'est presque devenu un produit jetable. En amateur la plupart de ceux que j'ai connu changeait 1 à 2x/saison par exemple. En pro on doit en être bien loin...

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