Frédéric Cocqu est manager général du LMRCV et a plusieurs missions au sein du club sur l’équipe élite, notamment la formation des féminines. Ce Belge et ancien kiné, a dirigé les équipes jeunes et senior de la Belgique il y a maintenant 20 ans. Son CV montre que pour lui, la formation est primordiale, et ce, depuis toujours. Passé par Bourg-en-Bresse et Chambéry où il a créé et labellisé en une année le centre de formation, il a également été le père fondateur du premier centre de formation belge, qui est encore aujourd'hui le seul du pays. Aujourd'hui, il pose une nouvelle pierre à l'édifice de la formation française avec son équipe dirigeante, en créant dès la rentrée 2019 un centre d'entraînement au LMRCV. Pour cela, le club organise une journée de détection le 16 avril pour les filles âgées de 18 à 22 ans souhaitant intégrer le LMRCV et pourquoi pas l'élite et le TOP 8.
À qui est destiné ce centre d'entraînement ?
Il est destiné aux joueuses de rugby de France qui sont en post-bac, c’est à dire de 18 à 22 ans. La région de Lille a la chance de pouvoir bénéficier d’une académie pôle espoirs qui intéresse les filles qui sont lycéennes uniquement. Après le lycée, elles s’entraînaient 2 fois par jour et étaient prises en charge dans un internat quand elles passaient à la vie d’étudiante post-bac. Elles devaient donc répondre à toutes les sollicitations d’une étudiante aujourd’hui, que ce soit sociales, organisationnelles, logistiques et sportives. Il y avait donc un fossé entre ce qu’elles avaient connu et ce qu’on pouvait leur offrir. Ce centre d’entraînement va devoir répondre à un objectif de double projet avec une formation sportive évidemment, mais aussi une formation scolaire. Seules les filles qui entreront dans une formation diplomate ou qualifiante pourront prétendre à intégrer le centre. La deuxième orientation est d’aider les filles à s’installer sur Lille avec des aides à la mobilité (abonnements métro/tram/bus), d’hébergements ou d’autres aides ponctuelles. Les clubs s’organisent et s’arment aussi, on a donc décidé de créer un centre d’entraînement qu’on proposera à la labellisation en suivant le cahier des charges que la FFR veut mettre en place. Il y a une journée de détection qui aura lieu le mardi 16 avril prochain.
C’est le premier centre de formation uniquement féminin ?
Ce n’est pas le premier en France puisqu’il y en a déjà un qui a été créé à Rouen, ce sera donc le second uniquement féminin, mais certainement le premier au nord de Paris. Il y en a d’autres, mais ils sont mixtes, comme à La Rochelle par exemple. Ce centre a pour vocation d’alimenter l’équipe élite et pour ça il faut de l’entrainabilité, c’est-à-dire pouvoir enchaîner les temps de travaux scolaires et les temps d’entraînements. Les filles auront 10h supplémentaires d’entraînements au centre, en plus des entraînements collectifs avec le club. Il faut donc pouvoir concilier ces deux choses pour atteindre le meilleur niveau qui est l’équipe élite qui évolue en Top 8. Nous avons également des locaux supplémentaires à ceux déjà disponible du Lille Métropole Rugby : salle de soins, salle intérieure de 300 m2, locaux pour pouvoir étudier, piste d’athlétisme et finlandaise, etc.
Avec toutes les dérives qui vont arriver dans le rugby, en tout cas elles sont déjà là chez les hommes, je pense que la formation est essentielle.
C’est une reconstruction pour le LMRCV ?
Pas vraiment, on va dire qu'on reconstruit en s'appuyant toujours sur le passé et le travail qui a été fait. Aujourd’hui, on est en "reconstruction" parce qu'on a perdu 14 éléments dont 5 qui jouent en équipe de France. En 8 ans, le rugby féminin a énormément évolué. Déjà dans la pratique sur le terrain, les filles vont plus vite, sont plus fortes, ont plus de gestuelle et ont une meilleure lecture du jeu. Mais aussi dans la pratique général du sport qui est le développement, il faut donc répondre à cette demande. On ne pourra pas évidemment répondre à toutes les problématiques en une saison, mais en tout cas il y a beaucoup de projets et beaucoup de personnes qui sont motivés à m’accompagner dans ces différentes orientations que ce soit chez les dirigeants, joueuses ou staff. On sait que la formation est un investissement, et on n'a pas toujours un retour sur investissement rapide, mais il ne faut surtout pas se décourager.
Un centre d’entraînement était donc essentiel dans la reconstruction du LMRCV ?
Aujourd’hui, le LMRCV a une carte de visite qui est plutôt sympathique dans le paysage rugbystique féminin puisqu’il est 3 fois finaliste du championnat de France, une fois champion de France et 7 fois champion de France à 7. Donc c’est quand même quelque chose qui compte dans l’univers féminin. Maintenant, d’un autre côté, on se rend compte dans les obligations à venir en 2023, que tous les clubs professionnels devront avoir une section rugby féminine et que d’autres clubs se lancent dans cette voix. Il y a de plus en plus de "concurrence" et c’est très sain pour le développement du rugby féminin. Mais on se rend aussi compte que Lille n’est pas vraiment bien placé sur la carte géographique du rugby féminin français et à ce titre, c’est difficile d’attirer des filles à fort potentielle ou déjà confirmée sur le LMRCV. On ne s’appuie pas non plus sur un club phare comme peuvent le faire d’autres équipes comme Montpellier, Bayonne, Toulouse, le Stade Français, Bobigny mais aussi Romagnat avec Clermont-Ferrand. C’était donc compliqué d’attirer et surtout de garder les filles qui ont du potentiel.
La création de ce centre a pour objectif d’aider et de garder les filles à fort potentielles qui sont encore aux études, et surtout, des filles d’autres académies qui vont sortir de ces académies en juin sans être soutenues et avec peu de temps de jeu en perspective.
Quels sont les objectifs du LMRCV cette année ?
Déjà, se qualifier pour les quarts de finale qui n’est pas du tout fait… On a un match crucial ce week-end contre Grenoble qui va être très compliqué. On a un deuxième rendez-vous à Tarbes la semaine qui suit, et on se déplace à Toulouse en espérant faire un résultat même si ça sera compliqué. Mais on peut faire une belle performance sportive. Après, ce sera de pouvoir s’offrir un dernier final à domicile contre Bordeaux. Si on a 3 victoires au compteur, on devrait passer en 1/4 de finale. Si malheureusement il n’y a pas de qualification, ce sera une déception et il faudra évidemment en tirer les conclusions, même si on sait que Rome ne s’est pas bâtie en un jour. On a toujours notre destin entre les mains, à nous de mettre les ingrédients pour.
Les dérives de la formation masculine peuvent-elles gangrener le rugby féminin ?
Il y a beaucoup de filles qui aimeraient partir dans des clubs qui brillent comme Toulouse ou Montpellier. Sans cracher et sans dénigrer, Toulouse a aujourd’hui 12 piliers. Dans les 12 piliers, il y en a 11 qui sont passées par l’équipe de France des moins de 20 ans, c’est donc gage de qualité. Or, chaque week-end, on ne peut aligner que 4 filles qui vont jouer. Donc 8 filles vont rester sur le carreau et qui ne joue pas à haut niveau alors qu’elles sont destinées à ce haut niveau. Et c’est dommageable surtout pour le rugby féminin en général. Aujourd’hui, le discours que nous avons avec toute l'équipe encadrante, ce n’est pas "venez chez nous, vous allez être dans le meilleur club du monde et on vous promet que vous allez être titulaire". Mais ce qui est sûr et certain, c’est qu’à n’importe quel âge, tu auras du temps de jeu. Sur la saison, on a 6 filles des moins de 18 ans qui ont 3000 minutes de temps de jeu cumulés en élite. Du moment qu'elles sont en sécurité sur le terrain, il n'y a aucun souci à ce qu'elles jouent.
On donne la chance à des Dupont, des Ntamack, des Felix Lambey, enfin. Mais il faudra peut-être faire comme l'Angleterre et passer une ou deux années blanches pour aller mieux.
L'objectif premier chez les féminines reste le XV de France ?
Aujourd'hui, on a des relations privilégiées avec le staff du XV de France féminin. On est en contact de manière quasi-hebdomadaire avec les entraîneurs et manager. Par exemple, j'ai des échanges chaque semaine avec le manager des moins de 20 ans féminine, parce qu'ils ont besoin des clubs pour développer l'équipe nationale et nous avons besoin de leur expertise pour pouvoir orienter, réorienter ou se conforter sur ce qu'on est en train de faire. C'est un relationnel intéressant, et je pense que chez les garçons, ce sera impossible. Même si le TOP 14 est le meilleur championnat du monde, chacun bosse dans son coin. Tous les clubs étrangers font ça, ils projettent le projet sportif de l'équipe nationale dans leur travail.
Même la Roumanie travaille comme ça ! Même si le manager néo-zélandais a été viré, Maruis Tincu (qui entraîne l'équipe nationale) entraîne aussi le club de Bucarest qui joue une place en Challenge Cup. En TOP 14, tout le monde a la volonté de se démarquer en jouant son jeu pour le Bouclier de Brennus, ce qui est compréhensible, mais d'un autre côté c'est au détriment de l'équipe de France. Est-ce que les clubs doivent se rapprocher de l'équipe de France ? Est-ce que l'équipe de France doit imposer aux clubs ? Est-ce que l'équipe de France doit happer les 40 meilleurs joueurs sous forme de contrats fédéraux ? Nous n'avons pas la solution ici, on a déjà beaucoup de travail au LMRCV. (rires)
Garou-gorille
Allez les ch'tites !
Ahma
"Il y en a déjà un qui a été créé à Rouen, ce sera donc le second uniquement féminin, mais certainement le premier au nord de Paris."
Moins fort en géographie qu'en formation.
Garou-gorille
Pan sur le bec !
Non le deuxième car Rouen est déjà au nord de Paris ! (Au nord ouest mais au nord quand même)
Papypatou
Je crois que c'est ce que voulait dire Ahma 🙂
MARCFANXV
De toute façon Fred est Belge alors tout ça reste au sud de Bruxelles...