Le dopage dans le rugby, quelques preuves, beaucoup de soupçons, mais pas d'argent
Le dopage dans le rugby, une réalité.
Le dopage dans le rugby est une réalité pour Christian Bagate, ancien dirigeant de Bègles, biologiste et médecin du sport ainsi que membre du comité directeur de la FFR.
Laurent Benezech n'est du genre à abandonner. En avril 2013, l'ancien pilier international comparait la situation du rugby français à celle du cyclisme avant l'affaire Festina, sans pour autant apporter de preuves. Moins d'un an après ses déclarations, et par l'intermédiaire d'un livre intitulé « Rugby, où sont tes valeurs ? », il entend « briser l'omerta » sans pour parler de dopage mais d'« un accompagnement de la performance » par divers procédés parfois illégaux et surtout dangereux pour la santé des joueurs. Benezech a cette fois-ci étayé ses dires grâce à des observations, des enquêtes et des chiffres et certainement entraîné une prise de conscience chez certains supporters. Mais pour les professionnels comme Christian Bagate, ancien dirigeant du grand club de Bègles dans les années 80-90, biologiste et médecin du sport ainsi que membre du comité directeur de la fédération française de rugby, c'est bien plus compliqué qu'il n'y parait.

Le dopage, une réalité

Pour ce dernier, le dopage est bel est bien présent dans le rugby. Une discipline à risque compte-tenu de ses exigences. « Je vois des choses qui me troublent. Je n'ai pas attendu [ce] livre pour dénoncer les pratiques à risque, parler des épidémies d'anomalies thyroïdiennes, des prises de corticoïdes, des limites du suivi longitudinal. » Il précise dans une interview accordée au Nouvel Observateur ce dimanche dans un article intitulé Peut-on encore croire au rugby (français) ?, que « cette réalité s'exprime d'abord en chiffres. C'est 12 dossiers instruits en 2013, 22 en 2012, le plus souvent pour consommation de cannabis. » Accusé par Benezech d'avoir caché le recours par certains joueurs à des mélanges de corticoïdes et de cocaïne au début des années 2000 pour repousser les limites de la douleur, il répond également qu'ils savaient, à l'Agence française de lutte contre le dopage ou à l'Agence mondiale antidopage, « que ces pratiques existaient, qu'elles avaient été expérimentées en Angleterre et dans l'hémisphère sud. »

Sans parler des AUT ou Autorisations à usage thérapeutique qui ont fleuri à cette même période avec des joueurs qui évoluaient sous corticoïdes (anti-inflammatoire) et ventoline. « Il y avait plus d'AUT que de joueurs sur le terrain ! » se souvient-il. Désormais, les AUT sont en baisse, mais l'AMA a déréglementé la prise de ces produits à l'entraînement ce qui complique la situation : « On se retrouve avec des trucs abominables. Des corticoïdes peu ou prou autorisés, avec des risques majeurs d'insuffisances surrénales et donc de décès en cas de chute ou de traumatisme. Et la ventoline en libre accès. C'est inadmissible. Car, non seulement, ça ne sert à rien, mais c'est dangereux. » À l'heure actuelle, si un joueur participe à un match alors qu'il est sous corticoïdes, c'est qu'il est sous ordonnance. « Mais il peut y avoir un laxisme et je le dénonce. » Aux médecins de clubs de faire les contrôles nécessaires : « Alors ils le font tous, ou ils ne le font pas tous ? Je ne peux pas l'affirmer, mais je pense qu'ils le font tous, car sinon il y a un trop grand risque; les médecins ne sont pas sots à ce point-là. »

Responsabilité personnelle ou collective ?

Laurent Benezech avance lui-aussi des chiffres et plus seulement des observations comme il l'avait fait avec les mâchoires carrées. Ceux des kilos pris en très peu de temps par de nombreux joueurs. « J'ai fait ma propre petite étude, en essayant de recroiser les données de taille et de poids des joueurs du Top 14, puisque bizarrement ces données ne sont compilées nulle part. Et j'ai constaté des prises de poids de 10 à 20 kilos. » Il évoque une forme d'«industrialisation » de la discipline. L'homme de science, n'appelle cependant pas cela des preuves et parle de la professionnalisation du rugby et du recours à la musculation à haute dose. De quoi expliquer les 12 kilos en plus de Sébastien Tillous-Borde entre 2007 et 2008 et les 10 de Benjamin Kayser entre 2011 et 2012. L'ancien joueur est lui plus sceptique : « Mais ces joueurs ont explosé physiquement alors qu'ils étaient professionnels depuis des années ! » Ces derniers, comprenez les pros, ne sont d'ailleurs pas ceux qui se laissent le plus facilement séduire par le côté obscur. Les jeunes, de par un certain manque d'informations et un phénomène d'imitation, ont plus de risques de consommer des produits illégaux. « Beaucoup par exemple prennent des poudres hyper protéinées parce que les copains en prennent. »

La suite en page 2 Pour Christian Bagate, le problème se situe également du côté de préparateurs physiques peu scrupuleux qui n'hésitent pas à donner des substances interdites aux joueurs, et ce, en dépit des risques pour leur santé. Et à ce niveau-là, même les pros peuvent tomber dans le panneau. Mais cette « chasse aux pseudo- «préparateurs physiques» qui viennent polluer notre sport » n'est pas des plus aisée. Suite à des soupçons autour de l'un d'entre eux, et à sa condamnation, Christian Bagate a été étonné de le voir sévir à nouveau en Pro D2 quelques années plus tard. Après plusieurs coups de fil, « la personne en question est partie du club. D'ailleurs, elle ne travaillait pas au sein du club, mais dans une salle de musculation indépendante. Preuve qu'il n'y pas de dopage organisé, comme le raconte Benezech, mais des initiatives individuelles concernant un ou plusieurs joueurs, s'agrégeant autour d'un préparateur-pollueur. » Le biologiste regrette ce manque de mémoire. Avant tout le monde se connaissait. « Aujourd'hui, vous avez un chef d'entreprise, qui arrive ; il n'est pas au courant, il se laisse embobiner par truc ou machin. »

Quelques preuves, beaucoup de soupçons, mais pas d'argent

Christian Bagate, qui est responsable de la lutte antidopage à la FFR, avoue travailler « avec les moyens du bord ». Il évoque également un contexte légal et financier qui ne permet pas de tout faire. « Nous ne sommes pas seuls à intervenir sur ces affaires. Nous travaillons avec des services de l'Etat qui peinent à se coordonner et ont des moyens limités. » L'AFLD est dans la même situation. De fait, les choses avancent, mais pas aussi rapidement que certains, comme Laurent Benezech et Christian Bagate, le voudraient. En 2006-2007, plusieurs joueurs professionnels (Dont plusieurs internationaux évoluant à l'époque dans la même région : Harinordoquy, Traille, Thion, Tillous-Borde, Barcella,) ont en effet présenté des taux d'hormones thyroïdiennes anormales, lequel peut-être associé à une prise d'hormones de croissance, comme note le Nouvel Observateur, et un préparateur physique a été condamné. Par la suite, ces 150 joueurs pros ont été mis en arrêt de travail jusqu'à normalisation de choses. Mais cela n'a pas engendré de bouleversements au sein du rugby français.

Plusieurs années après, Christian Bagate « les soupçonne encore » et ils sont toujours la cible de contrôles. Mais ces derniers « sont-ils assez pertinents ? » Il se le demande. « Notre moyen de dissuasion le plus sûr, aujourd'hui, c'est ce que j'appelle le déshonneur a posteriori. La possibilité de conserver les échantillons huit ans. Et de confondre les contrevenants, lorsque la science nous le permettra. »

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Autant on ne peut qu'être d'accord sur le fond avec L. Benezech, c'est à dire faire du sport et en particulier le rugby des activités "😜ropres" où les pratiquants ne se chargent pas de produits licites ou non au mépris de leur santé, autant je désapprouve la méthode qui consiste à stigmatiser, le plus souvent sans preuves factuelles, certains joueurs en activité... Non seulement c'est déstabilisant pour les joueurs qui jusqu'à preuve du contraire sont suivis médicalement par leurs clubs respectifs et ça ne fait qu'entretenir le soupçon sans amener d'arguments recevables...

Je crois qu'il y beaucoup plus de questions à se poser autour du dopage quand on voit aujourd'hui l'état physique des Boks champions du monde en 95 : scléroses en plaque, maladie de Charcot, etc. Ils ne carburaient pas qu'à l'eau claire !

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