La France n’est pas la seule nation « majeure » du rugby en crise depuis quelques années et la situation des Springboks est un parallèle assez intéressant avec certains des problèmes (mais pas tous) que rencontrent le rugby français. Bien décidé à sortir de ce marasme, les grandes manœuvres du rugby sud-africain se sont accélérées depuis plusieurs jours. Explications.
À l’instar de Guy Noves, Allister Coetzee a été limogé il y a quelques semaines, moins de deux années après son intronisation au poste de sélectionneur des Boks (ce qui n’était plus arrivé depuis 2003). Relégués au sixième rang de l’IRB après deux années catastrophiques et un bilan de 11 victoires sur 25 matchs (44%), l’ancien coach des Stormers n’aura pas résisté aux deux humiliations reçues en cette fin de saison 2017 (défaite historique 53-0 contre la Nouvelle-Zélande et une dérouillée 38-3 en Irlande) qui font suite à de nombreuses critiques sur ses choix de joueurs et style de jeu. Pour le remplacer, la fédération sud-africaine a fait appel à Rassie Erasmus qui fut dans un premier temps nommé directeur du rugby sud-africain et qui vient d’être confirmé cette semaine comme sélectionneur des Springboks. Il se voit donc confier un très large champ d’action pour mener sur le terrain et en coulisses les réformes nécessaires au rugby sud-africain.
Rassie Erasmus, le nouvel homme fort
Ancien international (39 sélections), Erasmus a débuté sa carrière d’entraîneur chez les Cheetahs en 2004 ou il remporta une Currie Cup (championnat provincial). Après deux ans passés à la tête des Stormers et de la WP, il occupa durant cinq ans diverses fonctions au sein de la fédération avant de partir en Europe et prendre en main l’année dernière une équipe du Munster qui sortait d’une période compliquée. Après une année sportive assez décevante et sous le choc du décès tragique d’Anthony Foley, Erasmus a réalisé des merveilles à la tête de la province irlandaise avec une demi-finale d’ERC et une finale de Pro 14. Entraineur et technicien très respecté outre-manche, il va reconduire une partie de son staff avec la nomination de Jacques Nienaber et Aled Waltersil qui arrivent dans ses valises.
La situation n’est pas si désespérée à l’autre bout de l’hémisphère car à l’inverse de l’équipe de France, les Sud-Africains possèdent un réservoir de joueur très talentueux porté par la dynamique des Lions, la franchise de Johannesburg qui vient d’atteindre deux fois de suite la finale du Super Rugby en faisant tomber de nombreuses province Néo-zélandaise. Cependant, les Lions sont un peu le « cache-misère » des provinces sud-africaines car Bulls, Stormers et Sharks sont englués en milieu/bas de tableau du Super Rugby.
Le chantier du rugby sud-africain
À moins de 600 jours de la Coupe du monde, l’un des premiers challenges d’Erasmus sera de bien gérer les joueurs expatriés en Europe (snobés majoritairement par Cotze) sachant que seuls les joueurs ayant au moins 30 caps évoluant hors des provinces sud-africaines sont sélectionnables (nouvelle règle de juillet 2017 pour retarder le départ des joueurs en Europe). Pour faire simple, Willie le Roux (Wasps), Frans Steyn, Bismarck du Plessis, Jan Serfontein (Montpellier), Duane Vermeulen (qui va rentrer en Afrique du Sud), JP Pietersen (Toulon) et Pat Lambie (Racing 92) sont éligibles contrairement à Juan de Jongh (Wasps), Faf de Klerk (Sale), Vincent Koch (Saracens) ou plus récemment François Venter qui vient de signer 2 ans chez Worcester. Cette règle est une des raisons qui a fait que Kitshoff a quitté l’UBB cette saison pour rentrer chez les Stormers.
Mis en confiance par sa fédération avec un contrat de 5 ans jusqu’en 2023, Erasmus veut s’attaquer à un autre problème majeur du rugby sud-africain : le calendrier et le nombre de matchs des internationaux (on vous l’a dit, ça nous rappelle quelque chose …). En effet, de nombreux internationaux font une « double » saison avec des piges en Europe ou au Japon une fois le Super Rugby / Currie Cup terminés pour compenser le manque à gagner financier. Résultat, certains joueurs sont usés et fatigués et l’année 2017 fut un record en matière de blessures (nous ne sommes pas les seuls), notamment lors de la tournée d’automne. Pour lutter contre ce fléau, les Springboks veulent mettre en place des contrats entre fédération, franchise et joueurs qui consisteraient en une réduction du temps de jeu mais surtout une interdiction de signer dans le championnat japonais en fin de saison. Premier joueur ciblé, Warren Whiteley l’emblématique et irréprochable capitaine des Lions. Reste à savoir dans quelle mesure ces contrats seront étendus, soit sur une poignée de joueurs ciblés ou plus largement à tout l’effectif Springboks.
Calendrier, exode et quota
Le dernier défit et sûrement le plus grand pour Rassie sera son approche de la règle très controversée des « quotas » dans le rugby sud-africain et plus spécifiquement pour la sélection des Springboks. C’est un sujet politico-sociétale très sensible et compliqué mais qui fait grand débat et divise dans le milieu sud-africain. La fédération sud-africaine a pour objectif d’atteindre la parité de joueur de « couleur » en équipe nationale pour 2019, rendant difficile une sélection 100% sur des critères uniquement sportifs et polluant certains débats sur le fait que tel ou tel joueur mérite sa sélection ou soit un « quota ». Sur le plan sportif (et encore une fois c’est un sujet sensible sur lequel je ne porte pas de jugement car il va bien au-delà du sport) cela peut poser certains casses têtes au sélectionneur ou des joueurs comme Paige, Rhule, Mtawarira furent souvent pointés du doigt.
Il reste donc 600 jours et 18 tests matchs à Erasmus pour faire renaître le rugby sud-africain de ses cendres, le défi est immense mais pas impossible tant les Springboks peuvent compter sur un réservoir de joueurs talentueux important. Premiers éléments de réponse en juin avec le Pays de Galles et l’Angleterre.
AKA
"La France n’est pas la seule nation « majeure » du rugby en crise depuis quelques années et la situation des Springboks est un parallèle assez intéressant avec certains des problèmes (mais pas tous) que rencontrent le rugby français" OK! mais il y a une différence de taille: ils ont gagné tous les matchs contre nous la saison dernière, c' est dire!!!
Reminane
Ces quotas sont insupportables !
Que l'on ouvre la pratique en donnant les mêmes moyens à tous ma paraît correct !
Imaginons qu'une Federation oblige 50 pour cent de blancs dans son équipe !
Tout le monde hurlerait au scandale !
Les meilleurs à égalités de chance doivent jouer !
Team Viscères
Les quotas sont un cache misère pour faire croire que la Fédé oeuvre pour ouvrir le rugby à tous, alors qu'un vrai travail d'ouverture consisterait à développer le rugby pour tous à la base de la pyramide. Mais cela demande beaucoup moins de temps, d'argent et d'implication de juste balancer des quotas...
banditmanchot
Ils ont fait une c*nnerie monumentale avec leur apartheid anti-blancs.
A tout moment, un mec peux se faire éjecter de la sélection juste parce qu'il a pas la bonne pigmentation de peau. Comment tu veux qu'il ai pas envie de se barrer ailleurs pour la tune & qu'il soit pas démotivé par la sélection?
Je connais pas la liste exhaustive des sudafs en top14 mais je n'y connais que des blancs...
Bref, c'est triste de parler de couleur de peau plutôt que de sport... Et malheureusement, l'Afrique du sud n'a pas retenu de leçon de son triste passé et refait à l'envers la même erreur. 🙁
spir
Je réponds ici sur le plan sportif ou plutôt historico-socio-sportif. Bon, tout ça (je dis bien tout) est un peu caricatural, donc un peu faux, en partie parce que mes connaissance sont très limitées, mais je pense que c'est utile à dire malgré tout.
Le rugby est historiquement un sport d'élite. Il s'est construit aussi en opposition avec le football qui lui est rapidement devenu (aussi) un sport du peuple, des pauvres, en Angleterre puis dans tous les pays où il est vite devenu populaire. Le foot est (aussi) joué par les pauvres, les gens des bidonvilles ou des banlieues, les immigrés --et c'est vrai en gros partout. Là où il est un peu implanté, le rugby est historiquement joué par les membres des élites sociales, notamment dans l'équivalent des grandes écoles ou universités prestigieuses ; sauf dans quelques pays exceptions comme le nôtre (et qui du coup font ou faisaient partie des grandes nations de ce sport), mais même chez nous ça a commencé dans les élites.
C'est encore vrai aujourd'hui je crois : il y a qq pays où le rugby est un sport non élitiste, un peu plus de pays où ça se mélange un peu, et sans doute une majorité de pays où c'est toujours franchement un truc de la haute société (comparez au golf ou à l'équitation). Alors, imaginez ce que ça donne en AfSud... un sport de (très) pauvres noirs opprimés, un sport de (très) riches blancs dominants. On peut pas trop se rendre compte de ça, de tout ce schéma, vu d'en France parce qu'on est une exception qui confirme la règle.
Sportivement, bien que l'AfSud soit déjà un assez gros pays de rugby parce que beaucoup de blancs y jouent, il y a un énorme réservoir de joueurs potentiels non touchés, les noirs ou les pauvres en général ; parce que le rugby est un sport de blancs, de riches, de puissants. Dommage, non ? [On peut comparer chez nous au nord de la France (même Paris/IdF), sauf que chez eux c'est pas la moitié de la population qu'est pas touchée, c'est 90% (je sais pas le chiffre réel).]
Il y a deux problèmes de prestige et de notoriété qui se mêlent à cela. D'abord, le rugby est un des seuls domaines où l'AfSud brille un peu. Ensuite, il y a une énorme surreprésentation de blancs/riches/puissants dans le rugby de haut niveau et chez les springboks en partciculier. Ca veut dire que les jeunes noirs ne s'y identifient pas, s'en désintéressent au mieux, crachent dessus au pire : c'est le sport et le prestige de leurs oppresseurs, de ceux qui sont coupables de la misère et de la souffrance qu'ils vivent depuis la naissance et vivront jusqu'à leur mort. Pour toutes ces raisons, on peut tout-à-fait comprendre que les gouvernants où dirigeants veuillent agir, non ?
Comment faire ? Les quotas ne sont certainement pas une solution bonne en soi, juste, ni agréable, mais il *faut* une forme de discrimination positive (comme on appele ça). Il est très souhaitable qu'à terme il y ait beaucoup plus de noirs (ou plutôt de non-blancs) dans ce sport et dans son haut niveau ; pour le prestige qu'il porte et aussi apporte au pays ; et de façon que la grande majorité du peuple et ses enfants puissent eux aussi s'y identifier, en être fiers... et avoir envie d'y jouer. Si vous avez des idées pour faire ça mieux, plus subtilement ou joyeusement, peut-être que les dirigrants sudaf seront contents d'en entendre parler. (moi j'en ai pas)
[PS : cette opposition élite/peuple est pê aussi un des facteurs pour lesquels le rugby ne s'est jamais, ou n'a jamais réussi, à se diffuser hors de ses terres historiques --en-dehors bien sûr du fait que ni son instance mondiale ni les grosses fédérations n'ont jamais semblé trouver cela souhaitable ! en tout cas n'ont jamais vraiment agi pour cela]
banditmanchot
Oh le boooo copier/coller... Tu pourrais au moins citer tes sources (douteuses).
Tu as passé combien de temps en Afrique du sud pour connaitre aussi bien (...) ce pays et ce peuple? Moi, environ 10 mois sur les 5 dernières années...
lelinzhou
Ben ça ne te profite guère d'avoir passé quelques mois en Afrique du Sud (avec une majuscule à Sud), en tout cas pour la convivialité... Si tu n'es pas d'accord avec le post de @SPIR, alors expose tes arguments pour démontrer qu'il a tort au lieu de juste afficher cette attitude méprisante et quelque peu prétentieuse.
lelinzhou
Vive la discrimination positive ! Pourquoi donc ne pas imposer chez nous dans les clubs ou en EdF des quotas de gens issus des cités, des quotas de Noirs, de Juifs, d'Arabes, de rouquins, de Témoins de Jéhovah, d'handicapés cérébro-moteur, de coiffeurs ou de ratons laveurs, et la liste n'est pas exhaustive ?
spir
Je pense que toi (et ci-dessous) jugez beaucoup trop vite et en ne prenant en compte qu'une toute petit partie du problème, un problème systématique avec de nombreux facteurs qui en plus intéragissent.
L'auteur de l'article, lui, a traison de dire :
"et encore une fois c’est un sujet sensible sur lequel je ne porte pas de jugement car il va bien au-delà du sport"
Comme si ça suffisait pas, d'ici en France nous ne pouvons connaître qu'une partie de ces facteurs, et forcément mal (par ce que nos médias veulent bien nous en dire, et seulement *comme* ils veulent bien le dire).
[Sur la question purement sportive, voir réponse à venir ci-dessus].
quentin2dakar
Sauf que ce n'est pas lié à la fédération. C'est une débilité de Jacob Zuma. La fédé n'a fait que se plier aux lois de son pays.
Rchyères
Ils auraient dû programmer des matches supplémentaires contre le XV de France , leur pourcentage de victoire aurait monté ! Ceci dit tant qu'il y aura le système de quota en place qui tend à sélectionner les joueurs sur des critères raciaux et pas sportifs ils ne s'en sortiront pas contre les meilleures équipes mondiales
spir
[Voir aussi mes 2 commentaires ci-dessus.]
Si la présence de plus de noirs ou pauvres chez les springboks aide même un peu à changer l'image du rugby en AfSud, et donne même un peu plus envie à des enfants ou jeunes opprimés d'y jouer, alors *à long terme* forcément le rugby sudaf s'en portera mieux et y sera gagnant.
Bien sûr, c'est dommage de pas pouvoir aligner la meilleure équipe possible entre-temps... mais ça c'est le court terme. [Et on se plaint assez du court-termisme de la gestion actuelle de l'EdF, non?] D'autre part, il est certain qu'une part de la critique, en AfSud elle-même, contre les choix de sélection, les performances comparées des joueurs, les quotas, est *raciste*.
J'espère au contraire que le nouveau sélectionneur (qui est très intelligent) aura aussi le courage de poursuivre la politique de discrimination positive, pour le bien de ce sport en AfSud à long terme, mais qu'il trouvera le moyen de mieux le faire, et de mieux le faire accepter. Mais comment ?
marco_c
L'un des joueurs les plus emblématiques du rugby sudaf des dernières années, c'est Habana. Si ses exploits ne suffisent pas à intéresser certaines personnes, en quoi un type anonyme dont la présence sera due à des quotas parviendra à allumer la flamme?
spir
Il y a sans doute (forcément) un clivage sur ces sujets-là dans les élites blanches dominantes d'AfSud, plus ou moins prononcé et ouvert et sincère :
-1- Ceux qui aiment ce sport pour lui-même et qui aiment aussi leur pays : ceux-là ne peuvent que souhaiter que le rugby deviennent plus populaire et plus pratiqué dans l'ensemble du peuple.
-2- Les autres (sans description, vous avez pigé).
-3- Ceux qui se foutent de tout ça et du rugby aussi.
spir
Etre "relégués au 6e rang mondial après deux années catastrophiques", quelle horreur !
allélégros
mouais c'est pas à nous que ça arriverais avec notre "meilleur championnat du monde" et notre beau jeu en edf