Mais au fait, pourquoi le rugby sud-africain marche-t-il autant sur la tête ?
Bryan Habana, vieux soldat des Springboks.
L’Afrique du Sud inquiète à l’heure d’affronter le XV de France. Sa place sur le podium au Mondial 2015 semble être l’arbre qui cache une forêt menacée de se transformer en désert.

L’information est passée presque inaperçue en France, mais elle a de quoi étonner. Demi de mêlée titulaire des Boks depuis la dernière Coupe du monde et révélation des Lions en Super Rugby, Faf de Klerk évoluera l’année prochaine… à Sale. Un transfert qui étonne, tant l’équipe de la banlieue de Manchester ne semble pas pouvoir offrir un challenge sportif à la mesure de son talent. À moins que le challenge sportif n’ait rien à voir là-dedans ?

N’y voyez aucun sous-entendu sur les salaires proposés en Europe… mais plutôt sur la qualité de vie qu’offre ce continent. Ces dernières semaines, plusieurs internationaux sont montés au créneau pour évoquer les raisons qui les poussent à fuir leur pays natal : le taux de crime élevé et la politisation du rugby. Le Toulonnais Bryan Habana est de ceux-là, comme il le confie à Sky Sports :

Je crois que beaucoup de personnes ne comprennent pas qu’il se passe des choses uniques en Afrique du Sud. On pense qu’un joueur de rugby va à l’étranger pour gagner de l’argent, pour devenir sélectionnable avec un autre pays, mais il y a tellement d’autres facteurs à prendre en considération.

Dans le Times, Richardt Strauss va plus loin. Né à Pretoria, le talonneur a porté à 17 reprises le maillot de l’Irlande. Il explique avoir voulu “protéger sa famille” : “quand je regarde les nouvelles d’Afrique du Sud, c’est dur de ne pas s’inquiéter. Ma famille a été chanceuse : il y a eu des voitures volées, cambriolées, mais pas de crimes violents. Je ris quand les gens se plaignent de la vie en Irlande, mais de quoi se plaignent-ils ? [...] J’ai peur de retourner en Afrique du Sud, et d’attendre que quelque chose arrive.” L’image des fameux “mercenaires” en prend forcément un coup.

Pas forcément les bienvenues en Europe

Le problème ? Si l’herbe semble définitivement plus verte ailleurs, le flux massif de joueurs sud-africains n’est pas nécessairement vu d’un bon oeil en Europe. On ne compte plus le nombre de débats sur la question des étrangers dans le championnat de France. Et pour un Duane Vermeulen, un Bismarck du Plessis ou un Bryan Habana, combien de seconds couteaux venus tout droit de Currie Cup, sans même avoir goûté au Super Rugby ? Les formations de l’Hexagone usent de cette “main d’oeuvre” avant de - parfois - s’en débarrasser dans l’anonymat le plus total. Qui se souviendra des Kevin Buys, Wilhelm Steenkamp, Cameron Wright ou Arno Van Wyk, non conservés par leurs clubs en vue de la saison prochaine ? Derrière le rugbyman, il y a aussi l’humain.

De l’autre côté de la Manche, en Irlande du Nord pour être plus précis, on ne fait pas preuve d’un plus grand tact. Ainsi, il fallait voir l’émotion de Ruan Pienaar, obligé de quitter l’Ulster après sept années passés à porter le maillot de la province de Belfast.

VIDEO. Pro 12 - La belle émotion de Ruan Pienaar après son dernier match avec l'Ulster

De son propre aveu, le futur demi de mêlée de Montpellier se sent “chez lui” dans une province qui a vu naître ses deux enfants. C’est là-bas qu’il souhaite vivre à la fin de sa carrière. Seulement, “un règlement de la Fédération irlandaise (IRFU) interdit désormais à un joueur non-éligible pour le XV du Trèfle de signer plus d'un contrat sur le sol irlandais.” Alors merci, et au revoir. Ah, le monde pro et ses valeurs…

Règle d’éligibilité et niveau du rugby local en baisse

Dans le même temps, World Rugby tente de freiner le phénomène : la règle 8 permettant à un joueur étranger de porter le maillot d’une sélection après trois ans de résidence va évoluer, avec un passage à cinq années. Mais que vaut une carrière internationale face à la possibilité de mettre sa famille à l’abri ?

World Rugby dévoile un changement historique pour l'éligibilité des étrangers en équipe nationale

Dans le même temps, le niveau du rugby local est logiquement en baisse, en témoigne le niveau des cinq franchises sud-africaines en Super Rugby. Si les Lions font honneur à leur statut, les Stormers comptent 26 points… soit moins que les Blues, pourtant classés derniers de la conférence néo-zélandaise ! Pire : la réforme du championnat majeur de l’hémisphère sud menace de faire disparaître les Cheetahs de Bloemfontein. Dans le même temps, les Southern Kings luttent pour être au niveau… mais font tout de même mieux que l’ancien géant des Bulls, battus cinq fois en huit rencontres. Des Bulls qui vont d’ailleurs perdre Jan Serfontein, futur joueur de Montpellier. Une fuite des talents qui concerne également les entraîneurs : Johan Ackermann, l’homme derrière la résurrection des Lions, sera à Gloucester l’an prochain.

Les Springboks à la traîne

Avait-on déjà vu une équipe sud-africaine aussi faible que celle ayant porté le maillot des Boks en 2016 ? Troisièmes du Mondial 2015 malgré une défaite d’entrée face au Japon, les hommes du capitaine Strauss ont peiné dans le Rugby Championship, perdu à domicile face à l’Irlande, mais aussi en Italie… Et à regarder de plus près les feuilles de match, on serait à peine surpris. Les problèmes de réservoir - chez les Boks comme au sein du XV de France - seraient-ils liés ? Ça tombe bien : les deux nations se rencontrent cet été !

Et si on ne sait pas vraiment à quoi va ressembler l’équipe d’Allister Coetzee (déjà privé d’Handre Pollard sur blessure), on est tentés de faire la liste des joueurs natifs de la nation arc-en-ciel représentant actuellement une autre équipe nationale : CJ Stander, Richardt Strauss, WP Nel, Scott Spedding ou Bernard Le Roux pour les plus connus… Autant de joueurs attirés par l’Europe ou poussés à fuir le climat local, qu’on imagine facilement percer chez les Boks s’ils étaient restés au pays.

Rugby à 7, quota et Coupe du monde 2023

Médaillés de bronze aux Jeux Olympiques, les septistes ne semblent pas concernés par la crise. Premiers des World Series en 2017 et logique favoris du Paris 7s disputé ce week-end, les Blitzboks ne sont pas non plus touchés par les problèmes… de quota, éternel serpent de mer du rugby sud-africain et symbole de la politisation évoquée par Bryan Habana. Pour rappel, la SARU souhaite voir évoluer 50% de joueurs de couleur d’ici le prochain mondial, en 2019, qui s’annonce coriace avec la Nouvelle-Zélande dans la même poule.

Coupe du monde Japon 2019 - La compositions des poulesQuid du Mondial… 2023 ? Il y a un an, le manque de joueurs de couleur dans l’équipe nationale avait poussé le gouvernement à mettre entre parenthèses l’organisation de l’événement. Depuis, des progrès ont été constatés, et “le droit de candidater pour l’organisation d’événements sportifs majeurs est immédiatement réinstauré”, déclare le ministre des sports. Un concurrent de plus, donc, pour la France et l’Irlande. Mais dans six ans, quelle sera la place du rugby sud-africain sur l’échiquier mondial ?

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  • etche
    12705 points
  • il y a 7 ans

Il y a de nombreux problèmes en Afrique du Sud, et le rugby en est victime et n'est pas une priorité...juste une vitrine mediatique
Violence, viols, emploi, racisme ....
Et politiquement des quotas sont imposés à tous les niveaux. Je bosse sur des chantiers avec des boîtes locales et les quotas sont un élément majeurs (% de noirs diplômés, non diplômés, % de femmes idem, % de minorités locales....)
Ça peut paraître aberrant vu d'europe mais après en avoir discuté, on m'a dit que sans ca, il y aurait encore moins de perspective car le pouvoir et surtout les richesses sont concentrés dans les mains blanches.
Comme on m'a dit, " il y a 20 ans, ils nous tenaient par les chaînes, aujourd'hui ils nous tiennent par l'argent..."
Bref je crois que c'est un problème sociétal profond. Les blancs sont enviés et se sentent en insécurité. Une faible proportion de noirs s'en sortent..
Et également n'oublions pas le poids du passé. C'est très récent! Difficile de pardonner à ses bourreaux du jour au lendemain quand un vit dans un township et l'autre en résidence ultra sécurisée. Le fossé est immense malheureusement et difficile à boucher.
Voilà mon point de vue plus sociétal que rugbystique ...

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