MONDIAL 2019 : à un mois de la Gold Cup, le développement du rugby marocain va-t-il être freiné ?
Le Maroc peut toujours croire au Mondial 2019.
Le Maroc est toujours en lice pour disputer le Mondial 2019. Mais une situation floue en interne pourrait freiner son ambition.

Le Maroc disputera-t-il la prochaine Coupe du monde de rugby au Japon ? Depuis deux ans, les progrès de l'équipe nationale sont tels que la sélection peut encore croire en ses chances : cet été, le vainqueur de la Gold Cup (Maroc, Zimbabwe, Kenya, Namibie, Ouganda, Tunisie) compostera son billet pour le pays du Soleil-Levant. Seulement, le flou entoure l'avenir à court terme de l'équipe marocaine. Ancien joueur de Mantes (Fédérale 3) et du PUC (Fédérale 1-2), Mohamed El Maatouk est DTN au sein de la Fédération. Ancien international (1 sélection), son expérience de coach (au PUC, au MLSGP, puis au Stade Français Paris) lui a permis d'intégrer une première fois le staff marocain (chez les U19) il y a dix ans, avant de prendre en main la destinée des seniors en 2016. Il raconte

Comment sont nés les contacts avec la Fédération marocaine ? Ce début d'aventure, il ressemblait à quoi ?

Ma première approche avec la Fédération Royale Marocaine de Rugby s'est faite via mon cousin (Zakaria Hamham, ndlr) que j'entraînais au PUC. Il a été repéré par Karl Janik (ancien 3ème-ligne du Stade Toulousain et du XV de France, ndlr), qui donnait un coup de main à la FRMR à ce moment-là. Et comme j'étais sur le terrain tous les week-ends, il m'a chargé de repérer les potentiels Marocains, puis d'entraîner les U19. Dix ans plus tard, le manager des séniors du Maroc est venu me voir lors du Centrale 7s, en me disant qu'il avait entendu parler de moi en bien.

Dans un premier temps, je l'ai aidé à reconstruire un groupe jeune, à échanger sur son projet sans prétendre à quoi que ce soit. Puis j'ai été mêlé à la bagarre. Et me voilà à la tête de l'équipe nationale, une vraie fierté pour mes proches.


Le bilan est plutôt excellent avec deux victoires dans le Tri-Nations du Maghreb, une montée en Gold Cup et une équipe nationale toujours en course pour aller au Japon ! 

Au début, pas grand monde ne croyait en moi, il y avait beaucoup de critiques. Mais j'avais le soutien de gens qui jouaient et jouent, ou entraînent encore dans les clubs professionnels, avec qui j'ai travaillé, et avec qui je travaille encore : ceux qui me connaissent vraiment et qui connaissent le rugby. On a reconstruit avec un noyau de jeunes pour viser à plus long terme.

RÉSUMÉ VIDÉO. Le Maroc remporte la Silver Cup et peut toujours croire à la Coupe du monde 2019On s'est passés de bons joueurs qui ont beaucoup apporté au rugby marocain, mais comme le projet était nouveau, on ne voulait pas revivre les mêmes histoires, mélanger la politique au sportif avec une jeune génération qui n'a rien à voir avec ça... Qui a tort, qui a raison ? J'ai peut-être causé du tort et je m'en excuse, mais ce qui importait, c'était l'équipe.

Ce dont le grand public n’a pas forcément conscience, c’est la difficulté qu’ont les nations du Tier 3 à sélectionner et faire venir des joueurs non professionnels pour jouer en sélections, effectuer des stages... 

Effectivement. Le projet était monté, il nous restait deux points à déterminer : avec qui, et quand ! Pour regrouper les gars, c'est très compliqué, entre les clubs pro - ou pas - qui payent les gars et qui ne veulent pas qu'ils se blessent, les joueurs qui travaillent dans des entreprises qui ont déjà du mal avec les clubs, qui les voient partir une semaine, voire plus... Sans oublier la vie de famille, et surtout pour un franc six sous. Ça devient compliqué la vie d'un sportif amateur. Pour certains joueurs, tous leurs congés passent sur les sélections nationales. Plus de vie de famille, plus de vacances avec la copine ou la femme, les enfnts. Heureusement, que l'ambiance est bonne et qu'ils sont attachés à leur pays, sinon tu ne récupères personne. 

Tri-Nations du Maghreb - Hocine Arabat (Maroc) : ''L'appétit vient en mangeant''


En tant que DTN, explique nous également le rôle auprès que tu occupes de manière plus globale, au-delà de l’équipe seniors.

Dans un premier temps, mon rôle de DTN était de construire une politique sportive : pour ça, il fallait que j'écoute, que je refasse le lien entre les clubs et la Fédération qui n'avait et n'a toujours pas de bonne image. Remettre en place la formation et essayer de monter une équipe de personnes compétentes, les bonnes personnes au bon endroit. Recréer le lien avec le scolaire et l'universitaire. Mais pour ça, il faut qu'on te fasse confiance, il te faut les moyens logistiques et financiers pour regrouper tous ces techniciens de bonne volonté, qui ne demandent que ça. Après un an à faire le tour des terrains et des clubs du Maroc - où j'ai rencontré des vrais passionnés pour la majorité - je peux vous dire que le rugby au Maroc ne mourra jamais. "La chouka", comme ils aiment dire ici, quand tu es piqué par ce sport, c'est trop tard... Tous les clubs bossent avec leurs moyens personnels (transport, ballon, maillot, repas...). Il n'y a pas de subventions de la Fédération, qui a déjà beaucoup à faire avec les arbitres, les membres fédéraux et les différentes équipes nationales.

Tri-Nations du Maghreb - Mourad Akkaoui : "le groupe s'était promis de porter très haut les couleurs du Maroc" Depuis pas mal d'années, en conflit avec Rugby Afrique, la formation était ralentie. Malgré cela, des amoureux de ce sport jouent toute l'année, avec un vrai championnat à 7 et à XV, juniors, mais aussi seniors. Chacun y va de sa stratégie et de son propre apprentissage via internet, ou  via un entraîneur avec qui ils ont échangé. Pour les féminines, elles jouent seulement le championnat à 7. Pour les plus jeunes, ça reste plus compliqué, mais on leur organise des tournois pendant les vacances, sous forme de mini-championnats.

Tu as dernièrement rencontré quelques difficultés dans ton rôle de DTN. 

Oui, mon plus gros souci, ce sont les moyens mis en place. Il n'y a pas d'argent pour regrouper les personnes des différents clubs : je me déplace avec mes propres sous, avec un retard de salaire de plus de six mois aujourd'hui. La politique de la Fédération prime sur le haut niveau et l'équipe nationale, et tout le climat de confiance que tu crées au fur et à mesure s'estompe avec le temps. Le ministère a fait des audits, a gelé des subventions. De plus, la subvention de Rugby Afrique de l'an dernier n'est toujours pas tombée. Je me suis donc occupé d'aider les clubs volontaires à se structurer, et de contribuer aux sélections jeunes afin de partager mon savoir-faire, car la Fédération n'a pas les moyens nécessaires pour rémunérer des entraîneurs.


Ta mission va prendre fin, et la sitution est préoccupante, à un mois de la Gold Cup qualificative pour la Coupe du Monde 2019. L’équipe nationale du Maroc ne se prépare pas de la meilleure des manières. Quelle est la situation réelle ? 

À un mois du Golden Cup, la sélection marocaine n'est pas dans les meilleures conditions : changement d'entraîneur, un stage à Marcoussis a été annulé (faute de joueurs disponibles)... par un manque d'anticipation, on va dire. Comme je l'ai dit, c'est dur de regrouper les joueurs pros, semi-pros, amateurs, étudiants. Mais déjà, le Maroc est à sa place au plus haut niveau Africain. Pour se qualifier à une Coupe du monde, il faut des sponsors, un vrai soutien financier et politique.

Quel message veux-tu envoyer aux joueurs ? 

Le message que je veux faire passer aux gars, c'est que le rugby marocain n'appartient à personne et à tout le monde en même temps. Nous ne sommes que de passage. Le Marocain est connu pour son endurance et son mental. Ce n'est pas le départ qui compte, mais l'arrivée. Depuis le Tri-Nations en décembre 2017, faute de moyens, il a été impossible de se retrouver pour un stage. Un problème que connaissent beaucoup de sélections africaines. Une qualification à la Coupe du monde, ça se prépare, mais bon, l'avenir nous le dira. Malheureusement, je ne ferai pas partie de l'aventure. La FRMR a confié la tâche à d'autres personnes, bonne chance à eux. Dès que le groupe se sera retrouvé, et que les conditions seront respectées, ils seront capables du pire comme du meilleur.

Échos d’Afrique : à la rencontre des Lions de l’Atlas marocains

Selon toi, qu’est-ce qui freine au développement du Rugby africain dans son ensemble ? 

L'Afrique roule à deux vitesses : il y a les pays anglophones au sud, et les pays francophones au nord. Le Sud s'appuie beaucoup sur l'Afrique du Sud pour la formation. On voit les pays comme le Kenya, le Zimbabwe et même l'Ouganda sortir du lot. Le niveau de l'arbitrage est différent et un ton au-dessus, mais au Nord, avec l'appui de vraies compétences comme Salem Attalah, la partie francophone pourrait se voir un jour faire partie des meilleurs.

L'un des problèmes, c'est aussi un gros manque de matériel (ballons, chasubles, plots...). Pourtant, je crois que des budgets sont alloués à cet effet. L'Afrique avance à son échelle, avec des passionnés à tous les niveaux mais la politique africaine, et le haut du gratin, se cache derrière des causes nobles et saines à des fins personnels.

Pour la partie Nord, je pense qu'il faudrait une deuxième nation de rang mondial, pourquoi pas le Maroc ? En attendant, pourquoi ne pas s'appuyer sur la France, vu que l'Afrique du Nord l'a beaucoup aidé pour France 2023 ? (...) Pourquoi France 2023 plutôt que South Africa 2023 ? Pour faire simple, je pense que ce qui freine le développement du rugby africain, c'est sa politique.

En tout cas, ça a été une très belle aventure humaine, et je pense que maintenant, ma retraite est proche ! Place aux beaux parleurs qui parlent et n'ont jamais rien fait. J'ai écrit une page de l'histoire du rugby marocain, et ça, j'en suis fier.

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  • breiz93
    103172 points
  • il y a 6 ans

Pas mal de rancoeur dans l'article..., il y a peut être de quoi en pensant que les subventions votées ne sont toujours pas affectées.
Malheureusement copinage et braquages.ne sont pas l'exclusivité de l'Afrique.

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