Qui parmi nous ne s’est jamais exclamé avec un plaisir coupable devant une roulade de Neymar que ce n’est pas sur un terrain de rugby que l’on verrait ça ? Qui n’a jamais soupiré devant la superficialité des expériences capillaires de Paul Pogba tout en s’extasiant devant le style de Joe Marler, « tellement authentique » ? Qui n’a jamais expliqué à ses amis néophytes que le monde du rugby est plus plaisant que celui du foot car il a des valeurs © qui lui sont propres ? Qui enfin n’a jamais déclaré avec une pointe d’arrogance que « le football est un sport de gentleman joué par des voyous, le rugby est un sport de voyou joué par des gentlemen » ?
Bref, le rugby est un sport de bonhomme, et le foot, c’est nul. Mais passé cette première conclusion aussi primaire que le discours d’avant-match de ton capitaine, reconnaissons qu’on a tous une certaine affection pour le football, une sorte de respect des anciens (rappelons-le une fois de plus, le rugby est né du foot), et avouons-le : on a plus vibré devant la demi-volée de Pavard que pour l’ensemble des actions tricolores de ces dernières années...
Et c’est tant mieux car, en s’intéressant aux histoires récentes des équipes de France de foot et de rugby, cocorico, bonne nouvelle, haut les cœurs, nous marchons dans leurs pas. La victoire en 2023 est donc inéluctable. Analyse.
Phase 1 : le presque toit du monde ou le début de la fin
« Pas ça, Zinédine, pas aujourd’hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu as fait », ces mots de Thierry Giraldi résonnent encore dans nos mémoires, symboles de ce soir de juillet 2006 où la France échoue en finale de la Coupe du monde, aux tirs au buts. La fin cruelle d’une équipe brillante, dernière apparition en bleu des légendes Zidane et Barthez, bientôt suivies par les Trézeguet, Thuram et autres Vieira. L’équipe de France mettra près de dix ans à s’en relever.
Ça ne vous rappelle rien ?
Plus de huit ans après ce 23 octobre 2011, rares sont les amateurs de rugby qui se sont complètement remis de cette défaite en finale de la Coupe du monde contre une des meilleures équipes de l’histoire. Un essai et un coup de pied de part et d’autre, mais une différence d’un point (8-7) qui nous prive d’une première étoile. Après un Mondial plus contrasté que celui des Bleus de 2006, le XV de France vit le même sort que son homologue avec cinq ans de retard : une défaite cruelle en finale, le crépuscule en bleu de grands noms du sport (Servat, Traille, le Parra qui jouait 10 ...), et surtout les 10 années de vide qui suivirent.
Phase 2 : 4 ans plus tard, le chaos
Il est des expressions qui suffisent à réveiller des traumatismes chez ceux qui les entendent. Pour les rugbeux français ce sera « Craig Joubert », « Finale de Coupe du monde » ou « Rémi-Talès-titulaire- en-équipe-de-France ». Pour les footeux ce sera « Knysna », « descente du bus » et « Evra capitaine ». La période post-coupe du monde sera plus que compliquée pour nos Bleus pourtant guidés par quelques vestiges de 2006 comme Thierry Henry et Frank Ribéry. Un Euro 2008 raté annoncera un Mondial 2010 désastreux, où la France ne sortira pas des poules et verra son aventure obscurcie par les problèmes extra-sportifs que nous connaissons bien.
Et là encore, avec un délai de 5 ans, nos rugbymen agissent à l’imitation. Lui aussi poussé par les cadres de 2011 comme le capitaine Thierry Dusautoir (un autre Thierry tiens donc… Coïncidence ? Je ne pense pas. Mais je m’égare). Le parcours des Bleus dans le tournoi des 6 nations est mauvais puisqu’ils n’obtiendront pas mieux que la troisième place, terminant même derniers en 2013. Contrairement à son homologue du ballon rond, le XV de France sortira des poules en 2015, mais subira une claque historique en quart : 62-13, écart record pour un quart de finale, qui réduira les supporters français à se réjouir de voir du si beau jeu côté néo-zélandais. Là encore, l’ambiance hors du terrain entre le staff et les joueurs n’était, parait-il, pas des plus joviales.
Phase 3 : Un nouvel espoir
L'équipe de France de football est au plus bas, la qualification pour la Coupe du monde 2014 est plus inespérée qu’une victoire italienne dans le tournoi des 6 nations, mais un match va changer la donne. Un nouvel espoir va surgir en novembre 2013. Après avoir perdu le barrage aller (qualificatif pour le Mondial) 2 à 0 contre l’Ukraine, Didier Deschamps effectue un gros turnover, titularisant notamment Raphaël Varane et Mamadou Sakho en défense. Bien lui en a pris car ce dernier marquera un doublé qui enverra la France à Rio. Plus qu’une qualification, c’est un véritable renouveau qui s’opère.
Renouveau qui sera largement confirmé à la Coupe du monde. Portée par la nouvelle génération des Griezmann, Pogba et Varane, la France effectue une compétition superbe, et échoue en quart de finale face à l’Allemagne, future championne du monde, à cause d’un fait de jeu : une erreur de marquage sur un coup de pied arrêté amènera le seul but de la rencontre, côté germanique. Mais au-delà de résultats enthousiasmants, cette Coupe du monde est une promesse : celle d’une équipe qui commence à se relever, celle d’une génération de joueurs prêts à redorer le blason national, et qui, pour la première fois depuis bien longtemps, plaît au public. En bref, c’est une défaite encourageante ©.
Et en défaites encourageantes ©, le XV de France s’y connaît. Mais s’il y a une défaite qui paraît plus encourageante © que toutes celles (nombreuses) de ces dernières années, c’est bien ce quart de finale de la coupe du monde 2019. Encore une fois, et toujours avec cinq ans de retard, le XV de France imite son alter ego footballistique et échoue en quarts face à une grosse équipe, le Pays de Galles, après une phase de poule maitrisée. D’aucuns diront que l’annulation du match contre l’Angleterre nous a bien aidés à maîtriser, mais n’écoutons pas les rageux. La défaite est particulièrement encourageante car, là-aussi, on peut la réduire à un fait de match : un coup de coude qui a sans doute fait plus mal à chaque supporter français qu’à Aaron Wainwiright (« Pas ça, Vahaa, pas aujourd’hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu as fait »).
Au-delà de ça, la promesse évoquée plus haut pour les footballeurs s’applique parfaitement au rugby français : pour la première fois depuis bien longtemps le public est emballé par cette équipe, et une nouvelle génération prometteuse semble plus que jamais prête à s’imposer dans la cour des grands.
Phase 4 : et maintenant ?
Pour les footballeurs, la suite vous la connaissez tous. La montée en puissance de l’équipe qui confirment les espoirs placés en eux à Rio en 2014, aboutira à une finale de l'Euro, et au sacre mondial en 2018. En suivant le raisonnement mené depuis le début de cet article, le XV de France devrait donc logiquement vivre la même histoire jusqu’à la victoire finale en 2023.
Alors osons rêver ! Enflammons-nous comme à chaque fois que les Bleus gagnent deux matchs d’affilée ! Oui, osons croire que les Ntamack, Dupont, Penaud et Alldritt seront nos Griezmann, Varane, Pogba et Giroud, qu’un Mbappé du rugby va surgir de nulle part, que cette fois-ci ce ne sont pas des espoirs vains, mais qu’une nouvelle génération de rugbymen français saura exploiter tout son potentiel, former une Équipe avec un grand É, et s’assoir sur le toit du monde ! Les footeux ont montré le chemin, alors maintenant messieurs, faites-nous rêver !
Un riz savant scie
@Vae Victis Brennos
@thibaut.puig
Franchement, je ne me souviens pas avoir vu le même match que vous en 2014. On rivalise au sens où l'on n'est jamais loin et qu'on ne prend pas le bouillon mais sans être non plus proches de gagner au-delà de l'imprévu toujours possible dans ce genre de sport sur exploit personnel ou erreur grossière.
J'ai le souvenir qu'on était démunis et stériles. Il y a eu une grande occasion franche avec une course de Matuidi sur l'aile gauche qui bute contre Neuer de mémoire mais c'est à peu près tout.
Face au PDG on est clairement en position de gagner si l'on s'en tient à plus de maîtrise et de rigueur défensivement ce qui n'a pas été le cas. C'est l'équivalent d'un 3-0 au foot qu'on se ferait remonter pour perdre 3-4. On ne peut pas comparer cela à un match cadenassé qui accouche d'un 1-0 (au rugby l'équivalent d'un 13-6 contre l'Irlande où ils n'ont jamais vraiment été inquiétés mais où l'on se gargarise de rester à portée d'un essai transformé).
En demi face au Brésil on ne sait pas ce qu'on aurait fait mais vu le niveau qu'ils ont affiché en défense et le niveau de notre attaque je ne pense pas qu'on aurait été ridicules.
thibaut.puig
Ah non mais je suis tout à fait d'accord avec toi, mon commentaire était plus dans le sens que l'Allemagne avait frappé fort dès le début de la compétition contrairement aux gallois qui ont été pris au dépourvu sur le 1/4 et ont profité, entre autre, de nos errements et ont été bien pâle face à l'Afrique du Sud.
En ce qui concerne l'EdF de football on était sur une toute nouvelle génération et pas vraiment d'attente de la part du public, on visait le plus loin possible mais sans vraiment de pression.
Un riz savant scie
Pas grand-chose à voir entre le quart 2014 et le quart 2019.
Tu parles de fait de jeu en 2014. Dans ce cas tous les buts sont issus de faits de jeu puisque cela part forcément d’une erreur de la défense
J’ai le souvenir d’un match où l’on rate quelques occasions mais surtout où l’on se fait maîtriser. 1-0 à l’arrivée certes mais l’impression qu’on ne serait pas arrivé à mieux.
En 2019, on domine et on s’auto-détruit en décidant de jouer à 14. La défaite en commun mais ça s´arrête là.
Vae Victis Brennos
Dans les deux cas on rivalise face à une équipe contre laquelle on ne faisait pas grand chose depuis des années.
Par ailleurs rien ne dit que nous aurions gagner sans l’expulsion de Vaha
Donc il y a bien un parallèle, avec des différences évidement, mais la parallèle est bien la
thibaut.puig
On rivalise face à une équipe d'Allemagne qui est championne du monde cette année là et qui collera la bagatelle de sept buts au Brésil, le PdG est loin d'avoir fait l'unanimité après leurs matchs de poules.
The Rogers
Pendant la finale du foot, j'ai bu des bières dans un bar avec les copains.
Est-ce qu'en 2023 ce sera la même ? Sûrement. Coïncidence ?
duodumat
@Clément Bertrand
Vous aurez compris que Wikipedia est la référence absolue d'un grand nombre de personnes. En lisant j'envisageais les commentaires. Je n'avais pas tort.
Bravo pour votre article parce qu'il est bien écrit, parce qu'il fallait oser l'écrire ici, parce qu'il est insolent, et aussi parce qu'il aborde l'universalité du sport. Mais, entre amis, dès que l'on aborde la religion ...
Kad Deb
Si c'est pour moi que tu parles de Wikipedia comme référence absolue, c'est inexact. Je l'ai cité dans mon message parce que c'est la référence la plus facile à trouver par tous et qu'en plus, l'article sur le rugby est assez complet et bien écrit. Mais comme toute encyclopédie, Wikipedia synthétise des travaux de référence. Si tu tiens absolument à avoir ces autres références sur l'histoire du rugby et du foot, en voici quelques-unes :
- Bodis Jean-Pierre, "Rugby, politique et société dans le monde des origines à nos jours (1972)", thèse, université de Toulouse-II, 1986.
- Lacouture Jean, "Rugby : du combat celte au jeu occitan", dans la revue L'Histoire, n°8, 1979.
- Wahl Alfred, Les Archives du football […], Paris, Archives Gallimard, 1989 ; La Balle au pied. Histoire du football, Paris, Gallimard,
coll. « Découvertes », 1990.
- Le site de la fédé anglaise : la RFU, première fédé historique. Bon ! c'est en anglais...
Kad Deb
Oups, comment ai-je pu oublier ?
- Garcia Henri, La Fabuleuse Histoire du rugby, Paris, ODIL, 1973.
Kad Deb
"(rappelons-le une fois de plus, le rugby est né du foot)"
J'en rajoute une couche après @Ahma : rappelons-le une fois de plus, le rugby-football ou rugby union à XV n'est pas issu du football association à 11. Puissions-nous mettre un terme définitif à cette idée fausse. Il suffit pour cela de consulter Wikipedia et des ouvrages sérieux sur l'histoire de ces sports.
Les deux sports se sont développés parallèlement depuis le début du XIXe siècle après avoir été codifiés en Angleterre. Ils dérivent tous les deux du folk football, jeu de ballon populaire équivalent à la soule en France, qui possédait autant de variantes que de lieux de pratique.
Le rugby a été codifié pour la première fois en 1846 , dans le Collège (équivalent d'un lycée) de la ville de Rugby où il était pratiqué depuis les années 1820 (le mythe du geste de William Webb Ellis en 1823, lui aussi largement inventé), puis officiellement, au niveau national, en 1863.
Le football association à 11 a été codifié en 1848, à Cambridge, puis la Football Association créée en 1863 (ce qui prouve bien que le foot à 11 n'est pas à l'origine du rugby, ils étaient séparés dès le début). Le foot s'est même développé en réaction au rugby, jugé trop violent en raison des contacts.
Voilà, j'espère que c'est compris une bonne fois pour toute ! Interro la semaine prochaine, z'avez intérêt à bien réviser ! Pouvez sortir et fumer...
BoBoB
Et pour l'homme et le singe?
Kad Deb
Vois ça avec Ahma. C'est lui qui en a parlé.
gilbertgilles
Un peu tiré par les cheveux comme article,mais bon….il faut faire de la copie,alors...Avant de tirer des plans sur la comète 2023,essayons de figurer honorablement dans le Tournoi 2020,car être premier la deuxième journée n'augure en rien la place que nous occuperons au soir de la cinquième!Même si le jeu entrevu(par instants)porté par cette jeunesse talentueuse nous autorise l'espoir,les manques entrevus,eux aussi par instants sont là pour nous rappeler qu'il y a encore pas mal de boulot à faire,le reste n'est que littérature.Souhaitons à nos Bleus le meilleur,dès cette année!2023,c'est si près et si loin en même temps….
artillon
Plus qu'une analogie avec le foot, ce qui m'exaspère c'est d'entendre parler de 2023 à peu près tous les 3 jours.
Gagnons d'abord le Tournoi, la plus ancienne (et la plus belle, à mon sens) compétition de rugby au monde.
Remettons notre rugby en ordre, revenons aux valeurs du jeu, ce sera un bon début. Le reste pour le moment c'est de la poudre de perlimpinpin.
Ahma
Il est vraiment étonnant qu'il faille le rappeler une fois de plus : non, le rugby n'est pas "né du foot".
Ou alors il faudra admettre que l'être humain descend du chimpanzé.
Kad Deb
Traiter les footeux de chimpanzés n'est quand même pas très sympa... Même si certains supporters poussent parfois des cris de singes dans les tribunes ! 😉
Ahma
Je craignais que l'analogie soit prise dans ce sens... je suppose que ce n'est pas ton cas, mais je précise quand même pour plus de clarté que la comparaison visait à illustrer la logique du raisonnement et non assimiler les manchots à des singes, ce qui serait manifestement absurde zoologiquement parlant.
Kad Deb
Je te rassure : j'avais compris. C'est juste une petite taquinerie...
pascalbulroland
Perso , je préfère descendre du bonobo que du chimpanzé...sinon , descendre de l'arbre me parait mieux...
lelinzhou
Si l'Homme descend du singe j'en connais qui en dégringolent.
MARCFANXV
Parfois l'homme descend du singe par inadvertance quand la balle destinée à l'éléphant rate sa cible...
lelinzhou
Dommage que parfois le singe ne puisse pas, lui, descendre de l'homme, il y aurait pitêt un peu moins de trafic et de contrebandiers.
Maraud en Toge
Le parallèle est troublant c’est vrai. Mais toutes les équipes suivent des cycles, une progression, ascension, l’apogée et la maturité puis le déclin.
Le foot a été à son apogée avec ce titre en 2018, le rugby est en phase de reconstruction. Espérons atteindre l’apogée en 2023 maintenant !
Vae Victis Brennos
Sans aller jusqu'à une victoire finale, le parallèle assez troublant, je suis assez le raisonnement.