D’après une étude de la fondation Hans-Böckler de Düsseldorf, la France est championne d’Europe de la grève. Quand elle touche l’Allemagne, c’est donc que l’heure est grave. La sphère sportive n’est pas à l’abri. Outre l’épisode controversé des Bleus du foot à Knysna en 2010, les joueurs du Stade Français Paris n’avaient pas hésité à faire grève en mars 2017 contre le projet de fusion avec le Racing 92. Celui-ci a alors été avorté et le club francilien a été racheté par le milliardaire allemand Hans-Peter Wild, mécène du rugby outre-rhin et fondateur d’une académie prometteuse. Ce rachat a ouvert de nombreuses perspectives, notamment celle d’un partenariat entre le club de Heidelberg et le Stade Français. Ce mariage alléchant et « gagnant-gagnant », pour reprendre les mots de Robert Mohr, nouveau directeur sportif du club stadiste et bras droit de Docteur Wild, a également pour but de développer le XV d’Allemagne, dont la grosse majorité des joueurs font partie de la fameuse Wild Rugby Academy (WRA).
Mais le mercredi 22 novembre dernier, un séisme a frappé le monde de l’ovalie allemande…qui a basculé lui aussi dans la grève. Après un premier test-match gagné 45-12 contre le Brésil et une belle 22ème place au classement World-Rugby, les Allemands se sont inclinés lourdement (17-46) face aux Etats-Unis, 17ème nation mondiale. Et à l’aune d’un dernier match face au Chili, équipe pourtant abordable pour les Allemands (24ème), le capitaine Sean Armstrong et le 2ème ligne Michael Poppmeier, tous deux membres de la WRA, ont sévèrement critiqué la Fédération Allemande de rugby (DRV) et son président Klaus Blank en conférence de presse. « Nous sommes très déçus de notre fédération qui s’est séparé de notre sponsor. Nous nous sentons délaissés et craignons que notre sport aille dans la mauvaise direction », a annoncé S. Armstrong.
Un conflit ouvert
S’en est suivi un communiqué de presse indiquant une grève de la part des joueurs de la WRA, soutenus par leur patron Docteur Wild. Ce dernier a déclaré dans ce communiqué : « je suis très satisfait des performances des joueurs de l’académie, ainsi que du travail des entraîneurs et du staff. Mais ces derniers ne sont désormais plus à disposition de la fédération allemande de rugby ». L’absence de la majeure partie de l’effectif (22 joueurs), de l’entraîneur Kobus Potgieter et de cinq autres membres du staff a mis la DRV dans l’embarras. Obligée de convoquer de nouveaux joueurs sans expérience internationale, la fédération allemande a fait appel à Vuyo Zangqa et Clemens von Grumbkow, entraîneurs de l’équipe à 7, pour coacher un XV d’Allemagne complètement décimé. Celui-ci s’est incliné vaillamment 10-32 contre le Chili, dans un contexte plus que tendu.
Crédits : Kessler Fotographie
Les raisons de cette grève reposent sur un conflit d’intérêt et d’influence entre la DRV et le mécène H.-P. Wild. Ce dernier, qui a investi plus de 10 millions dans le rugby allemand dans les dix dernières années, était jusqu’à cet été le premier sponsor de la DRV, via son entreprise et sa marque Capri-Sun. En négociation depuis quelques mois pour la prolongation de ce partenariat, les deux acteurs semblaient avoir du mal à se mettre d’accord. La WRA accusait notamment la fédération de privilégier le rugby à 7, discipline olympique et fortement subventionnée par l’Etat, ce qu’a réfuté Klaus Blank. La WRA voulait donc un droit de regard et plus d’influence dans le financement de l’ovalie outre-rhin. Ne voyant aucun changement dans ce sens de la part de la DRV, l’académie d’Heidelberg a décidé de retirer ses joueurs et son staff pour montrer son mécontentement, expliquait Robert Mohr à Meinsportradio.de mercredi 22 novembre dernier.
La Coupe du Monde s’éloigne
Si ce test-match perdu largement n’a pour conséquence, à court terme, qu’une perte de deux places au classement mondial, l’épisode houleux devrait laisser des traces. Toujours en course pour se qualifier à la Coupe du Monde 2019 au Japon, le XV d’Allemagne ne peut se permettre de se passer de ses cadres pour atteindre cet objectif. D’autant plus que les joueurs de la WRA, qui évoluent au Heidelberger Ruderklub (HRK), participent à la progression de l’ovale en Allemagne. Engagés en Continental Shield, compétition d’accession à la Challenge Cup, le HRK se bat pour intégrer la coupe d’Europe, une première pour un club allemand. Et après une troisième victoire samedi 16 décembre face aux Portugais du CUD Lisbonne, 38 à 5, les joueurs d’Heidelberg disputeront une demi-finale face aux Italiens de Calvisano. Une performance déjà historique qui concrétise les progrès réalisés par la formation de Kobus Potgieter.
Deux solutions s’offrent alors à la fédération allemande. La première serait d’accepter les conditions posées par la WRA et privilégier le rugby à XV dans l’optique de la qualification pour le Mondial au Japon. La deuxième serait de choisir le statu-quo, avec pour seul objectif viable de qualifier l’équipe à 7 pour les Jeux Olympiques de 2020. Le rapport de force a placé la DRV dans une position délicate et les prochaines semaines seront riches en enseignements, avant les rencontres décisives face à la Roumanie (le 10 février 2018) et la réception de la Géorgie une semaine plus tard. Plus la décision est tardive, plus les chances de qualification s’amenuisent. A vous de jouer, M. Blank !
Amis à Laporte
Ach, c'est rassurant de voir qu'outre-Rhin le rugby est aussi dans la mélasse... C'est rassurant, non ? Hein ? C'est rassurant ?
spir
Le truc, c'est que cet exemple de libéralisme amène à privatiser la fédération, dans les faits.
garcon63
Impressionnant ce pays.
A la lecture de l'article on a l'impression qu'il existe un président de club (blindé) qui pense et veut œuvrer pour le bien de son équipe nationale !
Non mais allo quoi !!
Jak3192
Et bé quoi,
chez nous c'est pas pareil ?
Des gars blindés de tunes qui sont devenus président de club
ils n’œuvrent pas pour le Rugby National ?