Au Sporting Club Albigeois, club centenaire, crée en 1907, c’est la fin d’un monde. Celui du Top 14, celui de la ProD2 et celui du rugby pro, pour laisser place, dès la saison prochaine, à la Fédérale 1 élite. Un championnat semi-pro, purgatoire suprême d’un bastion de l’ovalie occitane ! Mais c’est surtout la fin de leur monde, pour les acteurs historiques de ce club qui voient défaillir dans cette dernière décennie, un système et un fonctionnement désuet ayant entrainé les Jaune et Noir dans un long délitement. Délitement qui les a vu descendre il y a 6 ans en Pro D2, pour finalement se clore sur un immense gâchis : la relégation en Fédérale 1.
A Albi, préfecture du Tarn, il existe quelques figures de proues et emblèmes indéfectibles : Toulouse-Lautrec, Galaup de Lapérouse, Jean Jaurès, Georges Pompidou, l’Abbé Pistre, « Pape du rugby » et bien sûr la cathédrale Sainte Cécile ! Mais au pied de l’imposant ouvrage de briques rouges, qui éclaire la ville d’Albi de sa stature, il existe un autre monument auquel les habitants de la cité épiscopale vouent une adoration invétérée : le Sporting Club Albigeois ! Le public de la ville rouge, dévoué, fidèle et parfois bouillant, a toujours donné tout ce qu’il pouvait pour ce club, le suivant dans toutes ses joies, ses passions, ses exubérances et dans toutes ses peines, constituant un véritable 16ème homme. La ferveur d’un monde, celui du peuple jaune et noir !
Une volonté farouche, de retrouver les lustres d’antan
Ce club, unique fanion du sport collectif dans le Tarn-nord depuis la chute du rival historique, Carmaux, dans les années 90, devint très rapidement un enjeu primordial, dépassant largement le cadre du sport… Dans un territoire en pleine régénération, le club albigeois est devenu, dans les vingt dernières années, la locomotive sportive et un véritable vecteur populaire dans l’agglomération de la préfecture tarnaise, et bien au-delà ! En 1995, alors qu’une nouvelle municipalité se met en place, les barons de l’économie locale, quelques notables et d’augustes anciens s’en rapprochent. Ensembles, ils décident de redorer le blason d’un club, qui végète dans les tréfonds de la Fédérale, sur les bases de ce que les initiés nomment : « le serment Montlaur » ou « Pacte Montlaur ». Sous la férule de Louis Barret, et Jo Mir, industriel local, le club va entamer une lente mais sereine remontée, tant par peur de se voir disparaitre que d’une volonté farouche de retrouver les lustres d’antan. Le Sporting se structure, voit l’arrivée d’Eric Béchu (Saint-Girons), monte progressivement les échelons pour accéder, en 2002, à la Pro D2 au terme de trois finales perdues ! La fin d’un monde, celui du rugby amateur !
Un véritable étendard de la ville
L’entité SCA, entrée dans les élites de l’ovalie, obtenait les lauriers d’un travail acharné, et les paillettes du rugby « pro », avec son long cortège d’intérêts politico-économiques et d’enjeux extra-sportifs ! La belle histoire continua sous la houlette du duo Béchu-Blach, alliés des valeurs ancestrales du club : combat, solidarité, convivialité ! Ils réussirent, au bout de quatre saisons d’évolution progressive et formatrice, à atteindre la finale d’accession pour le mythique Top 14 ! Au stade Ernest-Wallon, les Albigeois, disposent de Dax et une bande de copains composée des Guichert, Pagès, Correa, Méla, Manca, emmenée par l’idole du peuple jaune et noir, Vincent Clément, va découvrir le saint du saint du rugby hexagonal lors de la saison 2006-2007. La première saison est une franche réussite, ils se maintiennent avec brio.
Le XV des joueurs passés sous le maillot du SC AlbiEt il n’est pas rare de voir les guerriers albigeois bousculer des cadors de l’élite, dans un stadium souvent incandescent et entonnant de vibrants « se canto », faisant encore frissonner d’émotion les amoureux de rugby ! La fin d’un monde, celui de la progression linéaire et des belles années !
Le ferment de la tragédie
Ceci fut une apogée, car la saison suivante, et malgré un effectif renforcé, l’unité de façade des notables albigeois qui portaient ce club s’ébranla, quand la DNACG - gendarme financier du rugby - vint mettre son grain de sel dans les comptes plus que rocambolesques du club cathare. La saison 2007-2008 fut pagnolesque : nombre de licences limité, mécène retirant le chèque de caution censé débloquer les dites licences, président historique sur le départ, successeur jetant l’éponge avant de voir Bernard Archilla, actuel boss de Narbonne, reprendre au pied levé les rênes du club ! Cette saison fut donc le ferment de la tragédie qui vient d’arriver. Si vous y rajoutez le fait que ces soubresauts dans les coulisses arrivaient en pleine échéances municipales, dans une ville où la notoriété grandissante du club est devenue un véritable levier politique, vous aviez là tous les ingrédients pour que les joueurs envoient tout valser ! Que nenni : les joueurs s’accrochèrent, luttèrent et gagnèrent leur maintien sur le pré, avec bravoure et honneur, mais la DNACG rétrograda quand même les jaunes et noirs administrativement, au plus grand désespoir des supporters qui se mobilisèrent, mais en vain ! Pour les dirigeants, les prémices de la fin de leur monde !
A suivre...