La crise sanitaire qui a touché le monde et, nous concernant, le rugby français, a déjà laissé des traces et en laissera pour longtemps. Si la suspension des championnats creuse un trou financier dans des budgets calculés souvent à l’année, les clubs de rugby professionnels doivent trouver des solutions rapides. Comme toute entreprise, un club de rugby n’a d’autres solutions que de couper dans la masse salariale et pour cela, la baisse des salaires actées par plusieurs clubs est une première solution. Mais est-elle légale ? Les joueurs sont-ils obligés d’y répondre favorablement ? Et quels recours disposent-ils en cas de refus ou de litige ? Nous avons demandé à Etienne Schneider, étudiant en M2 Droit du Sport à l’université de la Sorbonne de nous éclairer sur ces points. Actuellement en stage de fin d’études à l’INSEP, il côtoie et conseille des joueurs professionnels et notamment des rugbymen sur le côté juridique.
Dans un long entretien avec Etienne Schneider, étudiant en M2 Droit du travail, nous avons éclairci le sujet de la baisse des salaires et des droits et devoirs du joueur professionnel.
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etutabe
Hé bé, il dit un tas de conneries, l'étudiant !
Avant de démonter ce qui me parait le plus important, je précise que je suis diplômé en droit du travail (DESS soit équivalent M2 actuel) et que j'ai exercé les fonctions de juge prud'homal pendant plus de 10 ans. J'ai eu des affaires de pros du foot : entraineurs, joueurs et salariés.
Il y a un principe intangible en droit français : quelque soit le motif, économique ou conjoncturel, il est impossible de diminuer un salaire sans l'accord des 2 parties, employeur et salarié, sur chaque contrat salarié. L'unilatéral n'existe pas et ce n'est pas parce qu'un syndicat représentatif aura signé cette baisse que le salarié y sera, lui, obligé.
Le référé : l'urgence est parfaitement définie en droit, ce sont les circonstances que le juge va examiner pour décider (à titre provisoire car seul un jugement a un caractère définitif [sous certaines conditions] s'il y a urgence ou pas. En matière de baisse des salaires, ce sera difficile de prouver l'urgence et en tout cas le référé pas plus que le jugement ne fixeront un salaire à la baisse. Pour une raison simple, le salaire est toujours sur le contrat de travail et ce sont les termes du contrat de travail qui permettent au juge de rendre une décision.
Sinon, amuse toi à changer une convention collective tous les 4 matins. Il faut l'accord employeur- représentants élus des salariés.
Grève : droit imprescriptible des salariés (inscrit dans la constitution). Rien n'empêche de le faire à l'allemande : l'employeur négocie ou est le déclencheur de la grève.
Désolé pour le pavé mais sur le coup j'ai tiqué un max et j'ai pas tout dit...
Oussama, la prochaine fois interrogez un avocat spécialisé en droit du travail (demandez les noms aux prud'hommes ils connaissent les bons)
Oussama Boukercha
Salut Etutabe !
Tout dabord, merci pour tes précisions qui seront utiles à la compréhension ! C’est plus clair et elles étaient importantes.
« L’étudiant » est, comme son nom l’indique, en cours d’études. Il est actuellement en stage à l’INSEP, il continue de travailler mais n’a pas encore de joueurs à sa charge. Il a sûrement fait quelques coquilles, mais il ne dit pas que des bêtises 🙂 son travail et le temps qu’il a pris m’ont été très utiles, et d’autres articles seront probablement à venir avec lui 🙂 En tout cas, vraiment merci des précisions et je retiens l’idée de contacter directement les Prud’hommes, ce que je ne pensais jamais faire un jour 😅
etutabe
Salut Oussama !
Je reconnais que j'y suis allé un peu fort sur mon commentaire. L'apport de ce jeune homme reste intéressant sur bien des points.
Même si je conçois que vous essayez de favoriser les abonnés, je crois que ce type d'article pourrait être ouvert à tout le monde. Pourquoi pas au bout de quelques jours, si vous tenez tant à nous favoriser. Je crois aussi que certains abonnés s'interdisent de les lire (@LeLinzhou sauf erreur).
Pour les prud'hommes, ce n'est que pour obtenir une bonne adresse d'avocat spécialisé et pointu. Ceux qui jugent ne sont pas des professionnels même si au bout de quelques années ils peuvent parfois avoir acquis quelques connaissances. Et le personnel du greffe n'a pas non plus un niveau juridique pointu sauf en matière de procédure.
En tout cas, superbe boulot dont je te remercie.
Team Viscères
Au passage je félicite l'idée de s'être aventuré sur le terrain du droit du travail, c'est rare pour un média sportif alors que c'est un rouage essentiel du sport pro et que cela permet de rappeler qu'en dehors des sommes délirantes ce sont des employés comme nous.
Mon seul regret c'est que l'article soit réservé aux abonnés (si j'ai bien compris le sens de la pastille "Club Rugbynistère) alors que le sujet de fond, l'apporte d'Etutabe et les discussions qui peuvent en découler auraient été bénéfiques à tous (enfin je pense, c'est peut-être mon côté gauchiste qui s'exprime).
Mais bon cela a été déjà longuement discuté ailleurs, on ne va pas refaire le débat ici.
Nicolas Rousse
Merci pour ton commentaire !
...Que je comprends naturellement. Il n'y a pas en soi de bon sujet à réserver aux abonnés exclusivement, et d'un autre côté il faut en même temps justifier l'abonnement par des sujets différents, plus poussés, plus creusés, etc., qu'à terme, on espère financer par les soutiens de la communauté, et qui on l'espère, prendra conscience de ce qu'on peut produire avec les contributions régulières. On monte progressivement en compétences sur certains sujets, il s'agit d'un changement radical dans notre fonctionnement et il faut trouver un nouvel équilibre pour assurer la pérennité de notre site.
Le fonctionnement de l'équipe de rédaction est fortement perturbé actuellement entre le chômage partiel et la nécessité de produire du contenu dit "premium" pour les abonnés et tenter de nouveaux lecteurs de basculer vers la formule de soutien. L'équilibre entre les deux n'est pas simple tu l'auras compris, tu soulignes un point très juste. La réponse apportée sera toujours discutable et chaque point de vue toujours défendable d'une manière ou d'une autre, et nous devons trancher et avancer à un moment. On le fait au mieux, et sur le fond on va pas se mentir, c'est malheureusement aussi le coût de production des articles qui fait la différence : on ne peut pas se permettre, surtout en cette période avec les sacrifices que chacun doit faire chez nous. Quoi qu'on fasse malheureusement dans notre cher monde, c'est l'argent qui décide à un moment où à un autre : les journalistes ne travaillent pas encore gratuitement (les bougres 😀), nos loyers sont toujours à payer, l'hébergement de site aussi 🙂 Tu l'auras compris, il n'y a pas de réponse simple à ta remarque. On apporte une réponse qui nous semble la plus à même de faire en sorte que la communauté soit toujours là en 2021, en proposant un service supplémentaire payant et en modifiant le moins possible et dans la mesure du possible, le service proposé gratuitement, le lecteur étant toujours au cœur de nos décisions, car sans lecteurs, tous ces efforts sont vains.
Team Viscères
Merci, à la lecture j'ai tiqué sur pas mal de choses mais je n'ai pas le bagage technique nécessaire pour contredire un étudiant en droit sans avoir à faire de lourdes recherches (apprentissage sur le tas via fonctions syndicales et suivis de cas aux prudhommes, autrement dit une connaissance ultra superficielle).
Puisque j'ai un professionnel sous la main j'en profite pour relancer sur un des points soulevé dans l'interview. L'étudiant en droit mentionne que pendant le confinement le joueur ne remplissait pas ses obligations contractuelles (il ne s'entraîne pas, ne dispute pas de matchs, etc.) et donc aurait été en défaut, ce qui justifiait une baisse de salaire.... Est-ce que l'argument est réellement pertinent (au-delà du fait que le contrat de travail ne peut être modifié de façon unilatérale), sachant que dans le même temps l'employeur ne remplissait pas son obligation de fournir une activité à l'employé et les moyens de la réaliser (centres d'entrainement fermés, pas de matchs programmés)?
etutabe
Merci de me rappeler ce point qui m'avait fait bondir mais que j'avais zappé ensuite.
Non, le salarié n'est pas en faute car ce sont des circonstances externes (ne pouvant lui être reprochées et auxquelles l'employeur participe) qui le contraignent à ne pas respecter ses obligations contractuelles. D'autre part, une faute constatée n'entraine JAMAIS une diminution de salaire (j'ai pas écrit primes) mais uniquement des sanctions prévues soit dans un règlement intérieur soit dans une convention collective : avertissement, blâme, mise à pied, licenciement.
Par contre, s'il est astreint, dans la limite du raisonnable (sous couvert médical du club ou de l'Etat) à s'entretenir physiquement et qu'il ne le fait pas, il est en faute. Et les sanctions sont les mêmes et JAMAIS le salaire. Il est versé pour le montant inscrit dans le contrat de travail, ni plus ni moins. Certains usent de la mise à pied à titre conservatoire pour ne pas payer le salaire. Outre qu'elle doit être limitée dans le temps, elle n'a pour objet que d'empêcher le salarié de dissimuler des preuves, et est généralement suivie d'un licenciement pour faute grave (Novès par exemple).
Désolé d'être peut-être trop technique ou pas assez clair
Team Viscères
Non c'est parfait, cela répond parfaitement à ma question et confirme ce que je pensais. Merci beaucoup.