RUGBY. ANALYSE. Comment parfaitement jouer une pénalité à la main pour marquer à coup sûr ?
Jouer une pénalité à la main : une stratégie de plus en plus répandue. Crédit image : Screenshot Youtube Canal+
La pénalité jouée à la main, une situation qui parait simpliste et pourtant, c'est une véritable niche à stratégie... On vous explique tout grâce à ces exemples.

Le défi physique. L'essence même d'un sport de combat comme le rugby. Jouer une pénalité à la main a souvent rimé avec duel frontal, violent, entre le porteur du ballon et la défense. À l'heure où la règle du 50/22 fait de la touche un lancement de jeu privilégié. Seule une équipe ayant ça dans son ADN pouvait re-démocratiser la pénalité jouée à la main : le Castres Olympique.

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N'en déplaise à certains, le jeu du CO est une référence dans son domaine. Et ce, grâce à des prédispositions associées à la stratégie de Pierre-Henry Broncan. Ce qui a donné naissance d'une nouvelle tendance rapidement suivie par de nombreux clubs. Même le Stade Toulousain, qui aime se vanter, à juste titre, de pratiquer un rugby aux grandes envolées (on ne vous fera pas l'affront de ressortir la fameuse formule...), s'est inspiré de son voisin tarnais. Focus sur une situation de jeu devenu cruciale. (L'ensemble des images utilisées sont des captures d'écran du Youtube de Canal+.)

La double sortie du CO

Lors de la 12ᵉ journée de Top 14 saison 2020/21, le Castres Olympique de Pierre-Henry Broncan marque trois essais contre Bayonne à la suite d'une pénalité à cinq mètres jouée à la main. Deux stratégies sont utilisées et permettent aux Castrais de scorer. La première, celle attendue, le défi physique :

Wilfrid Hounkpatin, soutenu par son pilier, s'apprête à charger la défense bayonnaise. Nous sommes sur de l'affrontement pur et dur. La stratégie est plutôt simple, s'appuyer sur le physique extraordinaire de Hounkpatin (1,92 pour 132 kg) pour franchir la ligne d'en-but. En cas d'échec, cela aura pour effet de resserrer la défense.

Bonne résistance des Basques qui stoppent Hounkpatin. Trois Castrais sont mobilisés tandis que cinq Bayonnais se retrouvent impliqués dans l'action (3 directement + 2 à distance). Les premiers défenseurs sont obnubilés par le ruck tandis que la charnière du CO est déjà en mouvement, prête à jouer le prochain temps de jeu.

Le défenseur bayonnais est en encore au sol, alors que Kockott s'apprête à jouer le ballon, l'intervalle est clair.

Toute l'efficacité de cette stratégie repose sur la vitesse d'exécution associée à la puissance des avants du COKockott retrouve une cellule lancée plein fer sur une défense bayonnaise en retard d'une part (étoile bleue) ou même déjà au sol en ce qui concerne le défenseur visé.

Résultat de la vitesse d'exécution castraise : le plaquage est subi et la seconde lame en retard est inefficace. L'intervalle initial est retrouvé et le CO inscrit un premier essai.

Trente minutes plus tard, l'effet de surprise passé, les hommes de Pierre-Henry Broncan vont franchir une deuxième fois la ligne en utilisant une seconde sortie. On retrouve exactement la même cellule que dans la situation précédente. Cette fois, Hounkpatin sert de leurre. Les premiers défenseurs sont focalisés sur lui, prêts à monter, tandis que dans le second rideau, on se prépare à défendre la deuxième vague sur les extérieurs. En bas de l'image, on aperçoit Urdapilleta totalement désintéressé de sa cellule d'avant : le jeu va se déployer dans le côté fermé.

Focalisée sur la puissance d'Hounkpatin, la défense basque laisse un surnombre dans le petit côté. Un 3 contre 2 offrant deux intervalles clairs au CO. Vaipulu peut servir Urdapilleta intérieur, fixer le dernier défenseur et offrir un essai à Nakosi ou passer en force.

Vaipulu choisit la troisième option et s'écroule dans l'en-but.

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La "Manny" toulousaine

Jouer une pénalité à la main peu paraitre plus simple avec Emmanuel Meafou dans son effectif. Encore faut-il le mettre dans les bonnes conditions pour être sûr de scorer. Les Toulousains se mettent alors tous au service de celui qui est surnommé "Manny". Un mouvement plusieurs fois utilisé par le Stade Toulousain. Comme cette saison face à l'UBB à l'occasion de la 24ᵉ journée. 

À l'instar de la première situation observée, la réussite de cette stratégie repose sur la vitesse d'exécution. La première cellule d'avants menés par Marchand va servir à fixer les défenseurs présents sur les extérieurs pour permettre à la cellule de Cros, Meafou, Roumat (hors champs) de faire la différence.

Le défi physique terminé, les défenseurs sont mobilisés et des intervalles sont présents sur les extérieurs. La cellule de Meafou accompagné par Ramos et Ntamack bascule de l'autre côté du ruck. Willis et Tameifuna sont sur les talons, scotchés par ce changement de courses tandis que Poirot doit contourner le ruck pour se replacer.

La différence est faite, Meafou n'a plus qu'à jouer dans le dos avec ses trois-quarts. Il décide finalement de garder le ballon. Il sera stoppé à quelques centimètres de la ligne, mais marquera deux temps de jeu plus tard. Une action similaire avait fait mouche dès l'inversion lors de la 20ᵉ journée de Top 14 face au Racing 92 :

La Dupont-phobie

Toutes les défenses tentent de le stopper, souvent en vain. Antoine Dupont est un véritable poison pour ses adversaires. Il focalise logiquement leur attention. Ugo Mola a trouvé comment en tirer avantage lors d'une pénalité jouée à la main.

La situation semble lisible. Le porteur de balle est identifié, la défense prête à monter. Trois cellules toulousaines sont formées : Mauvaka/Faumuina/Brennan proches du ballon, Elstadt et ses deux centres vers l'extérieur, Meafou/Jelonch dans l'axe.

La première cellule n'attaque pas la ligne d'avantage et sert seulement de pivot pour lancer Meafou bien soutenu par Jelonch. Pas de quoi déstabiliser la défense francilienne qui continue de monter. C'est Antoine Dupont qui va créer la situation favorable.

Dupont fait mine d'avoir le ballon et fonce sur les extérieurs à la hauteur de la troisième cellule, fixant ainsi bon nombre de défenseurs. Cette feinte associée au désordre qui règne pousse la défense à s'arrêter. Meafou et Jelonch appréhendent une situation de 2 contre 2 lancés comme des frelons.

Les deux Toulousains ciblent le numéro 8 du Racing qui, perturbé par le mouvement rouge et noir, se retrouve les deux pieds parallèles, dans l'incapacité de défendre.

Meafou inscrit un essai et valide la stratégie toulousaine. Cette image illustre bien l'importance du Dupont, qui sans toucher le ballon a mobilisé trois défenseurs, laissant le champ libre à son coéquipier bien soutenu par Jelonch. Un mouvement utilisé par le Stade Rochelais face à l'ASM lors de la 23ᵉ journée : 

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Le Stade Montois déraille

Parfois, même si l'exécution semble bonne et ouvre des intervalles, la défense prend le pas sur l'attaque. Le Stade Montois en a fait les frais face au FC Grenoble lors de la demi-finale de Pro D2.

Comme des wagons formant un train, les joueurs du Stade Montois sont positionnés en ligne droite les uns derrière les autres. Trois cellules de trois joueurs accompagnées du demi de mêlée.

Au moment de la mise en jeu, les deux cellules auparavant dans l'axe se portent de chaque côté du porteur du ballon. Un mouvement qui perturbe la défense grenobloise qui laisse d'ores et déjà un intervalle dans le petit coté.

L'intervalle n'est cependant pas exploité. Le défi physique est choisi, en vain. Mais le ballon reste pour Mont-de-Marsan et l'intervalle perdure. 

Cette fois les Montois l'exploitent, la cellule d'avants fixe les défenseurs et libère le côté fermé pour les 3/4 qui renversent le jeu. Lucas Dupont, attentif, va monter en pointe sur le porteur du ballon, empêchant toute transmission et permettant à son coéquipier, absorbé par le ruck, de réagir.

Pris au ballon par deux joueurs, l'arrière de Mont-de-Marsan subit la montée défensive iséroise. La situation d'essai est gâchée.

Rejoins par le pilier, Zack Gauthier, les défenseurs grenoblois exercent une pression folle et propulsent les Montois en touche à plus de 15 mètres de leur en-but. Les attaquants ont manqué de discernement dans cette situation et n'ont pas su exploiter l'intervalle au bon moment. 

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Très intéressant merci ! Il me semble que les premiers à avoir remis ça au goût du jour hors de France c'était Exeter l'année où ils sont champion d'Europe. Avec une approche plus brute de décoffrage et moins construite il est vrai 😊

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