Soheyl Jaoudat : ''Aux États-Unis, tout est gigantesque ; sur le terrain, ça tape vraiment fort''
0 succès en championnat
Gagner aucun match dans la saison, ça ne m’était jamais arrivé. Je pense, avec du recul, que tout s’est joué assez vite : ça a mal commencé et ça a perduré. On débute la pré-saison avec treize joueurs à cause des visas notamment, des types arrivent toutes les semaines… Déjà, il est compliqué de se préparer correctement dans ces conditions. Le plan de jeu ensuite n’a pas pris. Et puis sur le terrain, on perd des matchs d’un rien : le premier du championnat à la dernière action, le deuxième à la 78e… C’est bête à dire mais ça nous a mis dedans d’entrée et on s’est mis au fond du seau. D’abord, tu perds la confiance en tant qu’équipe. Et l’adversaire le ressent. Aux USA, en général ils ne prennent pas les points même face aux poteaux. Mais là, c’était décuplé, contre nous ça prenait la mêlée ou ça jouait à la main dans nos 22. Donc, en effet, c’est bizarre de ne pas gagner un seul match mais hormis San Diego, que j’ai trouvé au-dessus (NDLR : finaliste, défait par Seattle), on a accroché tout le monde tout en payant cher nos passages à vide en cours de rencontre et c’est logique.
Pas de descente
Ce système est un peu particulier quand on vient de France où ça rythme les saisons, ajoutant de la pression. Mais finalement on n’y pense pas forcément. Pour ma part, j’ai reçu l’éducation ‘’pénalité, tu prends les points’’, c’est simple. Pas eux, ils veulent mettre du jeu de partout, dans tous les sens et le fait qu’il n’y ait pas de descente a une conséquence d’autant plus importante sur cette perception de la discipline. On sortait des matchs, le président ne nous engueulait pas, les Américains sont toujours très positifs. Et je ne suis pas vraiment d’accord avec ça même si ça a du bon. Il faut être capable de se remettre en question et être toujours positif ne le permet pas. Quand tu perds, tout le monde est en cause : les joueurs, les coachs, même les dirigeants. Aux États-Unis, tu peux avoir pris 30, 40 points et un mec qui a fait un bon match individuellement, il sort en rigolant. La victoire n’est pas une fin en soi et nous les Français on ne fonctionne pas du tout comme ça.
Une expérience tout de même réussie ?
Malgré les défaites à répétition, je suis quand même super content. C’est même la première fois que je joue autant : je n’ai manqué aucune rencontre avec quasiment 1000 minutes de jeu au compteur. Je termine meilleur marqueur d’Austin avec quatre essais ; une fois joueur de la rencontre, une autre fois dans le XV de la semaine. Ce sont seulement des stats, il est vrai, mais ça fait plaisir. J’ai principalement joué à l’arrière mais j’ai aussi dépanné un peu partout, à l’aile, en neuf et même en dix lors de la dernière journée.
Jaoudat with the pick and pace for the Elite's first try.
7-7, 20'#NOLAvAER pic.twitter.com/Ime6o6D6a5— Major League Rugby (@usmlr) 23 mars 2019
Quel regard sur le championnat ?
Si on devait comparer la MLR à la France, le haut du tableau soit Seattle, San Diego… ça pourrait titiller du haut de tableau de Fédérale 1 voire du bas de tableau PRO D2, honnêtement. Mais le jeu est vraiment différent, c’est du super rugby, pas ‘’conquête-buteur’’ comme chez nous. Il y a d’excellents joueurs aux USA, des joueurs que tu écoutes sur le terrain comme Pietersen, Foden, Kolonisau, Ravuvou, les frères Suniola ou Manoa. Si la Ligue se débrouille correctement, ça pourrait être un truc de fou dans quelques années. Je pense que l’engouement commence vraiment à prendre et notamment au niveau de certaines franchises : à Seattle, il y avait plus de 8000 personnes au stade, 4000 à Utah, 3000 à San Diego…
L’arrivée de Bastareaud à New-York
Bastareaud, les joueurs de la Ligue le connaissent (à l’inverse de nombreux autres grands noms d’ailleurs) et trouvent ça énorme. C’est génial pour le championnat, au niveau des retombées financières et en termes de communication surtout. Sur le terrain, il va marcher sur tout le monde. Ça en serait même dangereux ? J’ai écouté l’interview de Hamilton. Les gars aux USA commencent à être préparés, certains vont faire la coupe du Monde. J’ai des coéquipiers canadiens à Austin qui vont jouer l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande en poules. Donc je ne suis pas tout à fait d’accord, les joueurs sont vraiment massifs, c’est plutôt techniquement que c’est compliqué. Alors oui, Bastareaud va casser des plaquages dans tous les sens, la défense n’étant pas en plus le point fort de la Ligue mais ses adversaires vont s’envoyer. S’il faut défendre à trois, ils le feront.
Jim Hamilton s'inquiète pour les adversaires de Mathieu Bastareaud aux Etats-Unis
Ça change de Brive en bus…
Un truc qui m’a assez marqué, ce sont les déplacements de fou. Quand tu es à Austin et que tu vas jouer à Seattle, t’en as pour quatre heures et demi d’avion et deux heures de décalage horaire. Une fois, à Dallas avant de jouer Toronto, on est restés toute une journée à l’aéroport à cause des intempéries. Et le décalage horaire, ça change tout dans la préparation du match.
Changement de formule pour la Ligue
C’était un seul championnat cette année, ça va désormais être deux conférences de six avec match aller-retour contre ta poule et un ‘’match sec’’ face à l’autre conférence, soit là-bas, soit chez toi, en fonction du tirage au sort. Trois à domicile, deux à l’extérieur ou l’inverse. Ensuite, le premier de chaque ligue est automatiquement en finale de sa conférence et affronte le vainqueur du match entre le deuxième et le troisième. Puis les vainqueurs, de l’Ouest et de l’Est, s’affrontent pour une grande finale, laquelle déterminera le champion de la MLR.
La suite à Austin
Le club n’a pas conservé Alain Hyardet et son staff. Ils veulent tout refaire, restructurer le club, faire à leur sauce, à l’américaine. Chaque joueur a eu son entretien mais on ne sait pas du tout si on reste. En fait, comme en NBA, il va y avoir la draft. Chaque club transmet à la Fédération une liste de dix joueurs qu’il va conserver et tous les autres sont mis à la draft. Donc tu peux être recruté comme ça et aussi discuté avec les clubs de la Ligue. À Austin, c’est un vrai chamboulement. David Mêlé ne vient pas finalement, et c’est notamment lié au départ d’Alain Hyardet. Pour ma part je ne sais pas où je vais et plusieurs Français vont partir. Seul Simon Bienvenu (ancien Espoir du Racing 92, lequel est arrivé en cours de saison) est à peu près sûr de rester. Je ne pense pas que le départ d’Alain soit une très bonne chose. Il aurait pu être moins axé sur le terrain mais tout en gardant des responsabilités, son impact sur la franchise aura été énorme, il avait notamment recruté plusieurs joueurs, amené les neuro-trackers (NDLR : système d’entraînement en 3D notamment utilisé par les joueurs de base-ball), les GPS…
Futur
Je suis dans l’optique de rester aux États-Unis encore un an pour ensuite revenir en France. Je me verrais bien ailleurs qu’à Austin, j’ai envie de voir autre chose, de progresser encore plus. Cela devrait se décanter avec la fin du championnat et la draft qui arrive.
AKA
J' ai visionné quelques matches et je suis d' accord avec lui, c' est niveau Fédérale 1!
clowny182
On en reparle en 2023 !!! Ces franchises c est des structures de Mégalopole avec des bassins chalandise enorme. Si les mec arrive a faire du fric avec cette offre de spectacle faut pas s inquieter pour un développement rapide du rugby au states. Le réservoir de "joueur" d'athlete ils l'ont. "Cqfd isles"
Yionel ma star
J'ai beaucoup de mal que le rugby a 15 puisse prendre aux states. Deja parce je pense que c'est pas assez spectaculaire pour eux et en plus ils ont deja un sport avec des mecs qui se rentrent dedans et perdent 6 ans d'esperance de vie par match. Par contre je crois que le 7s peut vraiment prendre une autre ampleur la bas avec a long terme peut etre un circuit pro avec des franchises
Dejeanf
Ca fait un an maintenant que je suis installé aux usa en pratiquant le rugby sur NYC. C’est en train d’imploser, j’y crois!
spir
Je pense comme toi : c'est 15 ans trop tard. En rugby à 7 les States sont 2è mondiaux en féminin comme en masculin ! Too late, sorry, good game !
Yionel ma star
Meme 15 ans plus tot. Le rugby est trop proche du foot us et les regles sont complexes pour quelqu'un qui connait pas. Le 7 est plus universel, il y a plus de pays qui jouent bien a 7 qu'a 15
Jako33
Concernant l'etat d'esprit different, je confirme, en France apres une valise c'etait "Les gars, on etait des merdes dimanches, des moins que rien, des nuls! Je vous veux tous a l'entrainement mardi, et on va tous en chier". Alors qu'ici c'etait "Bon bah les gars, on a beaucoup appris sur ce match, y a du progres, on va etre mieux au prochain"
lelinzhou
@ Jean Lesacher
Très intéressant, on comprend mieux ce qui se passe là-bas en ce moment. Si financièrement ça peut se permettre d'attendre le retour sur investissement avec la progression en fréquentation, ça risque de faire un sacré truc en quelques années.
Merci
Axthyrasil
Le problème des systèmes à l'américaine c'est qu'ils attendent des résultats rapidement et qu'ils veulent faire les choses en grand trop rapidement quitte à tout changer à chaque fois
Comme le dis Yonel plus haut, j'ai egalement du mal à penser que le 15 prenne aux US nottament à cause de sa comparaison avec le foot US.
lelinzhou
Ben non, je pense qu'il a une place et ceux qui investissent là-dedans aussi. Le rugby peut suivre la voie du soccer, qui se développe bien aux US (femmes championnes du monde entre autres, belle vitrine). Le soccer est petit à petit adopté par les classes moyennes supérieure ("exotisme", snobisme moins dangereux pour les enfants au collège ou à l'université,) un sociologue pourrait donner une explication. Le rugby pourrait suivre la même voie, aidée un peu par la vitrine du 7 qui a de bons résultats à l'international.
Axthyrasil
Je comprends ton point de vue. Je ne connaissais pas le cas du foot féminin.
Je pense quand même qu'il y a une différence avec le rugby de par la présence du 7 avec son circuit mondial annuel. La ou toi tu vois cela comme une vitrine qui pourrait aider le développement du 15, j'y vois aussi un potentiel danger. Le 7 étant plus spectaculaire et rapide que son grand frère et notamment car malgré leurs différences il s'agit du même "sport" et donc sont en concurrence.
Même chose pour la dangerosité, le soccer peut être vue comme moins dangereux pour les enfants, la pratique du 15 semble également plus accessible que le football américain mais restera plus dangereuse et complexe que le 7.
J'espère que le 15 percera aux US mais je suis moins optimiste que toi