VIDEO. Pierre Rabadan : « On rêve tous de la fin idéale, et ce n'est pas toujours le cas »
La nouvelle aventure de Pierre Rabadan, un an après sa retraite sportive.
L'ancien 3e-ligne du Stade Français se confie sur son après-carrière et le film-documentaire réalisé sur sa dernière saison au sein des Soldats Roses.

Retraité des terrains depuis un an et le sacre de "son" Stade Français en finale du Top 14, que devient Pierre Rabadan ? Aujourd'hui conseiller au sport à la mairie de Paris, il nous parle de sa nouvelle aventure, de la saison ratée du Stade Français, mais aussi d'un film-documentaire centré sur sa dernière année dans la peau d'un rugbyman professionnel. "Au-delà de mon cas personnel, on voulait surtout montrer qu'une fin de carrière, c'est une période complexe pour tous les sportifs de haut-niveau, quelles que soient leurs disciplines". Réalisé par Franck Lorrain, le film - intitulé "Nouveau départ - est disponible en téléchargement.


Salut Pierre ! Est-ce que tu peux déjà nous expliquer à quoi ressemble un journée-type lorsqu'on travaille à la mairie ?

C'est beaucoup de boulot ! Mon quotidien, c'est de valider toutes les décisions qui concernent le sport à Paris. En ce moment, on s'occupe de l'attribution des subventions pour les associations, on voit si l'évolution des montants se justifie. Le sport parisien au quotidien, c'est aussi trouver des solutions pour faciliter son accès dans une ville aussi dense, améliorer l'offre sportive pour les gens qui vivent dans la capitale, aider au maximum les acteurs du sport à exister. C'est un vaste chantier. Je travaille avec l'adjoint au sport, son cabinet et toute la direction de la jeunesse et des sports, soit les trois acteurs qui essaient de faire marcher le sport à Paris.

Qu'est-ce qui t'a donné envie d'entrer à la mairie ?

Personne ne m'a donné envie, c'est la maire qui m'a demandé quand j'ai arrêté ma carrière. J'avoue que je ne savais pas vraiment vers quoi j'allais, mais c'était forcément quelque chose qui m'intéressait. J'aime le sport, j'aime Paris, et je savais que j'allais apprendre beaucoup. C'est un milieu et un système que je connaissais peu, mais c'est très enrichissant : je suis au contact de nouvelles personnes, avec un parcours complètement différent. En plus, j'ai de la chance, j'arrive dans un moment avec de grosses échéances sportives comme l'Euro ou le championnat du monde de handball, l'année prochaine. Ça me change beaucoup de ma vie d'avant, je découvre le fonctionnement du milieu politique et administratif.

Tu fais également partie de l'équipe des consultants de Canal + - connue pour accueillir de nombreux managers. Alors, à quand un poste d'entraîneur ? 

Dans l'absolu, ça me dirait bien ! Pour l'instant, je n'en ai pas pris la direction, c'est le moins que l'on puisse dire. Si je suis à Canal+, c'est parce que j'ai quitté le rugby quasiment du jour au lendemain en termes de pratique, mais ça reste mon sport, ma passion. Avoir la chance de commenter des matchs, ça me laisse un pied dedans. Je prends beaucoup de plaisir. Je ne sais pas si j'aurai l'occasion d'entraîner dans les prochaines années, mais pourquoi pas. Je ne me ferme pas la porte, mais pour le moment, j'ai fait un autre choix de carrière. Et je ne regrette pas du tout, je me régale.

Découvrez la suite de l'interview p. 2, où Pierre Rabadan raconte le tournage du film-documentaire.

Venons-en à ce film-documentaire. Comment est né le projet ? 

La première chose que j'ai dit au producteur, c'est que c'était bizarre de vouloir faire ça, qu'il ne gagnerait pas d'argent ! J'étais dubitatif, car c'est quand même particulier de faire un documentaire sur soit, c'est un peu égocentré. Je ne connaissais pas Franck, je ne savais pas quel serait l'accueil de l'équipe. Je savais que c'était ma dernière saison, mais je ne savais pas ce qui allait s'y passer. Rien n'était écrit. Même si j'avais la légitimité de le faire par rapport au groupe, je n'étais pas forcément à l'aise d'amener une caméra dans le vestiaire, qui est toujours vue d'une manière un peu craintive.

Tu as dû te faire chambrer par les potes !

Ah, ça oui ! C'était plutôt marrant mais ce qui m'inquiétait vraiment, c'était de savoir si Franck s'intégrerait, s'il aurait la discrétion nécessaire tout en captant les bonnes images pour ne pas se retrouver avec un truc chiant pour ceux qui le subissent et pour ceux qui regardent le documentaire. On est un peu partis dans l'inconnu, je ne savais pas du tout qu'elles allaient être les réactions.

Et la cohabitation avec Franck, tout s'est bien passé ? Rappelons qu'il t'a suivi pendant presque un an !

On n'a pas eu la même carrière (Franck a joué jusqu'au niveau Fédérale, ndlr), mais on s'est tout de suite connectés. Comme quoi, le rugby pro n'est pas forcément à des années lumières du rugby amateur. Les joueurs ont vite vu que Franck était cool, qu'il avait les mêmes codes que nous. C'était important qu'il s'efface quand il fallait s'effacer et qu'il déconne quand il fallait déconner. Après le titre, il a fait toutes les fêtes, on l'a bien maltraité, mais il avait fait quelques bringues avant, alors tout s'est bien passé (Rires). Lui aussi s'est beaucoup fait chambrer. S'il n'avait pas été aussi petit, on aurait pu croire qu'il faisait partie de l'effectif. A la fin, personne ne remarquait sa présence. 

La bande annonce du film :

Crédit vidéo : Symphonia Films

Tu as quelques anecdotes sympas à nous raconter ? Dans le teaser, on voit notamment ce match en Roumanie, sous la neige... ça devait être spécial.

C'est toujours difficile d'isoler des anecdotes, mais le déroulé de la saison a fait que ça a été spécial, car j'ai été énormément blessé. C'était difficile à vivre. Pendant 80% de la saison, ça a été de la lutte pour revenir.

Justement, ce film, c'est aussi un moyen de montrer que tout n'est pas forcément rose dans la vie d'un rugbyman pro ?

Il y a un peu de ça, mais ce n'était pas l'idée de départ. On voulait montrer comment s'aborde une fin de carrière, comment on se prépare à une transition qui sera brutale quoiqu'il arrive. Quelle que soit la carrière qu'on ait eu, on rêve tous d'une fin idéale, et ce n'est pas toujours le cas. L'arrêt est toujours difficile, même s'il y a aussi de belles choses à faire derrière. De mon côté, ça a été riche en émotions. J'ai été beaucoup blessé, mais on termine sur ce titre... J'ai pu choisir ma sortie, j'ai pu faire une belle fête à Jean-Bouin. 

Pour chaque téléchargement du film, 1€ est reversé à l'association Play international (ex-Sports sans frontières). Tu peux nous en dire un peu plus ?

C'est une association que j'ai connue par l'intermédiaire de Benjamin Kayser et de Mathieu Blin. J'ai été pas mal impliqué dans différentes asso', et quand j'ai rencontré celle-là, j'ai eu l'occasion de découvrir le travail qui était fait, en se servant du sport pour faire de l'insertion sociale, notamment à l'étranger. En 2011, je devais partir à Haïti avant d'être sélectionné avec les Barbarians, mais j'ai pu partir au Kosovo, puis au Burundi ensuite.

Pierre Rabadan, ambassadeur du rugby au Burundi
L'association se développe aussi en France avec le concept de play-dagogie - de la pédagogie par le jeu - qu'elle impose dans les collèges, les lycées et quartiers sensibles avec le rugby mais aussi avec d'autres sports. Elle fait un travail formidable, transmet des valeurs humaines et elle amène aussi un peu de distraction, de naïveté et de l'innocence à des populations qui sont en souffrance. Il y a vraiment une forte demande, un gros besoin.

Découvrez la suite de l'interview p. 3, où Pierre Rabadan revient sur la saison du Stade Français

Parlons maintenant de la saison que vient de vivre le Stade Français (12e). Toi qui est à l'extérieur mais qui reste proche du groupe, comment tu expliques cette chute ?

C'est difficile à vivre. Pour eux, plus que pour moi, mais ça me faisait c**** que ça ne se passe pas bien pour eux. Je savais que ce serait une saison difficile, car c'était le premier titre pour la plupart des joueurs. Ils étaient attendus, beaucoup ont été sélectionnés à la Coupe du monde et sont revenus après une expérience très difficile... Le club a eu du mal à s'adapter, il n'a peut-être pas fait le recrutement nécessaire et s'est enfermé dans une spirale négative. Ils ont sauvé l'essentiel en se maintenant, mais c'est très triste de passer de champion à premier non-relégable.

Le futur du club, tu le vois comment ? Il va vite falloir repartir de l'avant pour ne pas revivre des années de disette.

Le staff change, Gonzalo Quesada va pouvoir prendre un peu plus de hauteur, ce qu'il n'a pas pu faire cette saison. L'avantage, c'est qu'il y a peu de mouvements dans le club. Les joueurs se connaissent, vont repartir sur des bases communes. Mais ça peut être aussi un inconvénient. Le club se renforce très peu, voire pas du tout (chez les pros, seul Alipate Ratini a signé, ndlr). Au vu de ce qui se passe ailleurs, ce n'est pas forcément un signe positif mais je ne peux pas imaginer qu'ils fassent une deuxième saison comme celle qui vient de s'écouler. C'est difficile de prédire ce qui va se passer. Sans doute que le club se situera entre le niveau d'il y a deux ans et celui de cette saison. Mais est-ce que ça correspond à la 8e place, la 6e ?


Vous pouvez télécharger le film de Franck Lorrain en suivant ce lien.

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Les rares fois ou j'ai vu une de ses interventions hors terrain, j'ai ete ravi de l'entendre parler de rugby et d'hommes. C'est certainement le prototype du joueur intelligent qui reussira sans doute sa reconversion aussi difficile soit-elle.

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