Ah les Géorgiens, et leur douceur légendaire… Comme tous leurs amis de l’Est et de l’ancien bloc soviétique, c’est l’agressivité sans faille des Lelos qui a notamment fait leur renommée sur le circuit ovale européen. De Viktor Kolelishvili à Tamaz Mchelidze, en passant bien sûr par le plus impressionnant de tous Mamuka Gorgdodze, nombre de Caucasiens ont marqué le championnat de France pour leur goût prononcé pour le combat, pour ne pas dire « la bagarre ». Au-delà de son talent, qui n’a pas en mémoire les accrochages musclés de « Gorgodzilla » durant sa carrière, ses déblayages appuyés ou encore ses 26 cartons jaunes en Top 14 ?
Histoire d’alimenter un peu plus la légende et faire plaisir aux amateurs de marrons, regards noirs et intimidations en tous genres, le capitaine de Glasgow Ryan Wilson est revenu récemment sur son expérience personnelle avec les guerriers géorgiens. L’une des plus folles de sa carrière, pour un garçon pourtant pas du genre à se laisser impressionner comme ça (les fidèles supporters écossais le savent). Lors d’un podscast pour RugbyPass il y a quelques semaines, le troisième ligne de 31 ans a été invité à nommer les joueurs les plus intimidants avec ou contre lesquels il a joué : il a rapidement nommé le talonneur géorgien Shalva Mamukashvili - son coéquipier lors de la saison 2015-2016 - passé par Montpellier et Toulon notamment.
Ce dernier ? C’est le genre de garçon qui a l’air plutôt timide et mystérieux au premier abord, celui qu’on irait également pas chauffer vu sa tête de videur de boîte de nuit, sa barbe de bucheron et son physique de table basse (1m79 pour 105 kilos). Hasard ou non, l’anecdote que Wilson conte à son sujet confirme totalement la première impression qu’on se faisait de lui. Celle que nous laissent bizarrement la grande majorité de amis géorgiens, avec leur mâchoire à faire fuir les gosses, leur accent râpeux et leur pilosité parée au froid de Tbilissi. "C’est un homme effrayant. Un jour, nous étions en route pour un match, quelque part à l'étranger. Il y avait ce petit géorgien chauve qui jouait avec nous, amorce Ryan Wilson. Nous sommes dans le bus en direction de l'aéroport d'Édimbourg, assis à l’arrière du bus, et Dieu sait pourquoi, Stuart Hogg a lancé ce paquet de cacahuètes. Il a atterri à l’arrière du crâne de Shalva; il s’est levé, s’est retourné et lui a lancé le regard géorgien de la mort. Il a tiré ce paquet de cacahuètes à 160 km/h dans la tête de Hoggy. Pour ma part, je me suis juste rassis et je jure devant Dieu que je n’ai jamais vu un homme le figer autant. Comme un écolier puni au fond de la classe. Tout le monde a ri au début, puis le bus est devenu mortellement silencieux. Tout le monde se disait « oh merde ». Entre deux rires et afin de ne pas nous tenir trop longtemps en haleine, le troisième ligne aux 49 sélections poursuit : Quand nous y arrivons, nous descendons du bus et Shalva déballe [je vais tenter mon meilleur accent géorgien] : Hoggy, je te respecte, mais recommence juste une fois ça et je te tuerai."
Ambiance. On se doutait qu’il ne fallait pas titiller nos amis caucasiens, on en a désormais la preuve. "Hogg s'est tu pendant tout le voyage et ne voulait plus s'approcher de lui", se marre aujourd’hui Wilson. Depuis, Mamukashvili a quitté Glasgow, connu la France, la Russie ainsi que de nombreuses capes, et évolue maintenant du côté des Leicester Tigers, en Angleterre. Au sujet de cet ancien membre de l’armée géorgienne né quand Tbilissi n’était encore qu’un membre de l’Union Soviétique, c’est Ryan Wilson, toujours, qui livre le mot de la fin. "À la fin de la saison, nous sortons avec l’équipe et Shalva est dans son coin, comme un géorgien typique, assis avec un verre de glace et une bouteille de vodka à la main. Hoggy était alors comme ça : « ça y est, c'est la nuit. Ça y est, il va me tuer »".