Comme moi, vous avez sûrement déjà entendu parler de « rugby à toucher » ? Et non je ne parle du traditionnel échauffement de début d'entraînement ou de rugby à 5, mais bien du Touch Rugby. Car oui, cette discipline est un sport à part entière qui se développe de plus en plus, en France notamment puisqu'elle atteint aujourd'hui les 1621 licenciés, et qui connaît surtout un succès phénoménal dans l'hémisphère sud. J'ai donc voulu en savoir un peu plus en allant rencontrer une des équipes de France de Touch Rugby, la catégorie Men's Open, en stage à Marcoussis le week-end dernier.
À mon arrivée, rien d'exceptionnel par rapport au XV. L'odeur du vestiaire, l'esprit de convivialité, ça sent le rugby à plein nez ! Pourtant, à l'heure de l'entraînement, je me suis rapidement retrouvé complètement perdu ! « Scoop ! » « Rouge 33 ! » Ces mots résonnent en continu dans la voix de l'entraîneur Vincent Martin. Des combinaisons que j'ai du mal à différencier. Je cherche alors quelqu'un pour voler à mon secours et j'aperçois un joueur blessé à la cheville, qui regarde ses coéquipiers avec beaucoup de sérieux. Je m'approche donc de la personne en question, Alexandre Serre et lui demande quelques explications : « Scoop signifie que le joueur va ramasser le ballon et porter. Dans l'autre cas, ce dernier va juste faire la passe », m'explique-t-il. Tant que j'y suis, je lui demande également de m'expliquer le règlement :
Le Touch Rugby se joue à 6. Nous gardons le ballon jusqu'au cinquième touché. Au sixième, nous le perdons. Il y a donc toute une stratégie à mettre en place en fonction du nombre de possessions, exactement comme à XIII, sauf que nous n'avons pas le droit de jouer au pied.
Passé par le rugby à XV et ayant joué à Pontault-Combaut en tant que troisième ligne aile, Alexandre a découvert le Touch Rugby par un collègue de travail. Il en est devenu fan et a trouvé dans cette discipline un moyen de pouvoir poursuivre sa passion rugbystique, en évitant la phase de « contact » qui lui a causé de nombreuses blessures. Il déplore aujourd'hui que cette pratique ne connaisse pas plus de succès :
Quasiment personne ne connaît le Touch et c'est bien dommage. C'est un sport très intéressant, qui demande une très grande habileté technique et une bonne condition physique, car nous jouons tous individuellement quasiment 80 minutes par jour sur les tournois (match de 2 fois 20 minutes, répétés entre trois et quatre fois dans la même journée). De plus, les joueurs sont divisés en plusieurs catégories, comme ça, tout le monde peut jouer, sans prise de tête.
Il existe en effet trois catégories pour les filles aujourd'hui (Open, 27 et 35) et quatre pour les garçons (Open, 30, 40 et 50). On peut également voir apparaître dans cette discipline des catégories mixtes ! Elles seront notamment deux à représenter la France à la prochaine Coupe du monde en Malaisie (Mixed Open et Mixed 30).
Des profils très diversifiés
Vous l'aurez donc compris, le Touch Rugby est ouvert à tous et à toutes. De ce fait, on retrouve dans les équipes de France de nombreux athlètes avec des parcours très différents. Car oui, on peut jouer en Touch Rugby sans n'avoir jamais fait de rugby auparavant ! C'est le cas de Yannick Bizec, le capitaine : « Je suis passé par le football, c'est dire ! », rigole-t-il. « J'ai ensuite découvert le Touch lors de mes études à Grenoble et j'ai continué à le pratiquer lorsque je suis parti en Angleterre. » Joueur cadre de cette équipe de France Men's Open, Yannick s'envolera pour l'Australie après la Coupe du monde, pour évoluer dans un club semi-professionnel.
Cette diversité, les deux entraîneurs, Vincent Martin et Adrien Bouillet, s'en servent beaucoup, même s'il elle n'est pas toujours évidente à gérer, comme le souligne ce dernier :
Ce qui est difficile pour nous, c'est que nous avons plein de joueurs avec des façons de jouer différentes. On est donc obligé de prendre vraiment le temps lors des entraînements pour que tout le monde puisse jouer une combinaison de la même façon par exemple. Dans certains clubs ils vont la faire comme ça ou comme ça, mais nous en équipe de France, on va la faire comme on l'a définie. Et donc les joueurs doivent prendre le temps pour s'imprégner les combinaisons. De plus, nous jouons à 6, mais nous sommes 14 sur la feuille de match. Il y a donc beaucoup de rotations et à l'image du hockey, nous fonctionnons par ligne. Quand 4 joueurs sortent, 4 autres rentrent. De ce fait, remonter le ballon avec des joueurs qui rentrent et qui sortent du terrain, ça fait partie des combinaisons. Il faut donc réussir à trouver les affinités entre les joueurs et les ajustements à faire, pour que ceux-ci sachent exactement à quel endroit on veut emmener la défense tout au long de notre mouvement pour avoir des opportunités de scorer dans la zone décisive, à savoir les quinze derniers mètres.
Ces deux entraîneurs eux-même ont découvert la pratique du Touch un peu par hasard, mais de manière totalement différente. Adrien, lui, était déjà plongé dans le monde de l'ovalie. Lors d'un voyage en Nouvelle-Zélande, puis en Australie, il a découvert cette discipline et en est tombé amoureux : « C'est un sport convivial qui se joue souvent entre collègues là-bas. On dispute des matchs le mercredi et le jeudi soir, et ceux-ci sont souvent accompagnés d'un barbecue. En Nouvelle-Zélande et en Australie, c'est le sport fun de l'intersaison. »
Vincent en revanche n'avait que très peu touché au ballon ovale, excepté à l'université. À la recherche d'un sport collectif, il a découvert le Touch en Angleterre et a décidé par la suite de s'y essayer en France, du côté de Grenoble : « J'ai commencé à y jouer et ça m'a beaucoup plu. Depuis, je n'ai jamais arrêté. » Vincent est donc, tout comme Adrien, désormais un adepte de ce sport qui se joue par « beau-temps », comme il le décrit, les compétitions majeures se déroulant vers avril-mai (Coupe du monde) ou début juin (Championnats d'Europe). « On arrive malgré tout à jouer quasiment toute l'année au Touch », rajoute-il.
Pourtant, s'ils accueillent un certain nombre d'anciens quinzistes en équipe de France, un processus de déformatage est obligatoire pour pouvoir pratiquer le Touch Rugby, comme nous l'explique Adrien :
La comparaison avec le rugby classique se joue dans la technique individuelle et dans la technique de course. Après dans la stratégie, c'est un autre sport. Nous sommes obligés de déformater les joueurs qui viennent du rugby à XV pour les adapter à la pratique du Touch. On garde les facultés techniques qu'ils peuvent avoir, mais la lecture de jeu est complètement différente. Un intervalle au XV n'est pas un intervalle au Touch. Dans ce sport, l'objectif est plutôt de prendre le touché pour bloquer le défenseur et libérer de l'espace ailleurs. Mais ça, c'est une mentalité qui ne vient pas naturellement au début, ça se formate.
Coupe du monde : J-45
Dans un peu plus d'un mois (45 jours), les équipes de France se lanceront à l'assaut de la Malaisie pour disputer la Coupe du monde de Touch Rugby. Une étape très attendue par l'ensemble des membres tricolores, même s'ils savent que le niveau de la compétition sera forcément élévé, comme tient à le rappeler Vincent :
La Coupe du monde (pour la catégorie Men's Open) s'organise de la façon suivante : deux poules, une de huit et une de neuf équipes. Nous nous retrouvons dans la Poule B avec la Nouvelle-Zélande, l'Irlande, le Pays de Galles, les Pays-Bas, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les États-Unis, les Îles Cook et les Philippines. Les deux premiers sont ensuite qualifiés pour les demi-finales. Ça sera donc très difficile pour nous d'obtenir un ticket pour le dernier carré. Aujourd'hui, c'est plutôt un rêve. Raisonnablement, j'aimerais qu'on vise une quatrième place dans cette poule, ça serait déjà très bien. La difficulté, c'est que certaines équipes comme les Îles Cook, qu'on aurait tendance à négliger, font office d'équipe B de la Nouvelle-Zélande (la meilleure nation actuellement avec l'Australie). Les États-Unis ont également beaucoup progressé dernièrement, comme au rugby à 7. De manière générale il n'y aura pas de petites équipes. Notamment car les nations européennes qui sont moins fortes ne font pas l'effort d'aller à la Coupe du monde. Il n'y aura donc pas de match facile.
Comment les États-Unis sont-ils parvenus à s'imposer dans le rugby à 7 ?Avant de s'envoler pour la Malaisie, l'équipe de France Men's Open effectuera un dernier stage de préparation pour « régler les détails et travailler la cohésion », explique Vincent. Ils en sont aujourd'hui à leur cinquième stage depuis le début de la saison et ont travaillé principalement autour de la remontée de balle lors de ce rassemblement à Marcoussis. Faute de tournois, ils se sont opposés en fin d'après-midi aux Men's 30, une équipe relativement proche de leur niveau. Car effectivement, la principale difficulté qui touche aujourd'hui les équipes de France de Touch Rugby est : l'argent. De ce fait, les sélectionneurs doivent souvent faire des choix cornéliens dans leur préparation, comme c'est le cas de Vincent et Adrien :
En ce qui concerne les tournois de préparation, on a eu la volonté de participer à quelques-un d'entre eux, mais c'était assez compliqué, que ça soit en termes de date ou d'opposition. Nous sommes également confrontés à des limites financières. Par exemple, au lieu de faire ce stage à Marcoussis, nous aurions pu aller faire un tournoi en Angleterre. Mais en cette année de Coupe de monde, qui est déjà très loin (Malaisie), le côté financier ne peut pas être négligé, car les joueurs participent de leur côté (la participation à la Coupe du monde coûte 2000 euros). Donc si on avait des moyens financiers différents, on pourrait de toute évidence avoir plus de préparation. Après, sur place, nous aurons le temps de jouer des matchs, car nous partons une semaine avant la compétition. De ce fait, après quelques jours d'acclimatation là-bas, nous aurons le temps de mettre en place des oppositions. On montera de manière progressive en intensité pour être prêts lors du premier match face à l'Irlande.
Si l'objectif de l'équipe phare est aujourd'hui une quatrième place de poule à la Coupe du monde, les ambitions du Touch Rugby en France ne devraient pas s'arrêter là. Cette discipline naissante cherche à se rapprocher de plus en plus du rugby à XV et espère à long terme pouvoir envisager d'intégrer la FFR. En attendant, ils restent de simples amateurs passionnés aujourd'hui. Le voyage en Malaisie coûte de l'argent donc n'hésitez pas à leur donner un coup de main : https://bit.ly/TF-TWC2019
Le groupe Men's Open pour la Coupe du monde :
Crédit photo : Touch France - Men's Open
Jako33
Merci pour cet article le Rugbynistere ! Content qu'on parle du Touch, qui est un sport très intéressant dans l'approche du rugby, par l'évitement et technique individuelle biensûr, mais plus encore par le l'importance du timing et de la tactique. C'est vraiment un sport parfaitement complémentaire du XV.
Lolo06
Faites que le touch rugby hisse le rugby français au niveau des nations qui ont eu l’intelligence de le développer et qui le pratiquent au sein de toutes leurs familles, écoles et clubs. Ces memes nations qui nous humilient régulièrement par leur jeu rapide. Le fondement d’un rugby basé sur l’évitement, la mixité et l’inter-générations, mais surtout pas du rentre dedans à tout va dans lequel trop de gamins s’abîment stupidement et qui fait que notre rugby national moisit doucement. Bravo pour ce bel article!