- 18 mêlées (en comptants les mêlées refaites) : ce qui est beaucoup, les standards pour le niveau international étant autour de 10-12 par match.
- sur ces 18, 13 ont donné lieu à une introduction Italie.
- chaque équipe a récolté 1 bras-cassé et 1 pénalité (convertie en 3 points pour l’Italie).
- la France a perdu 1 ballon sur sa propre introduction.
Pour comprendre l’influence réelle du secteur de la mêlée sur le jeu en lui-même, il faut pousser l’analyse un peu plus loin ; pour cela j’utilise deux niveaux d’observation :
- 1er niveau : le plan serré = travail analytique. On étudie par poste, par ligne, puis par bloc qui fait quoi…appuis, liaisons, postures, synchronisation, axes de poussées, actions-réactions. Ce qui est parfois difficile aux vues des images diffusées...
- 2ème niveau : le plan large = les conséquences. Quel jeu possible après cette phase ? Et dans quelles conditions ?
Première analyse : 2ème mêlée du match -> introduction Italie dans leurs 40M
La mêlée va durer 6 secondes après que l'arbitre a commandé l'entrée = « SET ». Elle est plutôt stable du côté Ben Arous-Cittadini, la lutte est légale car les dos et les appuis sont parfaitement placés. L’effort italien va se porter sur l’autre axe Slimani-Lovotti (4’36) afin de pouvoir orienter celle-ci et faciliter la sortie dans un 2ème temps. Cette pression opposée oblige le gaucher français à replacer son appui sur le côté (appui gauche 4’37), ce qui est toujours très perturbant. D'ailleurs, Cittadini lui remet immédiatement une forte pression dans l’axe mais le ballon est déjà dans les mains de Parisse. Voilà pour le plan serré.
Sur le plan large, on s’aperçoit que la mêlée est parfaitement orientée pour jouer plein champ (la 3ème ligne française est éloignée) mais Parisse et Gori restent bizarrement sur l’option du côté fermé où ils sont attendus par Lauret, Vakatawa et Bézy, qui enclenche immédiatement sa bascule. Chance, réussite... La maladresse de Parisse l’oblige à changer le sens de jeu et à venir attaquer la ligne d’avantage pour mettre son équipe dans l’avancée. En deux temps de jeu, une inversion et un jeu au pied haut + pression dans la zone de retombée du ballon, l’Italie sort proprement de son camp et réussit à se procurer sa première occasion franche d’essai.
La suite p.2
Deuxième analyse : Début de 2ème mi-temps -> un retour de vestiaire difficile pour la mêlée française
Sur la première mêlée (42’) : Rabah Slimani est accusé de se mettre en travers par M. Doyle. Les images vues de dessus lui donnent raison car avant l’introduction, le droitier français a déjà les épaules orientées vers le talonneur italien, sa liaison est très courte sous le bras de son vis-à-vis. Au moment de l’introduction (42’24), le gaucher italien va lui aussi chercher à croiser ce qui va accentuer cette sensation de pousser en travers.
Malgré tout, à aucun moment l’Italie ne cherche à stabiliser l’édifice avant l’introduction du ballon (4’21 à 4’24 : utilisé plusieurs fois dans le match) et l’orientation épaules/bassins de Guirado et de Ben Arous me laisse penser que l’option stratégique de départ était bel et bien "d’enfermer" cette mêlée italienne dans le côté fermé. Au-delà de la faute, c’est l’endroit de celle-ci qui est regrettable car cette pénalité va permettre à l’Italie de passer devant au score. (10-11, 42')
Sur la deuxième mêlée (47’) : les images diffusées ne nous permettent pas de clairement identifier les raisons de cette perte de balle, mais la position de cette mêlée laisse quelques regrets quant à son exploitation à ce moment-là. (10-18, 48').
Enfin, sur la 3ème mêlée (48’) : M. Doyle sanctionne le pack français d’un bras cassé pour anticipation. Après 2 mêlées difficiles, c’est la volonté d’en découdre qui s’exprime là. C’est compréhensible mais pour rivaliser avec le TOP 5 mondial, c’est ce genre d’erreur qu’il faudra gommer... L’action suivante, autour de la 50e minute, comme souvent le staff français coachera ses 2 piliers auteurs d’un gros combat face à cette belle mêlée Italienne.
Troisième analyse : Essai Bonneval -> la mêlée comme rampe de lancement
Imaginez : après avoir bataillé 50 minutes avec Ben Arous et Slimani, la première-ligne italienne a vu arriver deux spécimens, l’un de 120 kg et l’autre de 140 kg pour continuer le boulot... DÉPRIMANT ! Cette mêlée va durer 6 secondes après que l’arbitre a commandé l’entrée. Même si Atonio se retrouve avec les jambes un peu tendues (= pas de force à transmettre), sa masse et le soutien de Maestri et Camara (qui reste en pression jusqu’à la libération du ballon) lui permettent de caler l'édifice assez longtemps pour pouvoir permettre à Chouly de transmettre à Bézy. Trois temps de jeu plus tard, Bonneval marque en coin. (17-18, 60')
Depuis l’arrivée de Joel Judge à Word rugby, on peut constater une réelle évolution dans l’arbitrage de la mêlée afin que celle-ci se remette au service du jeu. Notamment avec le changement de règles qui a fait passer cette phase d’une lutte d’impact collectif, à une lutte de corps à corps par bloc pour arriver aujourd’hui à un vrai combat collectif. Ce combat est légiféré, encadré et accepté de tous les acteurs du niveau international, quitte à être d’une passivité étonnante sur les introductions en seconde ligne.
Je pense que dans l’avenir, plutôt que d'avoir de grosses mêlées qui cherchent à tout détruire sur leur passage, quitte à perdre une énergie terrible pour chercher des pénalités qui ne viendront plus, nous verrons arriver - ils existent déjà - des paquets plus toniques et plus intelligents qui chercheront à bien orienter et canaliser leurs ballons pour pouvoir lancer proprement le jeu dans des zones de plus en plus éloignées de la zone conquête. (-> 3ème analyse et l'essai de Bonneval). Mais qui, défensivement, feront l’effort sur quelques mêlées en fonction des zones stratégiques et des moments du match afin de garder l’adversaire sous pression. Exactement ce que va proposer l’Irlande à la France ce week-end...
Au niveau international, la mêlée est redevenue le début de quelque chose, quand elle est trop souvent la finalité dans nos championnats domestiques. Les raisons sont diverses mais la réalité est belle est bien celle-là.
Vous pouvez contacter Nicolas à l'adresse mail suivante : [email protected], ou via la page Facebook officielle.
Vincent Clair
Phase de jeu difficile à comprendre et aussi à arbitrer, mais à mon avis si les arbitres de touches participaient "mieux", il y aurait moins de décisions bizarres.
Salade de Phalanges
Si il y a bien un secteur du rugby où même après des années tu comprend toujours pas grand chose, c'est bien la mêlée. C'est une très bonne idée de nous décortiquer cette phase de jeux. Cependant je pense que pour comprendre réellement faut avoir jouer pilier!
darkodonnie
oui mais pointud triche en poussant de travers en désaxant en permanence ses appuies ainsi Atonio a des circonstances atténuantes contre Brive et ses hochements de tête envers l'arbitrage en disent long
Marc Lièvre Entremont
Eh bé ça semble rejoindre ce que je répondais à Artillon.
artillon
Etonnant comme un pilier peut être moyen un week-end, et très fort le week-end suivant.
Atonio se fait par exemple battre par Pointud une semaine avant de montrer toute sa puissance contre l'Italie.
Idem pour Poirot.
Paradoxalement, la mêlée titulaire et censée avoir plus de repères a été battue par son homologue. Les deux piliers remplaçants avaient en même temps beaucoup à prouver, c'est vrai.
J'ai hâte de voir aussi l'explosif Camille Chat, peut-être vers la 60ème contre l'Irlande.
Nos 2 premières lignes sont jeunes, sans parler des pointures absentes (Baille, Pointud, Etrillard, Simotuga pour ne citer qu'eux).. Dans le rugby du nord notamment, une grande et forte mêlée continue d'être obligatoire.
En tout cas merci pour cette analyse !
Marc Lièvre Entremont
Ça ne m’étonne pas plus que cela perso, l'exercice de la mêlée me semble être un peu un tango, ça se joue à deux, et l'"ombre" que tu as en face de toi semble être pour beaucoup dans la réussite, ou l’échec de ton match de pilard.
Je ne suis pas expert de cet exercice, peut-être suis-je à côté de la plaque...
ladesh
et le "😜etit" Poirot, on l'oubli dans la bataille!!!!
malgré sa jeunesse et sa première cape il a fait une très bonne rentrée
LouRugby
Pas le meilleur match de notre première ligne mais elle saura se rattraper pour la suite. J'aimerai bien voir au moins une fois dans le tournoi Atonio titulaire, il fera bien mieux que contre la Roumanie et peut vraiment apporter dans le jeu courant.
chienchic
Article très pro, lumineux et bien vulgarisé
Cyanman
Excellent article, on en redemande !
Et puis ça change un peu des gentilles vidéos du style "L'énorme offload de l'espace de Sonny Bi face aux Aussies" ou encore "Ivre mort, un pilier de 3ème division moldave se fait dessus au moment d'entrer en mêlée".
EliepoinT
Super article!! Encore des comme ça!
Theobit
Le dernier paragraphe de l'article me fait penser à la mêlée Roumaine du mondiale qui n'avait pas la puissance du pack français, mais qui a joué très intelligemment en accélérant la sortie de balle.
Ils n'ont (pratiquement?) perdu aucune introduction, et ça a perturbé l'équipe de PSA basée sur la puissance.
titouduceu
Super. Merci!
La Gérasse
Très intéressant. Merci de nous éclaircir sur cet exercice bien souvent confus.