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La vie du rugby amateur : la bagarre générale
Lumière sur une phase de jeu importante du rugby amateur.
Si tu as ta licence, tu as forcément déjà répondu aux 3 questions du lundi : « T'as joué ce week-end ? Vous avez gagné ? C’est tombé ? ». Tu repenses alors à ce beau moment souvent incompris : la générale.

Dimanche après-midi. Dixième minute de jeu. Le ballon s’envole dans les airs, comme s’il ne voulait pas assister au spectacle qui va arriver. Pas de bol : c’est ton deuxième ligne qui est à la retombée. Terrorisé et ne sachant que faire, il tourne timidement ses mains vers le ciel et prie pour un miracle qui n’arrivera jamais. En-avant. Enfin, la voilà, la première mêlée. Dans le pack, le silence règne. Seulement des hochements de tête et quelques regards malicieux. Tout le monde le sait, on l’a annoncé dans les vestiaires. C’est l’heure de la bagarre.

Il faut dire qu’ils l’ont cherché. Ce n’est pas faute de les avoir prévenus qu’il y aurait un match retour. Cette fois, on est sur notre territoire. Les chiens pissent sur les murs, les rugbymen relèvent la mêlée. Certaines équipes ont même leur annonce dédiée. Par tradition, un nom de jeune fille. Même au rugby, un peu de poésie ne fait jamais de mal.

L’arbitre, qui sent que quelque chose se trame, désigne le lieu de la bataille. Les premières lignes se placent telles deux cerbères ventripotents, se défiant du regard avant d’entrer en collision. Le demi de mêlée introduit le ballon. Non merci. Pour une raison purement architecturale, c’est au deuxième ligne qu’incombe le rôle de détonateur. Il délie lentement son bras, crispe ses mâchoires et fait feu dans le tas. Un claquement retentit. Le tir a fait mouche. Manque de bol, c’est ton pilier qui se relève, le nez en virgule. Tant pis. Il est trop tard maintenant, il faut réparer cette injustice. Les poings se ferment, les arcades s’ouvrent et le temps s’arrête. Ça y est : ça tombe !

Les bras encore liés à leurs piliers, les deux talonneurs, impuissants, font office de paratonnerre tandis que le neuf en profite pour porter une fourbe estocade, avant de se réfugier sans vergogne derrière ses gros qu’il n’a jamais autant aimé. Les moulinettes sont de sortie. Certains tentent un coup de poker et s’inventent une attitude de boxeur. Depuis l’autre bout du terrain, la cavalerie des trois-quarts arrive en renfort à grandes enjambées. Les rafales de phalanges pleuvent. Comme à Noël, les marrons sont chauds, on donne et on reçoit, mais toujours « à 15 et bien serré » selon les consignes de l’entraîneur.

Dans le chaos total, on s’échange les poings de vue sous les hurlements du sifflet de l’arbitre. Évidemment, les coups de pied sont proscrits : cela reste un sport de gentleman. Une dent jaillit du regroupement et tombe à côté de la gonfle, qui connaît là son seul moment de répit du match. Les trente-quatre personnes autour de la main courante exultent, renvoyées à l’état primaire par ce drôle de spectacle. De la sauvagerie pour les profanes, une simple phase de jeu pour nous.

Les esprits se calment enfin. K-O, Lolo sort sur civière. La fin du match, il la découvrira demain en lisant le journal. Les capitaines, avocats de 15 diables malgré eux, sont appelés à la barre. Habitués, ils récitent un plaidoyer qu’ils connaissent par cœur : « Mais Monsieur, pour se battre, il faut être deux » ! La sentence tombe. Les malheureux pris par la patrouille (souvent les moins discrets) se serrent la main avant de regagner les tribunes. Il fallait montrer qu’on était chez nous.

L'orage passé, le jeu reprend ses droits avec quelques joueurs en moins, comme si de rien n'était. Car c’est là la drôle de magie du rugby. Quelques heures plus tard, ceux qui ne désiraient que la mort lente et douloureuse de leur adversaire, chanteront les mêmes chansons et partageront le même fût de bière, tous amoureux du même sport. Après tout, Lucien Mias le disait si bien : le rugby est le seul sport où l'on se rencontre, alors qu'ailleurs, on ne fait que se croiser…

Merci à Yannis Dom pour cet article ! Vous pouvez vous aussi nous soumettre des textes, pour ce faire, contactez-nous !

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  • mounjet
    24725 points
  • il y a 7 ans

N'oublions pas que le rugby est par définition un sport de combat régi par des règles collectives (le seul si je me rappelle bien). L'agressivité et les coups sont inévitables et légiférés. Alors, certes quand on transgresse la règle en s'adonnant à la soule, on est en tort. Mais certes aussi, les paroles d'évangile des jean-michelcépasbien du dimanche ne prennent pas en compte les inévitables affrontements du combat. Ce qui est plus emmerdant, c'est la programmation des festivités à l'avance... Même si des fois c'est surtout venteux, j'ai aussi vu de temps en temps de vrais sales coups et des pignes pas drôles. ceci dit, il me semble que ça s'est un peu radouci depuis 20-30 ans et notamment la fin des mêlées poussées en séries.

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