Document exclusif : La lettre de Jonathan Sexton à Brian O'Driscoll
Document exclusif : La lettre de Jonny Sexton à Brian O'Driscoll...
Document exclusif déniché par l'Immonde du Rugby : La lettre envoyée par Jonny Sexton à Brian O'Driscoll. Boulversifiant.
Document exclusif ! Le département espionnage de l'Immonde du Rugby a mis la main sur la lettre que Jonathan Sexton a récemment envoyée à son ancien mentor au Leinster, Brian O'Driscoll. Le demi d'ouverture du Racing Métro y confie ses états d'âmes et son mal-être depuis son arrivée dans les Hauts-de-Seine. Une missive bouleversante...

Cher Brian,


Je t'écris pour te dire que tu avais raison. J'aurais pu te le dire de vive voix, il y a quelques semaines, lorsque nous nous sommes retrouvés en sélection. Mais je n'en ai pas eu le courage : question d'amour propre, sans doute. Néanmoins, après les défaites du Racing contre Clermont et les Harlequins, je crois qu'il ne m'en reste plus beaucoup. Ainsi, aujourd'hui, je prends ma plume pour faire mon mea culpa.

Je me souviens que tu m'avais déconseillé de partir en France, il y a quelques mois. Tu m'avais raconté qu'après la coupe du Monde 2007, tu avais été courtisé par Biarritz, et qu'avec le recul, tu n'avais jamais été aussi heureux de dire non. Je t'avais traité de vieux con, trop flippé à l'idée de sortir de ton bled, ce patelin d'éleveurs de moutons qui t'a élevé au rang de Dieu vivant, à la droite de Jésus Christ et de Bono. Je m'étais moqué qu'un club comme Biarritz espère te recruter. Sérieusement, Brian O'Driscoll à Biarritz ? Et pourquoi pas Dan Carter à l'Usap tant qu'on y est ! Je t'avais dit que moi, c'était un vrai grand club, prétendant au bouclier de Brennus et à la Coupe d'Europe, qui mettait le pognon sur la table pour moi. Aujourd'hui, je me dis que Biarritz c'était peut-être pas si mal : si la qualité de jeu est quasiment la même, au moins là-bas il y a la plage.

Pourtant, je m'étais laissé séduire. On m'avait promis Paris. La Ville Lumière. La Tour Eiffel, l'Arc de Triomphe, le Louvre. Je m'étais projeté dans un mauvais film de Woody Allen où Carla Bruni jouerait aussi mal que Frédéric Michalak dans une pub Sofinco. Mais mon quotidien, malheureusement, n'a rien d'une carte postale animée d'1h30.

Parce que le Racing, déjà, ce n'est pas Paris. En fait, je crèche dans un pavillon de banlieue à Antony. Là-bas, tout est si mort. Mes voisines sont de vieilles bourgeoises qui s'ennuient et croient s'encanailler en lisant Fifty Shades of Grey. Les plus délurées d'entre elles se glissent parfois un doigt dans la culotte en matant un poster de Nicolas Sarkozy. Leurs maris sont souvent absents. Tous sont des sosies de notre président, Jacky Lorenzetti. Le genre qui portent des pulls noués autour des épaules, qui jouent au tennis entre couilles fripées le week-end et qui prennent leur pied en faisant des karaoké de Michel Sardou aux congrès du MEDEF. Ah putain, je regrette tant Dublin !

Bien sûr, je pars souvent en expédition à Paris, pour me changer les idées. Mais la gare est à 15 minutes à pied, et il en faut 30 de plus en RER pour rejoindre le centre la capitale. Le RER ! Tu verrais la ligne B... elle est peuplée par des gens qui s'habillent comme Mathieu Bastareaud et à l'intérieur, ça sent comme dans le short de Luc Ducalcon après un match où il s'est chié dessus en mêlée pour la énième fois. J'aurais dû me douter de quelque chose pourtant. Le « Racing Métro »... quand tu inclus pas ta ville dans le nom de ton club, c'est bien parce que t'as honte de quelque chose.

Tu te doutes bien que dans un tel environnement, il est difficile de s'épanouir. Finalement, le seul truc qui me rappelle le pays, c'est le premier truc que j'ai cherché à fuir en venant en France : Ronan O'Gara. Ronan est comme une vieille gastro, c'est toujours quand tu crois en être définitivement débarrassé qu'il revient à la charge. Tous les matins à l'entraînement, je suis obligé de me taper son sourire faux cul de vendeur de voitures d'occasion, ses conseils à la con. J'ai 27 ans bordel, je l'ai pas attendu pour savoir taper une pénalité ! Pendant les matchs, il épie mes moindres faits et gestes. Il vient m'apporter mon tee, alors que n'importe quel ramasseur de balle, comme le petit Marc Andreu, pourrait s'en charger. Dès que je rate un coup de pied, il me glisse à l'oreille « Ah, je l'aurais mise celle-là ». Je crois qu'un jour je vais craquer et lui en coller une dans sa sale gueule toute rouge en direct. Mais ça ferait trop plaisir à la presse, qui attend le moindre faux pas pour parler de « crise » au Racing.

En même temps, c'est vrai, ça se passe pas très bien depuis le début de la saison. On joue comme des merdes ! Mais apparemment, ça, c'est normal, puisqu'on est en Top 14. Le French Flair... au lieu de regarder des compilations d'essais sur Youtube, j'aurais mieux fait de mater un derby basque en streaming, j'aurais tout de suite compris l'arnaque. Mais même en jouant petit bras, on ne gagne pas. Il y a manifestement un problème avec les coachs. Labit et Travers, ils me font pourtant marrer. C'est un peu le cliché good cop - bad cop. Le premier est chauve et a l'air gentil, le deuxième a des cheveux gominés et a l'air très con. Mais les deux sont sans solution. Du coup, celui qui a l'air con passe son temps à dire que c'est la faute des arbitres si on perd, confirmant que les apparences ne sont pas toujours trompeuses. Ils feraient mieux de bosser leur anglais déjà, ça faciliterait les choses. Quand tu as fait ta carrière entre Montauban et Castres et que t'as l'intention de coacher le RC Barbarians, faire une formation de 3 mois chez Wall Street English serait pourtant la moindre des choses.

Moi-même, je suis très critiqué depuis mon arrivée. Je ne suis pas bon, c'est vrai. De là à me mettre sur le banc et à titulariser Benjamin Dambielle à ma place, je crois qu'il faut quand même pas déconner. Je m'étais jamais senti autant humilié de toute ma carrière... et pourtant une fois, Aurélien Rougerie a réussi un plaquage sur moi. Les coachs me reprochent souvent de trop attaquer la ligne, de vouloir faire l'exploit tout seul. Du coup je leur demande « Mais je fais quoi, alors ? Je fais une passe à Fabrice Estebanez, à Henry Chavancy ? ou une sautée sur l'aile de Benjamin Fall ? ». Ils ont pas su quoi me répondre. Du coup, Labit a dit que c'était la faute des arbitres.

Vivement que Jamie Roberts revienne... enfin, revienne, vivement qu'il arrive quoi. Ca fait au moins 5 mois qu'il est blessé. Je sais qu'il est médecin – il le répète assez souvent quand il va draguer rue Princesse, ça marche super bien avec les gourdes fans de Grey's Anatomy – mais de là à s'opérer lui-même avec un cure-dent et du Mercurochrome, faudrait pas déconner non plus.

Depuis une semaine, Mike Phillips est arrivé lui aussi. Après Toulon qui essaye de reformer les Springboks 2007, Jacky essaye donc de recruter toute l'équipe des Lions Britanniques. Mike est arrivé au club, très souriant, très motivé, bon esprit, pas du tout l'image du mec arrogant qu'on se fait de lui. Par exemple, il a tout de suite sympathisé avec Maxime Machenaud, son concurrent à la mêlée. Enchanté, ce dernier lui a proposé d'aller dîner chez lui, et lui a même présenté sa copine. Je crois qu'on a pas fini de vivre des drames cette saison....

Bref, je sais que je te saoule probablement avec mes problèmes. Pour toi tout va bien. A 42 piges, tu cours toujours plus vite que Yannick Jauzion à 18 ans. Tu t'amuses à faire des passes entre les jambes en plein match, tranquille. Le Leinster marche sur l'Europe, vous avez écrasé Northampton 40 à 7... si vous vous arrangez pour pas rencontrer Clermont avant la finale, le titre ne vous échappera pas je suppose. J'aurais bien aimé te croiser plus tard dans la compétition, mais je me suis fait une raison. Cette année, je tente le doublé : gagner l'Amlin Cup pour la deuxième fois consécutive est sûrement l'objectif le plus raisonnable de la saison. On se retrouvera donc en sélection, pour le Tournoi. Enfin vu mon niveau de jeu actuel, je suppose que tu joueras avec ce puceau rouquin de Paddy Jackson. Moi je lui apporterai le tee, et j'aurai alors réalisé mon pire cauchemar : me sentir aussi vieux, mauvais et aigri qu'O'Gara.

Je te laisse, je pars faire une séance photo avec Mahout, l'éléphant obèse qui sert de mascotte au club. Sûrement le seul truc qui respire que Mike Phillips n'essayera pas de sauter pas avant la fin de la saison. Allez, prends bien soin de toi.

A bientôt, Ton Jonny.


PS : Presse le pas facteur, car l'amitié n'attend pas.

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