Soudain, les trompettes retentissent dans les couloirs du Rugbynistère. On nous annonce l’arrivée de deux émissaires importants, venus de loin. Ils ont un message. Nous vous parlons bien sûr de Thierry Duroutard et de son cher compagnon de voyage Tana Plinlaevalis.
Après avoir parcouru les terrains sablonneux de Turquie, après avoir bravé le froid Canadien et triomphé de la paella Madrilène, nos deux aventuriers sont de retour pour leur première mission de 2013 ! C’est avec une hâte à peine contenue que je les presse de me raconter d’où ils viennent. Cet épisode ne les a pas laissé indemnes apparemment. De leurs lèvres transies de froid, je tire quelques mots comme « Ecosse », « Inde », « Kabaddi ». Je décide d’en savoir plus. C’est là que Thierry me tend fébrilement son rapport… »
Interview pour le Rugbynistère : Grégoire Delhon, international écossais de Kabaddi !
Thierry Duroutard : Bonjour Grégoire, comment ça va ? Si le Rugbynistère des affaires étrangères a tenu à s’entretenir avec toi, c’est avant tout car tu présentes un profil très atypique, qui te mène de la France à l’Ecosse, en passant par l’Inde, puis du Rugby au Kabaddi.
Peux-tu nous commencer par nous parler de toi et de ton rapport au rugby ?
Bonjour le Rugbynistère! Je me présente rapidement : je m’appelle Grégoire, 19 ans, et je suis étudiant en finance et marketing à Strathclyde University à Glasgow. Même si j’habite actuellement en Ecosse, je suis 100% Français et viens de Colombes.
Pourquoi ai-je choisi de partir en Ecosse ? Sûrement pas pour le soleil... Pour être honnête, j'y suis arrivé un peu par un concours de circonstances pas forcément prévues, mais je m'y plais énormément!
En ce qui concerne le rugby, j'ai commencé à jouer assez jeune, vers sept ans pour le club du quinzième arrondissement de Paris. Après une longue pause vers le foot, j'ai repris à l’âge de quinze ans à Courbevoie et depuis je n'ai plus arrêté. Je joue à l'aile ou deuxième centre.
Tana Plinlaevalis : Et comment se passe le rugby en Ecosse, à Strathclyde University?
Le rugby universitaire est sans doute ce qui me restera de plus fort dans ma vie étudiante. C'est au rugby que j'ai tissé de vrais liens d’amitiés avec les étudiants locaux et que j'ai pu m’imprégner de la culture Ecossaise. A vrai dire, ce n’est jamais évident de s’intégrer dans une équipe lorsqu’on est étranger, mais l’équipe de l’université, c’est comme une deuxième famille. Comme la plupart des universités Anglo-Saxonnes, mon université est très axée sur les activités extrascolaires, et nous laisse jouer même lorsque le sport prend le pas sur les études. J’ai par exemple été exempté d’un partiel de finance un jour de match, à l’initiative de mon capitaine.
En termes de jeu, le climat et les terrains, souvent très boueux, nous obligent à pratiquer un rugby assez lent. Ce n’est pas une légende : il pleut vraiment beaucoup en Ecosse et parfois les terrains sont tellement inondés qu’ils sont impraticables.
Pour tout vous dire, le niveau est relevé mais reste amateur/universitaire. Ça nous permet de nous confronter à d'autres universités comme St Andrews ou Édinbourg mais surtout Glasgow University. Il y a une grosse rivalité entre Strathclyde et Glasgow en rugby universitaire et c'est toujours un match intense et plein de rebondissements.
Malgré ce que l'on peut imaginer, le rugby en Ecosse n'est pas le sport numéro un. Il y a une vraie religion du football, surtout à Glasgow ! Cependant à un niveau universitaire, je dirai que le rugby est sûrement le sport le plus populaire. Il existe une grosse fraternité entre les joueurs, on se côtoient tous les jours, certains partagent le même appartement… C’est une vraie famille… On vit, s’entraîne, fait la fête et part en vacance ensemble !
Je vous parlais de la pluie qui n’est pas un mythe, un deuxième mythe qui n’en est pas un est le fair play en Ecosse : je n’ai jamais assisté à une seule bagarre générale pendant un match de rugby depuis que je suis ici. Le public, les joueurs, tout le monde est vraiment très respectueux de l’adversaire. Surtout que le club doit payer des sanctions financières dès qu’on prend un carton, ce qui fait moins d’argent pour le dîner de noël.
T.D : Venons-en au fait ! Tu es un des premiers internationaux que nous interviewons ici, et pas des moindres, puisque tu viens de participer à une coupe du monde. Attention nous ne parlons plus de rugby mais de Kabaddi, un sport traditionnellement Indien. Tout d’abord, qu’est-ce que ce sport ? Peux-tu nous expliquer rapidement quels sont les règles et les principes de cette pratique ?
Ok, je vous présente le Kabaddi : C’est un sport indien originaire de la région du Punjab, qui se présente comme un melange de lutte et de tag. Le meilleur moyen de comprendre le sport reste de regarder une vidéo (voici un extrait de la dernière Coupe du Monde - un match qui oppose USA et Iran).
En ce qui concerne la composition d’équipe, nous sommes quinze dans toute une équipe : quatre défenseurs sont sur le terrain en permanence, pendant qu’une petite zone du terrain contient les attaquants et des défenseurs remplaçants (on peut donc y être six au maximum : généralement deux défenseurs remplaçants et 4 attaquants). Il y a donc dix joueurs par équipe en permanence sur le terrain. Le but est simple: quand on est attaquant, on passe par une sorte de petite porte délimitée par des plots, pour déboucher dans la zone adverse où on engage le contact avec les défenseurs adverses. Quand il y a un contact (un défenseur touché), le jeu passe en un-contre-un. Le but dès là est pour l’attaquant est de repasser par la porte sans se faire retenir. Tout ça en une limite de temps de trente secondes. Encore une fois, je vous recommande de regarder la vidéo, mes explications risquent de ne pas vous parler sans l’image.
C’est un sport qui peut se révéler violent parfois, mais qui nous a beaucoup rappelé le rugby dans ses valeurs et son respect de l’adversaire. Voyez sur la photo, le joueur qui me soulève ne m’a pas écrasé à terre malgré sa supériorité physique. Ce qui m’a fait drôle lors de mon premier match c’est que les indiens se tapent sur la cuisse en te regardant dans les yeux afin de provoquer le défi physique, ce qui a pu nous faire rire au début car nous n’étions pas forcément préparés à un tel choc culturel.
T.P : Ca a l’air très différent de tout ce qu’on connaît ! Et on imagine bien que c’est un sport qui a ses particularités aussi, non ?
Tout à fait. C’est, par exemple, un autre sport dans lequel la rivalité Inde-Pakistan se trouve exacerbée. Ce sont les deux meilleures nations de ce sport ! Ce sont d’ailleurs ces équipes qui se sont retrouvées en finale. Le Canada et l’Iran étaient les deux autres demi-finalistes, étonnamment, mais c’est un sport qui laisse peu de place aux surprises : on voyait mal une de ces 2 équipes détrôner une des deux grandes nations. Un autre fait assez remarquable pour que j’en parle ici, c’est que l’Iran et les États-Unis se sont retrouvés opposés en poules, dans un match à très haut suspens.
Sinon, c’est un sport qui parait très physique et très simple, mais il y a une énorme part de technique. Surtout en défense, où c’est totalement différent du rugby car le joueur ne cherche pas à passer mais à fuir, pouvant s’aider de ses deux mains. Du coup foncer la tête baissée n’est pas la solution…
T.D : Mais sinon, en termes de préparation, comment prépare-t-on un événement aussi important qu’une coupe du monde ?
Effectivement que pour ce type d’événement, la préparation était cruciale. En deux mois nous avons dû assimiler les règles et les différentes tactiques de jeu. Ça à l’air simple quand on regarde, mais c’est en jouant qu’on se rend compte qu’il s’agit d’une toute autre histoire!
Nous avions 3 coachs en Ecosse. Comme je vous l’expliquait, c’est un sport qui requiert un bon niveau technique pour pouvoir se défaire des prises, esquiver, attraper ; il était donc nécessaire qu’on soit suivis par un entraîneur qui s’y connaissait dans le domaine : c’est pourquoi on a pris un coach de Mixed Martial Arts et deux spécialistes de Kabaddi. Lors de notre préparation nous avons surtout accentué le travail sur les tactiques de jeu et la lutte, les bases en somme, puisqu’on partait de rien.
T.P : Pourquoi as-tu choisi de passer du rugby au Kabaddi ? A t-on des prédispositions particulières pour y jouer lorsqu’on est rugbyman ?
Qu’on soit clair : le Kabaddi n'a jamais été un rêve d'enfant ou une vocation pour moi, puisque j’ai appris l’existence de ce sport deux mois avant la coupe du monde ! Le gouvernement du Punjab avait à cœur d'inviter une délégation Ecossaise et a donc mandaté un coach, pour monter une équipe Ecossaise compétitive en deux mois. Légalement, il n’y avait aucune organisation autour de ce sport en Ecosse. Donc, plutôt que de recruter des joueurs à droite à gauche dans différents sports, il s’est tourné vers une équipe déjà formée. Il est donc rentré en contact avec une équipe de rugby – le sport qui se rapproche le plus du Kabaddi –, nous. Imaginez le truc : nous sommes quinze étudiants, on nous propose un voyage tous frais payés en Inde. C’est tellement gros qu’on n’y croyait pas au début.
Après une sélection de quinze parmi la quarantaine de joueurs nous avons monté une équipe de Kabaddi de toute pièce. En attaque, puisque c’est un type de jeu qui requiert de la vitesse et de l’agilité nous avons mis les arrières ; alors qu’en défense c’étaient plutôt les avants, bons plaqueurs et puissants.
T.D : Comment s’est passée la Coupe du Monde alors ? As-tu des souvenirs forts à nous partager ?
La coupe du monde a été un moment extraordinaire en tous points.
Du côté sportif, nous avons perdu tous nos matchs certes, mais avons progressé tout au long du tournoi. Il fait savoir que nous avons joué contre des professionnels, qui ont pour la plupart commencé le Kabaddi à 9 ans et vivent Kabaddi toute l'année! Cependant, notre façon de jouer a intéressé les médias et les spectateurs. Notre premier match de coupe du monde était en fait le premier match de Kabaddi de notre vie, contre l’Italie. On était un peu tétanisés au début, devant les 15,000 personnes du stade, vous imaginez bien. On a finalement compris vers la fin du match qu’il fallait jouer sur notre vitesse, comme nous n’étions pas au niveau sur le corps-à-corps. Nous avons joué sur l’agilité et la fougue plus que sur la force brute. Nos attaquants notamment ont fait tourner la tête de nombreuses défenses avec leurs appuis.
Du point de vue culturel, nous avons été très agréablement surpris par l’accueil des Punjabi. Partout ou nous allions, nous avons été reçus superbement. Lors de notre entrée dans le stade nous avions des colliers de fleur autour du cou, des danseurs qui nous accompagnaient... C’était le dépaysement total ! Et surtout, le fait que la foule était acquise à notre cause ! Nous étions la première équipe de « blancs » à participer, notre accessibilité auprès des supporters et notre amateurisme ont sûrement été ce qu’ils ont appréciés. En fait, les indiens étaient très heureux de nous accueillir car on était la preuve vivante que leur culture s’exportait. On était un peu l’attraction du tournoi avec nos kilts
(McCall’s Kilts), et j’ai même fait la une du Sunday Guardian.
Ce qui nous a aussi frappé en Inde, c’est l’organisation du tournoi (sans émettre de jugement de valeur) ; il « faut que ça marche ». Je m’explique : que le match commence à 17h20 au lieu de 17h, il va commencer, c’est pas un problème ! Un autre exemple qui concerne notre équipe : sur nos quinze joueurs, seulement deux noms ont été bien prononcés sur l’ensemble de la compétition. Dans les statistiques des journaux, un de nos remplaçants, qui n’est rentré qu’en cours de partie durant le dernier match (et n’a même pas marqué) est devenu notre meilleur marqueur de points. Et pour finir avec l’exemple des matchs de poule : il n’y avait pas de tirage au sort pour établir la composition des poules ; ce sont les organisateurs qui ont choisi les équipes afin que l’Inde et le Pakistan ne s’éliminent pas d’entrée de jeu. On ne s’est pas trop préoccupé de ces détails, mais ça nous a bien fait rire. Quand on sait que c’est un évènement sportif dont la cérémonie d’ouverture a été regardée par un demi-milliard de personnes, on ne peut que constater qu’il y a un vrai clash culturel !
T.P : Et tu te vois continuer dans ce sport ?
Pour tout vous dire, quand bien même je le voudrais, mes parents me ramèneraient à la raison. J’ai passé un incroyable moment à la Coupe du Monde, mais je sais que les études sont plus importantes. J’aime le Kabaddi, mais fort est à parier que les athlètes écossais qui prendront part à la prochaine CDM l’année prochaine seront payés, car le sport risque de se professionnaliser assez rapidement. Ils seront recrutés pour leurs capacités physiques, et je doute qu’on revienne chercher des étudiants à Strathclyde. Mais quelle belle expérience.
T.D : Merci pour ton temps Grégoire. Ca nous fait très plaisir d’avoir de l’engouement pour cette nouvelle section. Surtout, tu corresponds parfaitement à ce que nous recherchons : un profil atypique, une vision décalée, et une expérience assez dingue. En bref, nous sommes ravis que tu sois venu prendre contact avec nous. Merci encore !
stralis
j'ai compris c'est le kamoulox
ced
il pleut tout le temps, pas de bagarre à cause de Fair-play (faudra lui cauzer à lui) pffffiiiuuuuuu ... vont tous finir alcoolique là-bas.
ced
ça y est j'ai compris les règles, des trucs tordus j'en ai vu mais là ça joue le podium c'est sûr.