L'Immonde comité de sélection N°4
Ovale Masqué rencontre une star du rugby australien
Suite des aventures d'Ovale Masqué, qui revient sur le match France - Australie... et fait la rencontre d'une star des Wallabies.
« T'inviter voir France – Australie ? Tu déconnes ? Depuis quand on invite des passionnés de rugby au Stade de France ? Trouve-toi un streaming ou va te bourrer la gueule dans un bar gamin, ce match-là, il est réservé aux grandes personnes ».

Voilà ce que m'a annoncé Renvoi Profond, samedi après-midi, à quelques heures du coup d'envoi de France – Australie. Quelle ingratitude ! Depuis que je travaille à la FFR, j'ai fait tout ce qu'on m'a demandé. J'ai pris tous les risques. J'ai mangé les petits fours de Jo Maso. J'ai regardé des matchs du Castres Olympique un vendredi soir. J'ai même tenté de voler le slip de Gillian Galan. Pourtant, ça n'a apparemment pas suffit à leur prouver ma loyauté... Tant pis, pas de Stade de France pour moi, donc. Je n'irai pas taper des mains comme à un concert de Patrick Sébastien pendant que les buteurs s'élancent pour tenter une pénalité, je ne ferai pas la ola alors que l'on s'apprête à jouer une mêlée à 5 mètres de l'en-but, et enfin je ne scanderai pas le nom de Frédéric Michalak, ancien one-man-boys-band des années 2000, revenu en grâce aux yeux du public depuis sa participation à la Ferme Célébrités au Vietnam.

A la place de cela, je décide de me rendre dans un haut lieu de la communauté australienne à Paris, le Café Oz. Un endroit convivial, où l'on peut parler backpaking autour d'une pinte de Foster à 8 euros – oui, les prix, eux, restent parisiens. Arrivé sur place sur les coups de 20h, je me dirige vers le barman pour m'assurer que la rencontre était bien diffusée. Ce dernier n'est même pas au courant que les Wallabies jouent ce soir – il faut se rappeler qu'au pays des kangourous, le rugby n'est que le 6ème sport national, derrière le XIII, l'Australian Rule, le cricket, le lancer de boomerang et la belote. Quelques descendants de prisonniers expatriés viennent tout de même peu à peu remplir l'établissement. Sans doute espèrent-ils pouvoir se marrer autant qu'il y a deux ans, quand les Wallabies avaient infligé un beau 16-59 aux Bleus à Saint Denis. La seconde mi-temps de la rencontre avait été digne d'un jeu vidéo avec 6 essais marqués en 30 minutes – comme si les Australiens avaient activé un cheat code pour transformer les 15 joueurs français en Jérôme Porical. De manière générale, les Australiens réussissent peu aux Bleus, qui n'ont plus gagné contre eux depuis 2005. A quelques minutes du coup d'envoi, c'est donc plutôt confiants que les quelques Aussies présents reprennent en choeur « Advance Australia Fair », l'espèce de chanson de Noël ringarde qui leur sert d'hymne national. Et c'est encore pire quand on essaye de faire attention aux paroles, tellement niaises qu'elles auraient pu être écrites par Kylie Minogue. Rien à voir avec la superbe Marseillaise, qui au moins, elle, fait honneur aux Valeurs du rugby (c) puisqu'on y parle d'égorgement, de fourchettes dans les yeux et de sang impur. Yannick Nyanga, d'ailleurs, fond en larmes pendant l'hymne. Certains y verront une manifestation de son amour profond pour la patrie. Ou peut aussi penser que c'était parce qu'il s'agissait de la première fois depuis 5 ans qu'il passait un week-end sans avoir Guy Novès sur le dos. Du coup, comme Ingrid Bettancourt enfin libérée par les FARC, il a craqué et s'est complètement laissé aller. On avait d'ailleurs pu assister à un phénomène similaire lors de la première sélection en Bleu de Raphaël Lakafia, qui redécouvrait l'émotion de pouvoir rejouer au rugby après avoir passé deux ans à jouer pour Biarritz.

Le moment des hymnes est également l'occasion de découvrir les visages des Australiens, et de se rendre qu'il s'agit pour la plupart d'illustres inconnus. Enfin des inconnus pour les gens qui ne regardent pas le Super Rugby, ce tournoi amical qui permet aux sudistes de se préparer pour le 4 Nations. Chez les avants, les capitaines Horwill et Pocock sont absents. Et des arrières Wallabies qui s'amusaient à jouer à la baballe en 2010, il ne reste que Beale et Ashley-Cooper. Les autres sont tous à l'infirmerie : comme quoi on peut aussi très bien se péter un genou en jouant seulement 20 matchs par saison. Parlant de AAC et Beale, on remarque aussi qu'aucun des deux n'occupe son vrai poste : le premier joue à l'aile plutôt qu'au centre, tandis que le second pige à l'ouverture en l'absence de Quade Cooper et Marvin James Blair O'Connor (rayez les mentions inutiles). Bien que formé en 10, on observe dès le début du match que le joueur des Rebels n'est pas à son aise. On peine même à le reconnaître : est-ce bien lui ou bien un Pakistanais qui vendait des Tour Eiffel en plastique que Robbie Deans a récupéré en allant faire du tourisme ?

Le reste des Wallabies ne sont pas plus inspirés. Les Français, eux, jouent à la toulousaine (c'est à dire qu'ils s'appuient une grosse mêlée et un bon buteur – d'ailleurs Guy Novès devrait jeter un œil sur ce Michalak) et Picamoles marque rapidement le premier essai du match sur une action à deux fautes : contact avec Machenaud sur le départ au ras, pendant que Ouedraogo retient le flanker des Wallabies par le short. C'est peut-être le nouveau maillot bleu clair du XV de France qui perturbe Nigel Owens, qui doit avoir l'impression d'arbitrer le Leinster. Après cet essai, les Wallabies remettent la marche avant et posent la main sur le ballon pendant 20 bonnes minutes. Mais sans jamais trouver quoi en faire. Même la défense de Maxime Mermoz, apparemment plus à l'aise quand il s'agit de plaquer des garçons en slip pendant la page de pub à la mi-temps, ne menace pas la solidité de l'édifice français. Michalak joue dans un fauteuil (pas roulant, pour une fois) et ajoute un drop. 10 points d'avance à la mi-temps, les Aussies font la gueule et comme je suis désormais suffisamment bourré pour oser parler aux gens qui m'entourent, je décide d'aller chambrer l'un deux. Je repère une cible facile, un pauvre type avachi sur le bar, passablement saoul et l'air complètement défait. Mal rasé, le regard vitreux, il sirote son verre de vodka redbull en tremblotant, et invective régulièrement le barman, qui l'ignore poliment, comme le font tous les bons barman lors de ce genre de situations, assez courantes lorsqu'on pratique le métier. Je m'approche pour savoir ce que cet homme délirant peut bien avoir à raconter.

- Et qu'est-ce qu'il y connait au rugby, Robbie Deans ? Rien ! RIEN DU TOUT ! Moi je dis, l'homme de la situation, c'est Ewen McKenzie. Oui ! Parfaitement monsieur !

Puis soudain, je reconnais le visage derrière l'épaisse barbe. C'est Quade Cooper ! En personne. En 2 saisons, Quade a vécu une sorte de version condensée et accélérée de la carrière de Frédéric Michalak : des débuts géniaux, des titres, des compilations de ses meilleures actions qui tournent en boucle sur youtube. Puis il y a eu une Coupe du monde merdique, une grave blessure, un retour poussif, et enfin ses sorties médiatiques contre Robbie Deans et la fédération australienne, qui lui ont valu une suspension pour cette tournée d'automne. Et une réputation de diva qui risque de lui coller à la peau pour un moment. Apparemment, il a profité de ses vacances pour suivre ses camarades et visiter la capitale. Il en garde probablement un bon souvenir, puisque la dernière fois qu'il était venu il avait fêté la victoire des Wallabies en se battant avec ses coéquipiers dans un rade de la rue de la soif. Une troisième mi-temps réussie, donc. L'occasion est trop belle. Je décide d'aller lui parler.

- Quade Cooper, c'est vous ?

- …

- Mais si c'est bien vous. Je vous reconnais !

- (hips)... Laisse-moi tranquille mec...

- Mon pauvre ami, mais qu'est-ce qui vous arrive ? Vous êtes dans un état déplorable...

- C'est sa faute... tout est sa faute...

- Qui ça, Robbie Deans ? Encore !

- Oui ! Toujours lui ! Je suis un artiste moi. Lui il y comprend rien. Il me laisse pas exprimer ma créativité. Il me bride. Je suis tellement malheureux à cause de lui !

- Allons, allons. Faut pas se laisser aller comme ça. Qu'est-ce que c'est que cette barbe de sans abris ? On dirait Clément Poitrenaud...

- Nan mais, tu vois, c'est comme conduire une Ferrari et respecter les limites de vitesse sur l'autoroute. Comme ramener la plus belle fille de la soirée chez toi et t'endormir sur le canapé. Comme aller au Mcdo et commander une salade. C'est du gâchis ! Le rugby australien se tire une balle dans le pied en se privant de moi, j'te dis !

- Allons c'est juste une mauvaise passe. Continuez de travailler dans votre coin, la roue finira bien par tourner.

- Nan mais de toute façon je m'en fous, moi je serai plus là bientôt... et ils me regretteront !

- Vous n'allez pas vous suicider quand même ?

- Mais non. T'es con ou quoi ? Je vais aller faire du XIII avec mon copain Sonny Bill. Puis je deviendrai international néo-zélandais. Juste pour leur foutre la rage à ces cons d'Australiens qui ne savent pas reconnaître mon talent ! Ah ah ! Ouais ce sera drôle. Mon copain Sonny Bill il dit que le XIII c'est trop bien en plus.

- Le rugby à XIII... mais c'est pas pour vous mon pauvre ami, c'est un sport où il faut savoir plaquer vous savez...

- Hein ? Plaquer c'est les autres. Moi je suis là pour exprimer mon génie. Chacun son job, moi je fais pas le sale boulot. Mon copain Sonny Bill il m'a dit que j'allais cartonner et il a toujours raison. Il est trop fort. Tu savais que c'était un champion de boxe ?

- Nan mais voyez le bon coté des choses Quade. Le contrat de Deans se termine en décembre. Si la France gagne ce soir, il va pas tarder à se faire larguer par la fédé. A l'heure qu'il est, je suis même sûr qu'Ewen McKenzie est déjà en train de boire le thé avec le président de l'ARU. Ce n'est qu'une question de temps. Tout va s'arranger pour vous.

- Putain t'as raison ! Allez les Bleus alors !!


C'est comme ça que Quade est devenu le supporter N°1 des Bleus le temps d'un soir. D'un coup, il a retrouvé le sourire, et s'est mis à crier devant toutes les actions des Bleus. On a continué à sympathiser, puis on s'est mis d'accord pour faire un petit jeu à boire : à chaque point marqué par la France, il prenait un shot de vodka. De mon coté, je devais vider mon verre dès que la mêlée australienne se faisait humilier. Autant vous dire que notre taux d'alcoolémie a grimpé encore plus vite que Lance Armstrong sur les routes du Tourmalet. Du coup, je ne me souviens plus bien du déroulement de la suite de la soirée. Je me rappelle avoir vu Frédéric Michalak enrhumer le vendeur de Tour Eiffel en trottinant, avant d'envoyer Fofana à l'essai. Puis à ce moment là, le Stade de France s'est mis à scander son nom, ce qui veut quand même dire que le public présent en tribunes connaissait un autre joueur que Sébastien Chabal. Puis la mêlée australienne et sa première ligne « dynamique » (c'est en général le terme poli employé pour qualifier un pilier herbivore) a encore morflé et Nigel Owens a sifflé un essai de pénalité. Du premier coup . Puis Yannick Nyanga, cible émouvante, a failli être tué par un seconde ligne australien. Le score a gonflé et ça a commencé à ressembler à une petite branlée, quand même. Euphorique, Quade a décidé de monter sur le bar, a baissé son pantalon et s'est mis à faire l'hélicoptère. C'est là qu'une bagarre a éclaté. Puis je me suis fait assommer, comme d'habitude. J'ai été réveillé par le vibreur de mon téléphone 5h30 du matin alors, j'étais allongé sous un banc sur le quais du du métro. C'était un SMS de Renvoi Profond. Une nouvelle mission m'attendait pour le match contre l'Argentine.
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  • jh_75
    20 points
  • il y a 12 ans

Lisox, Lisox, Lisox.... Enfin quelqu'un qui a le courage de monter en première ligne pour conspuer ce piètre journaliste d'investigation qui tente de nous distraire avec ces histoires de caleçon et de bières chaudes. Mais il est comme ça l'ovale masqué, un brin maso....Moi aussi d'ailleurs car j'en redemande!!!
Encoreeeee!!!!!!

Ca va là, pas trop long, ni trop compliqué?

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