Le choc latin très attendu du groupe D entre l'Italie et la France, c'est pour ce soir. Voici le récit de cette soirée vécue « In Vitro », au cœur même de la capitale Lombarde, Milan.
20h00 : En fervent supporter de nos joueurs à la tunique frappée du coq, me voici une heure avant la rencontre paré de mon plus bel apparat de tifosi, soit un t-shirt au motif marinière et une moustache bien dense arborée avec fierté.
20h05 : Et pas une minute de plus, j'ouvre la porte de l’antre sportive milanais par excellence, le prestigieux 4-4-2 (« quatro-quatro-due » en langue de Dante). L'équipe en charge de la soirée est déjà sur le pont, l'émotion du match précédent et de l’exploit nippon est encore palpable.
Gio’ servant un chocolat chaud
20h10 : Je prends ma place habituelle, assis au bar et je commande mon premier chocolat chaud, la spécialité de la maison, histoire de me réchauffer un peu avant les hostilités de ce duel rugbystique fratricide. Entre 2 rediffusions relatant l'ippon historique subi par les Sud-Africains et autres images montrant qu'il n'y a pas que le wasabi qui fait pleurer les Japonais, j'en profite pour prendre un peu la température autour du comptoir.
Ainsi je peux apercevoir la présence assez conséquente de supporters français ayant revêtis notre jolie tunique bleu-blanc-rouge. Ce qui me permet par la même occasion d'avoir un joli panel des différents maillots tricolores sortis depuis les années 2000 jusqu'à nos jours. Les nuanciers de couleurs de nos surfaces Brico-Déco préférés n'ont qu'à bien se tenir. J'aperçois aussi d’autres supporters, en rouge et noir, me disant "Tiens, le Stade Toulousain joue aussi ce soir, encore une période de doublon (soupir)".
20h17 : Rectificatif, j'ai déjà oublié où est-ce que j'avais mis les pieds, "dans le pays du calcio pardi ! ". Regardant de plus près l'écran de ces préposés toulousains, je m'aperçois qu'ils regardent en fait l'avant-match de leur équipe rouge et noir à eux, le légendaire Milan AC affrontant le même soir Palerme. C’est qu'il commence à me monter à la tête ce cacao.
20h31 : Les clichés franco-italiens et autres chambrages fusent à la projection des compostions des deux équipes. "Au rugby, c’est bien le seul moment où les Français rivalisent avec nous en matière de pizza" ou bien "Huget, c’est votre Ravanelli à vous, il va se rouler et pleurer à chaque action". Ce supporter italien ne pensait certainement pas que sa phrase porterait la maffre à notre ailier floqué du 14. Le commentateur italien ajoutera même "Huget, le brésilien français, avec son bronzage parfait et ses cheveux bouclés".
Ou encore, d'autres supporters osent nous gratifier de jeux de mots dignes de Mathieu Lartot : "faut se méfier de ce petit 9 italien, gare au Gori !", "Y'a Venditti ! David est sorti de sa retraite sportive pour donner un coup de main à l'Italie, c’est fou cette longévité".
20h50 : Le moment des hymnes, le silence se fait dans le pub, les tifosi du Milan AC arrêtent même de râler. La Marseillaise est entonnée chaleureusement par tous les Français présents sur place, et même par quelques Italiens fiers de la connaitre. Puis vient l’émouvant "Fratelli d’Italia" chanté à gorge déployée par l'autre moitié du bar, et par quelques Français reprenant par la version francisée "Bernard Tapie moooonte à Paris pour en…(courager ?) le PSG !". Chant célèbre près de la canebière parait-il.
Bastareaud chante-t’il la Marseillaise ou le Pilou-pilou ?
21h00 : Le coup d'envoi est donné, dans une clameur nourrie par l’impatience de voir notre coupe du monde se lancer.
21h10 : Arbitrage vidéo, après avoir accordé l’essai dans un premier, l'arbitre M. Joubert, demande la vidéo aux vues de l'écran géant. Il se rappelle ainsi à nos bons souvenirs de la finale de la Coupe du Monde 2011, au cas où on avait oublié l’amour qu’il nous porte. Les supporters sont suspendus à sa décision, une pause idéale pour reprendre un chocolat chaud. Et dire que certains se plaignent que l'arbitrage vidéo coupe le rythme. L'essai est bel et bien refusé, "on nous la fait à l’anglaise, ça commence", ronchonne une personne de l'assemblée, faisant référence au match Angleterre – Fidji de la veille.
Le kop français est en place
21h46 : L'arbitre, toujours lui, siffle cette fois-ci la mi-temps. Peu d'actions à se mettre sous la dent, mise à part la charge dévastatrice de Picamoles sur 50m, suivi d'un jeu au pied rasant beaucoup moins dévastateur.
22h01 : Reprise de la rencontre et d'un nouveau chocolat chaud.
22h06 : Relance ultra-sonique de "Spedding Gonzalez" suivi de "Yannick Noa Nakaitaci", "Guirado de la méduse" échoue à quelques encablures de la ligne italienne. Le niveau de mon humour s'alignant à celui de la défense des Azurri. L’action rebondit et Michalak enchaîne par un contrôle orienté et une passe en profondeur millimétrée, qui permet à Slimani de se saisir du cuir sans opposition pour aplatir en terre promise. 23-3, le break est fait.
22h12 : Cafouillage dans la zone de réparation des bleus, Gori en vrai renard des surfaces tente d'aplatir la balle égarée, nouvel arbitrage vidéo. Un tifosi confesse alors que Gori serait le fils caché de Pippo Inzaghi. La camp français souffre, l'essai est refusé, le camp français souffle.
22h16 : Essai de l'inusable Venditti , qui se rappelle à ses bonnes heures brivistes. Entre-temps le Milan AC reprend le score 2-1, les Italiens sont en fusion.
22h20 : Blessure d'Huget, la température se refroidit un peu plus dans le kop français.
22h26 : La caméra insiste sur les pleurs d'Huget sur la banc de touche, les plus fair-plays lancent un "c'est vraiment le brésilien de l’équipe, il nous fait une Thiago Silva", faisant référence à la dernière coupe du monde de football.
22h37 : Essai de Nicolas Mas au pied du poteau, 32 à 10, le match est plié.
22h48 : Fin du match, l'arbitre siffle la fin du match sous les applaudissements des supporters français, satisfaits de l'entrée en matière de leurs petits bleus.
23h10 ou peut-être plus tard : Après une ultime (officiellement) tournée de chocolat chaud, une Marseillaise s'improvise à la sortie du bar, en compagnie de nos amis transalpins râleurs mais bons perdants.
La suite en page 2
Et de l'autre côté de la planète alors ? Alors que les Wallabies entrent dans la compétition ce mercredi face aux Fidji, l'Australie vibre-t-elle au rythme des matchs de la Coupe du monde ? Et bien pas vraiment comme le raconte Gwladys, ancienne joueuse de Poitiers et du Stade Bordelais, installée dans la capitale Canberra.
À Canberra, qui est pourtant une ville réputée pour sa sportivité (car il y n'a que ça a faire), aucune pub, aucune affiche. Il n'y a pas un bar qui affiche en gros "c'est ici la Coupe du monde", rien, nada. Même pour les retransmissions. C'est à 5h du matin, mais c'est quand même la Coupe du monde de rugby. On voit que le footy (football australien) est le sport le plus regardé. Après il y a le rugby à 13, et je pense que le rugby à XV arrive en 3e position. Mais je demande à voir. De toute façon, les Australiens ne sont pas réputés pour leur ambiance dans les stades et lors de la 3e mi-temps car ils ne savent pas faire tous seuls. Quand j'ai participé au match Australie/Nouvelle-Zélande pour le Four nations, les Néo-Zélandais chantaient et les Australiens les regardaient. Après leur victoire historique tout le monde est parti, plus aucune buvette d’ouverte, tout le monde au lit.
Même son de cloche chez Antoine, ancien quinziste devenu treiziste à l'université, posté à Sydney.
C'est malheureusement la même chose ici à Sydney. Les gens ne sont pas du tout concernés et enthousiasmés par la Coupe du monde. Qui sait, peut-être que cela changera avec le premier match des Wallabies prévu mercredi prochain. Mais il est vrai que ça crée bien moins d'engouement que les autres sports cités plus haut, et ce, malgré la récente victoire face aux All Blacks durant le 4 Nations. Les phases finales de la NRL, qui se jouent en ce moment, monopolisent beaucoup plus l'attention des spectateurs et des médias.
A Perth, Bastien fait également un constat similaire.
"La situation est d’autant plus marquée à Perth où les West Coast Eagles se sont qualifiés pour les “finales préliminaires”. Vous pensiez que le système de reversement en Challenge européen du temps de la H Cup était inutilement complexe ? En matière de complexité, les Australiens sont allés beaucoup plus loin !"
Ce qu’on saisit néanmoins, c’est qu’en finale, West Coast peut potentiellement rencontrer Fremantle, une banlieue de Perth. Autant dire le derby du siècle. Un peu comme un Castres-Toulouse en finale de Coupe d’Europe, ou un Athletico-Real en Ligue des Champions. De fait, le football australien risque bien d’éclipser le rugby au moins jusqu’au 3 octobre prochain. En attendant, c’est le silence radio dans les quotidiens locaux. À titre d’exemple, ce lundi, après les premières phases de poules, pas le moindre article dans tout le West Australian. Ce week-end, l’Australian Football League occupait une vingtaine de pages, tandis que la Coupe du Monde était condensée sur une seule, sans la moindre petite brève sur l’exploit du Japon.
le phacomochere
Quelle chronique rocambolesque!! Par contre Pierre le milanais, il y a beaucoup de chocolat chaud... Ne fais pas l amalgame entre le sportif de haut niveau, celui qui se sale un peu la soupe et le chroniqueur acerbe mais juste qui se sucre trop le chocolat...
gdan
Est-ce que Pierre aurait un autre bar à nous conseiller pour les prochains matchs de la France ? On a adoré l'ambiance de samedi dernier mais malheureusement pas de redif hier au 442 à cause de la Série A !
Zarkk
Au 442, avant d'y aller à l'improviste faut toujours regarder s'il y'a l'Inter, le Milan ou la Juve qui joue.
Si une de ces équipes jouent le même soir que ton match, il ne faut pas hésiter à appeler avant pou qu'ils te réservent une TV.
Sinon tu peux aller voir du coté de l'OffSide bar, beaucoup moins chaleureux, mais tu y verras ton match.
Pat33600
Sympa ce reportage. C'est aussi cela le rugby, on peut supporter des équipes différentes, on se fout pas sur gueule pour autant, comparé à un autre sport de ballon, que je ne citerai pas.
Raselanout
Moi aussi j'aime bien le cacao !
Merci pour le ch'tiot reportage, c'est sympa...
MARCFANXV
Diantre cela ne suffisait pas avé le Rugby d'avoir visité tous les troquets de France et (surtout) de Navarre voilà qu'ca m'donne envie d'aller se caler dans un Estaminet Transalpin....Merci Rugbynistere.........