Les Kostokech, le club qui joue sur une pelouse de golf avec des poteaux en palmier

Originaire du nord de la France, Steeve Verbeek, restaurateur et ancien demi de mêlée de Marcq-en-Barœul dans la banlieue lilloise, avec qui il a réussi à atteindre la Fédérale 2, a décidé un jour de quitter sa mère patrie la France pour le Maroc. Le but, monter un restaurant avec son associé. Mais le rugby, qu'il pratique depuis l'âge de 10 ans, l'a vite rattrapé. De l'équipe loisir sur un terrain caillouteux au club sur une pelouse de golf, il nous fait part de sa nouvelle vie sur les bords de la Méditerranée.

Pourquoi avoir décidé de tout quitter pour s'installer au Maroc ?

Mon associé est passionné par le Maroc. À l'époque, il m'en parlait tout le temps. Nous en avions tous les deux un peu marre de la France, et comme j'en avais terminé avec le rugby à 34 ans, il m'a dit « vient, on va monter un resto là-bas, il y a du monde, du tourisme, etc ». On est arrivé en 2006, on a tenu un restaurant pendant 4 ans, puis on en a ouvert un second après avoir vendu le premier. On bossait, mais il me manquait quelque chose, il me manquait mon rugby.

J'imagine qu'il n'y a pas 50 clubs de rugby à Marrakech.

J'ai fait des pieds et des mains, des recherches sur internet, mais il n'y avait pas d'articles. J'ai vu qu'il y avait un club, mais je n'arrivais pas à trouver où. Et un jour, le fait du hasard, mon ancien président de club, m'appelle et me dit « Steeve, j'ai reçu un CV d'un joueur de Marrakech qui veut venir jouer en France. » J'ai récupéré son numéro et j'ai pu lui demander s'il jouait ici. Le lendemain, j'étais sur un terrain de rugby en cailloux pour un entraînement avec des mecs qui jouaient en sandales, des vieux t-shirts et un ballon à faire peur. J'ai dit « woh », mais j'étais super content de pouvoir jouer au rugby avec des mecs de 20 ans. Ils jouaient sur les cailloux, ils se rentraient dedans. Moi, j'étais trop vieux pour ça. Je suis rentré à la maison avec les genoux en sang, la gueule ouverte et là ma femme m'a dit « ah non, ça ne va pas recommencer ! ». Et puis je leur ai donné un coup de main avec l'aide de mes anciens coéquipiers qui me ramenaient de l'équipement. En quelques mois, des gamins qui n'étaient pas équipés, se sont retrouvés en jaune et bleu, les couleurs de mon ancien club, avec des ballons du Comité des Flandres.

Comment est né votre club, les Kostokech ?

J'ai attiré un client de mon restaurant, Olivier Tovo, fils d'un ancien président d'Agen, et on a commencé à s'occuper de l'entraînement parce que les mecs de 20 ans ne pensaient qu'à nous rentrer dedans. C'est là qu'on a lancé le rugby à l'école en partenariat avec l'École française de Marrakech, avec une option rugby le mercredi après-midi. C'est le directeur adjoint, ancien rugbyman également, qui nous a proposé de créer cette section. Dès lors tout est allé très vite. Les pères qui ramenaient leurs gamins avaient, pour la plupart, joué en France. Alors j'ai proposé de jouer tous ensemble un dimanche, à 3, puis 6, puis de grandir un peu plus. On bénéficiait de la pelouse de l'école. On a commencé retrouver des sensations. Tout le monde a racheté son équipement. Au début, on jouait plus à la baballe mais l'équipe a continué de grandir.


Crédit photo : Les Kostokech

Malheureusement, on a perdu l'accès au terrain à cause des va-et-vient le week-end. Et puis on a intégré un nouveau gars qui faisait du gazon sur plaques. Il avait deux hectares de pelouse alors il nous a dit de venir chez lui. Il a fallu remotiver des joueurs pour faire le déplacement à quelques kilomètres de Marrakech. On a embarqué plein de Marocains avec nous. Il faut dire qu'on joue sur pelouse magnifique qui est faite pour la commercialisation de villas, d'hôtels. Un coup on jouait à gauche, l'autre coup à droite, le gars nous mettait des balises, on n'avait pas le droit de jouer en crampons. Ça a duré pendant 4-5 ans.

La suite en page 2Et le golf dans tout ça ?

La révélation, c'est l'arrivée il y a deux ans de Nicolas Claverie, un des directeurs du golf de Marrakech, lui-même ancien rugbyman né à Perpignan, qui me dit « mais pourquoi on ne ferait pas le terrain au golf ? Moi j'ai un bout de terrain, je ne fais rien avec. Il suffit de le lisser, moi je sème. » Du coup, on n'est pas situé sur le golf mais à l'entrée à côté des terrains de tennis. La pelouse est plus petite car elle fait 83 mètres sur 42. Mais c'est entretenu par les gens du golf. C'est un vrai green. Ceux qui viennent y jouer pour les différents tournois qu'on organise hallucinent.


Crédit photo : Les Kostokech

J'ai cru comprendre que vous avez inauguré votre nouveau terrain de jeu en beauté ?

On a fait l'inauguration avec Abdelatif Benazzi, qui un de mes clients au restaurant. Je lui ai dit, « je fais un terrain de rugby, il va falloir que je lui donne un nom, et je ne vois personne d'autre que toi. » Il est venu le 10 décembre dernier pour l'inauguration où il a notamment pu découvrir nos fameux poteaux en palmier. Il y a cinq ans, quand j'ai créé le logo du club, les Kostokech, qui est un mix de costaud et de Marrakech, j'ai choisi deux palmiers avec une barre au milieu. Quand on a eu le terrain, Nicolas voulait nous faire un truc sur-mesure, mais je lui ai dit « mais pourquoi on ne mettrait pas des palmiers. » Là, ça a été la folie.

Un de nos copains qui tient une jardinerie, nous a offert les poteaux : deux palmiers de huit mètres. On a claqué une barre en PVC qu'on a peinte en vert et attachée avec de la chambre à air pour ne pas abîmer les arbres. Grâce à ce terrain, on a beaucoup avancé. On a arrêté avec l'école française et crée le club. Les gens qui passent à côté sont surpris.


Crédit photo : Les Kostokech

Quelles sont vos ambitions pour la suite ?

On a monté une petite association, reconnue, validée. Les gens de la fédération marocaine veulent qu'on s'affilie à la fédé. Mais nous, on veut faire les choses doucement. Pour le moment, on ne fait que trois tournois par an avec trois autres équipes situées à Casablanca, Rabah et Agadir. Pour le moment, on a une équipe vétéran avec des gars du club de Marrakech qui viennent le samedi matin parce qu'ils n'ont pas entraînement. Il y a 18 anciens, mais parfois on est 26, puis moins quand les Marocains ne sont pas là. On a rempli notre objectif qui consistait à accueillir les enfants. On en a 14 de 8 à 12 ans le mercredi après-midi. L'année prochaine, on espère faire une équipe d'ados parce que pour le moment, ils jouent avec nous. On a aussi rencontré Aziz Abakouk, qui est analyste-vidéo au sein du XV de France, lorsqu'il est venu voir le terrain sur les conseils d'Abdel. Après la Coupe du monde, il va peut-être prendre une fonction au sein de la fédé marocaine. Il a plein d'idées.


Crédit photo : Les Kostokech