Les Castrais connaissent enfin les joies de la Challenge Cup : traverser un continent pour jouer un match qu’on est sûr de gagner, sauf le Stade Français. Ils vont donc affronter ce vendredi à 15h Enisey, un club russe basé à Krasnodar, dans le Sud-Ouest. Envoyer des Castrais à Toulouse est déjà un périple pour eux, digne de la quête de l’anneau ou d’un mauvais Hunger Games. Nous les avons suivi pour retracer leur périple et c’est tout bonnement magnifique.
Vivez l'épopée décalée de la Yellow Army en Roumanie
Mercredi
4h : Décrottage de la calèche
C’est l’heure de partir pour les Castrais qui pour la plupart sont debout depuis 4h du matin pour donner à manger aux bêtes. Rory Kockott, lui, regarde son passeport les yeux humides devant son café, se demandant pourquoi il a fait ça avant de se faire une séance d’avant-bras devant toutes les mauvaises décisions arbitrales au rugby et au foot. Le rendez-vous est donné à Castres avant de partir, la plupart sont excités à l’idée de combattre l’Armée rouge et l’ennemi Staline, mais Mauricio Reggiardo ne préfère pas leur expliquer : "Alors les gars, on met ses collants et on vérifie son passeport. Caminati ! Tu fous quoi ?! On a oublié la pharmacie au club house tu peux aller la chercher ?" Et hop, démarrage en trombe et pas de Caminati. Plus le bus avance et plus les joueurs ont du mal à respirer, les masques à oxygène du bus commencent à tomber et un ingénieur Pierre Fabre est présent. La raison ? Le bus se dirige vers l’aéroport de Blagnac, donc vers Toulouse. À la descente du bus, ils se rendent compte qu’ils sont à Toulouse. On entend des "regardez ces doryphores", "ils font les beaux avec leurs technologies", "je monte pas dans cette voiture qui va dans le ciel" et même quelques larmes vite essuyées par Yann David. Kockott ne peut pas partir, sa demande de visa a été refusée par le gouvernement russe et français, le courrier indique :
"Monsieur Kockott. Nous ne pouvons donner suite à votre demande de visa pour un séjour en Russie, les relations avec le gouvernement russe étant tendues, on ne peut envoyer une déclaration de guerre. Nous avons préféré envoyer Patricia Kaas. Voyez avec elle si vous ne pouvez pas échanger le passeport, il n’y aurait que nom/prénom à changer, la photo est d’actualité."
6h : Transhumance
C’est l’heure d’embarquer direction Paris, mais encore une fois, Reggiardo refuse de donner la destination finale à ses joueurs. Jody Jenneker agresse discrètement l’agent chargé de la fouille avant de dire "oui monsieur, pas de soucis" à la sécurité arrivée en courant. Les joueurs se mettent en mode avion non pas pour la sécurité durant le vol, mais pour éviter les appels incessants de Julien Caminati. Dans l’avion, les joueurs s’occupent comme ils peuvent avec un tarot ou un jeu de paume. Les portes vont se refermer et d’un coup l’équipage s’affole comme si Depardieu voulait prendre ce vol. Et c’est finalement Julien Caminati qui arrive avec la pharmacie en criant "vous m’avez oublié, vous êtes cons !" Pas grave, s’il prend un carton il n’y a pas de vidéos en Russie, les matchs sont filmés en dashcam depuis des voitures. L’essentiel c’est qu’il soit là et qu’il ait réussi à passer les portiques de sécurité, une prouesse.
10h : Paris ville lumière
C’est le défi du week-end pour Mauricio Reggiardo, ne pas perdre un joueur et si cela devait arriver, il espère que ça tombe sur Julien Caminati et… Bingo ! L’ailier au slip et bob n’est plus dans le groupe qui avait pourtant été encadré avec une corde, même si Jenneker essaye d’attraper chaque passant par-dessus la corde. Il faut vite attraper la correspondance pour Moscou et c’est le premier footing. Victor Moreaux explose au premier hall de l’aéroport, rouge comme du cabernet.
11h : Vol au-dessus d’un nid de toutou
La correspondance est assurée et le staff se félicite pour Caminati, mais tant que les portes ne sont pas fermés, pas d’effusion de joie. Le vol se passe bien, les joueurs dorment pour la plupart. D’autres regardent Braveheart parce que "Mel Gibson avec ces couleurs bleu, c’est magnifique", un groupe s’acharnent devant les toilettes parce qu’il semblerait qu’un passager ait l’accent toulousain et Jenneker est attaché de manière à éviter tout débordement. Reggiardo souffle, se repose et réfléchit à comment annoncer le but du voyage aux joueurs. "Hey coach, muy bien ? Tu veux une cerveza ?", stress, panique, incompréhension. Il se retourne et voit Julien Caminati sur le siège, avec une glacière.
15h, heure locale : Moscou de chance
C’est l’arrivée à Moscou pour une escale avant de partir pour Krasnodar. Quelle belle ville que Moscou en hiver, une impression de Castres durant 364 jours de l’année, le dernier étant le derby avec Toulouse. Les gens ne sourient pas mais ça tombe bien, cette équipe a été entraînée par Christophe Urios tout de même. En Russie, ce dernier serait sûrement à l’aise et il arriverait à faire produire du rugby à une équipe. Une performance incroyable et rare pour un entraîneur de rugby.
19h : Gastro russe
It’s Taco Tuesday ! L’heure du restaurant. Ils visitent la ville et tout le monde s’est préparé au froid russe sauf un joueur en bob et en slip qui déclare : "j’avais pas besoin de ma glacière ici les bières elles sont à température !" Tudor Stroe essaye de piquer la chapka de Camille Gérondeau depuis son arrivée, je ne veux pas être là quand il va découvrir que la barbe du père noël ne tient pas. Au restaurant, les joueurs s’assoient pour déguster du pelmeni, du stroganov ou bien un chachlik, que des noms de premières lignes ayant évolué au CO les 10 dernières années. Karena Wihongi se délecte de tout ça, lui qui est jaloux de Tameifuna et sa prise de masse, il compte bien revenir de ce trip avec le physique de Serge Blanco. Mais fin du repas, il est l’heure de rentrer à l’hôtel, car demain, l’aventure commence.
Jeudi
10h : Debout
L’heure du réveil a sonné pour les gilets bleus, il faut partir pour Krasnodar, à l’autre bout du pays. Ils n’ont fait que la moitié, mais les corps sont déjà épuisés à l’image de Victor Moreaux qui est à deux doigts de se faire vomir, mais c’est dû à la veille. 4h de vol, Mauricio Reggiardo ne sait toujours pas comment annoncer qu’ils vont jouer un match. Seul Florian Vialelle est au courant, le seul à suivre le championnat. Entre deux livres dévorés, il s’assoit à côté du coach pour discuter de l’histoire russe en se disant que le trajet est long, mais bien moins que les condamnés au goulag à l’époque. Reggiardo ne comprend pas pourquoi il lui parle du dessert de la veille.
15h : Impossible d’écrire correctement le nom
Le CO arrive à la ville aux voyelles et c’est un dépaysement total pour Yann David. Passer du Leinster et autres grandes équipes avec le Stade à Krasnoïarsk avec Castres, c’est quelque chose de terrible pour toute personne stable mentalement. Comme si le lundi vous bossiez sur la station internationale et le lendemain au garage Renault du coin. Tu sais faire démarrer une fusée, mais on te demande de remettre de l’huile moteur. Mais il doit faire avec, il doit continuer à recevoir des passes de Florian Vialelle sans lui dire qu’il est possible qu’elles tournent dans l’autre sens. Yann préférera s’enfermer dans sa chambre comme le reste de l’équipe, jusqu’au lendemain.
Vendredi
15h : Game day !
Mauricio Reggiardo explique aux joueurs qu’ils vont faire un entraînement dirigé au Levezou contre une équipe du coin pour ne pas les déstabiliser. Même si c’est une équipe d’Honneur, la préparation dans le vestiaire est la même. Vaseline, synthol, coup de tête et petite gnôle. Tous les joueurs postent des stories "game day" qui ne seront visibles que samedi à leur retour en France. Tous les supporters et médias rugby comprennent qu’ils ont raté le match du CO avant de continuer ce qu’ils étaient en train de faire. Un match dur, dans le froid, devant un petit public venu voir si Patricia Kaas sait également jouer au rugby. Le match est bien évidemment remporté, c’était l’objectif, mais les citrons sont remplacés par du chocolat chaud à la mi-temps et un petit vin chaud pour Victor Moreaux. Fin du match et direction les douches…froides. Pas de soucis, l’habitude du Stade Ernest-Wallon à chaque fois qu’ils viennent gagner ne les déstabilise pas. Il faut faire le chemin inverse, mais il faut surtout perdre Caminati. S’il est oublié ici, Mauricio est sûr à 99 % qu’il ne pourra jamais revenir. Personne ne se douche pour l’éviter, direction Moscou.
23h : Moscou mule
C’est la soirée à Moscou, le rêve pour les joueurs, mais une hantise pour le staff surtout qu'ici, les problèmes se règlent différemment, il faudra tout de même les éviter. Un petit verre et puis s’en va, Mauricio rentre dans sa chambre, enfin. Jusqu’à ce que l’hôtel l’avertit qu’un joueur tente de rentrer dans l’hôtel : "il dit qu’il joue avec vous, mais on a une vague de voyageurs monsieur, je ne l’ai pas fait rentrer." Pas de teasing, on sait tous qui c'est. À la caméra de surveillance, il crie qu’il a vu le bus garé derrière, qu’il sait que l’équipe dort ici.
Samedi, 18h
Enfin. Retour à Castres pour les joueurs. Rien n’a changé, la goutte est toujours pleine, la place Jean Jaurès est toujours là avec le marché de Noël, les gens roulent toujours à 90 en ville et l’apéro commence toujours à 10h39. Quel plaisir de retrouver une ville normale. Le bilan se fait au stade : victoire, périple, avion, nourriture, prise de sang. Les joueurs ont affronté la nature, mais surtout leur propre nature pour aller jouer en Russie. Une aventure qui restera gravé dans la mémoire du club et qui soude une équipe plus que tout. Retour à la réalité, dimanche prochain, c’est à eux de venir. Les pauvres.
Dormeur 15
Pendant longtemps le problème n'était pas d'y aller mais plutôt d'en revenir
Jak3192
le texte est bien décalé...
me demande si tout le monde va apprécier !
😂
Kyb
Bon alors pour changer, encore une farce sur la géographie.
Dîtes les mecs, moi qui ai vécu et retourne dans quelques semaines à Krasnoïarsk (et pas Krasnodar !!!), je vous fais l'envoyé spécial non ? Ça évitera certains trouages dignes de Dédé Marty dans la défense !
Parce qu'il faut être un peu clair : Krasnodar, c'est dans le Caucase, ce "Sud-ouest" de la Russie. Mais ça oblige les mecs du Iénisseï (oui, comme le fleuve... qui coule à Krasnoïarsk) à se farcir 5heures d'avion jusqu'à Moscou puis bien 2 jusqu'à Krasnodar, sinon via Samara ce qui gagne en gros une heure. Donc pas mieux, et parce que non, Krasnoïarsk n'est pas le Colomiers de Toulouse ni le Jean Bouin du Gymnase : Krasnoïarsk est en Sibérie, à 4500km à l'est de Krasnodar. Et grossomodo pareil de Moscou.
Krasnodar (Caucase, Sud de l'Ouest de la Russie, entre les frontières géorgienne et ukrainienne pour faire simple), c'est alors une solution de consensus (comme l'alternative Kazan), due aussi au fait que le terrain à Krasnoïarsk (Sibérie, Sud du Centre, pas très très loin des frontières chinoise/mongole/kazakhe vu de Paris ou de Castres) est relativement impraticable l'hiver du fait du gel et de la neige (en gros, deux fois plus qu'à Oyonnax, parfois aussi peu, selon les hivers comme il y a 2 ans).
Allez, je vous la fais gratos et sympa : bossez un peu votre géographie rugby et je me tairai...
Bisous fesse
Jak3192
Tu y vas / y vit pour
le plaisir ou
pour le boulot ou
pour l'affectif ou ... ?
En tout cas excellent
tant pour le cours de géo
que pour le style
🤣👏
Kyb
Jak, tout ça à la fois et...
Guinda del pastis, pour le derby STM (Enissei) vs Krasnyj Jar !
On a eu le frère StAndré il y a environ 5 ans passé.dans les tribunes du ''Yar'' (peut-être plus, je me perds un peu entre les saisons), et puis différents entrai euros de fédé français comme Faugeron ou Panzavolta. On a vu aussi passer Brive, FlashGordonRosie, BèglesBdx puis la Rochelle l'an passé pour changer, sinon des Bristol, Worcester et surtout les Flacons et les Dragons. J'ai l'impression qu'il y a un abonnement.pour ceux-là :'D
Mais les matchs à Krasnodar (SudOuest sans le foie gras mais avec la même cirrhose) et à Kazan (Tatarstan, entre l'ouest du centre et l'est de l'ouest. tu cibles un peu ? :'D) sont un crèvecoeur pcq 1 ils ne sont pas a pas domicile donc pas de public 2 pas à domicile donc équipe en fatigué gratuite 3 pas à domicile et pas dans la pleine peroode du calendrier russe. Bref. Une coupe.presque inutile à ceci près que.la Russie a planté le 1er essai de la CDM face au Japon par Golosnickij...du Yar.
Bref. Ah si, dernier truc : Taumalolo est devenu coach. Devinez où !
potemkine09
S'il te le dit il est obligé de te tuer après 😉
Jak3192
😂👍
Ah la Russie !
Terre de l'amour fraternel,
De la mélancolie nonchalante
et des belles histoires tristes et romantiques...
Le Haut Landais
un peu de geo, ca fait du bien, merci