Il est passé par Albi en catégorie jeune avant de découvrir les joies de la Fédérale. Bastien Cervelli, a.k.a "le Corse", est un OVNI dans le rugby. Il a connu le rugby petit dans son petit bout de terre et comme lui, il a très vite voulu être indépendant. C'est ce qu'il a fait en rejoignant Albi où ce troisième ligne aile faisait des ravages sur le terrain et dans le coeur des filles et ne me demandez pas comment je sais ça. Après une lourde blessure, Bastien s'est découvert une nouvelle passion peu commune ou du moins, en compétition. Il est maintenant ferriste. Non, ce n'est pas un homme qui attend au bord de l'eau pour sortir du poisson, mais bien un compétiteur dans le monde du bras de fer. C'est désormais sa ligne de vie : "casser du bras", comme il le dit. Si vous pensiez que vos joutes de bras de fer après un entraînement sur le bar du club house sont synonymes de force, lisez plutôt son témoignage.
Salut Bastien, peux-tu te présenter ?
Moi c’est Bastien Cervelli, président du Toulouse Armwrestling Club et ancien rugbyman semi-pro. C’est quand tu gagnes un peu d’argent, mais pas assez (rires). J’ai commencé le rugby tardivement, en Corse, dans le club de Bastia XV, puis je suis parti rejoindre le centre de formation d’Albi à mes 16 ans. J’ai ensuite pris le chemin de la Fédérale 1 à Lavaur. Après des grosses blessures, j’ai décidé de faire le choix de reprendre mes études et de jouer en Fédérale 2 à Balma, dans la région toulousaine. J’ai arrêté le rugby cette saison pour me consacrer en totalité à mon nouveau sport.
Le rugby ne te manque pas ?
Je pensais vraiment que le rugby allait me manquer : la compétition, le terrain, les copains, le bus, les repas du jeudi, rentrer à la maison vers minuit avec maman derrière la porte qui te demande encore pourquoi tu rentres si tard... (rires) Mais au final, je retrouve un peu tout ça, surtout la compétition qui m’aurait terriblement manquée... Je vois juste un peu moins d'outils sous la douche.
Tu as une autre passion peu commune en France, racontes-nous.
Exactement ! Ma nouvelle passion, qui est devenue mon sport, est le bras de fer sportif. Oubliez "Over The Top", ce film avec Sylvester Stallone qui met en scène un routier qui pratique le bras de fer, le catch et le gros russe qui met des gifles à la terre entière. C'est un vrai sport avec des vraies règles, une vraie fédération (FFFORCE) et des compétitions à travers le monde. Ça parait fou pour nous nous Français, mais dans certains pays de l’est, c’est le sport national. Les ferristes (pratiquants du bras de fer) ont des affiches dans les rues à la Messi ou Ronaldo.
C’est suite à des défis en soirées que tu t’es décidé à faire ça ?
Même pas ! J’ai toujours battu tout le monde étant jeune. Puis il y a 2 ans et demi, j’ai assisté à un séminaire animé par Aymeric Pradines (grand champion de bras de fer et président du bras de fer en France, ndlr.), et je me suis bien fait fracasser. Il a vu du potentiel en moi et j’ai compris que c’était du boulot pour en arriver là.
Même face à la Légion Étrangère, le Corse ne fait pas de cadeau. (crédit photo : Toulouse Armwrestling Club)
Quelles sont les règles ? Car dans mon club, c’est la loi du plus fort.
Les règles de bras de fer son simples et subtiles à la fois. Nous pratiquons ce sport sur des tables normalisées (hauteur, distance, etc.) avec des pads pour le placement des coudes (elbow pad) et d’autres pour délimiter la zone de gagne (Win Pad). La table dispose également de poignets, qu’il faudra absolument tenir sous peine d’une faute. Le prochain qui veut faire un bras de fer avec toi et qui te demande de mettre la main derrière le dos, s’il te plaît, met lui une énorme gifle à la Russe... (rires) Le but est évidemment de faire toucher la main de son adversaire sur ce "win pad" en utilisant plusieurs techniques telles que le Hook ou le Top roll. Ou de lui faire réaliser 2 fautes qui seront éliminatoires.
Et l’arbitre ? Il fait quoi ?
C’est là que l’arbitre rentre en jeu ! Enfin, les arbitres pour être plus précis. Ils ont le rôle de veiller à l’impartialité des 2 concurrents lors du départ (position des doigts, centrage des mains, alignement des épaules, etc), ils ont toujours un œil sur la position du coude : si le coude se lève ou dépasse du pad c’est une faute. Ils donnent le départ, ce fameux "ready....GO !" (un peu comme en mêlée pour les puristes !) et évidemment, ils déterminent le gagnant. Ce n’est pas toujours si évident, le winpad représente la zone de gagne, c’est donc à son contact, mais aussi à son dépassement qu’un combat se gagne.
Tu es vraiment gaucher ?
Non, je suis droitier, mais mieux classé mondialement à gauche... J’ai juste fini par me rendre compte que ce n’est pas moi qui suis plus fort à gauche, mais juste les autres qui sont moins bons...
On s’entraîne comment quand on est ferriste ?
Quand on est ferriste, le plus important, ça reste les doigts et le poignet... Je vomis parfois quand j’aperçois des gens à la muscu avec des sangles au poignet pour améliorer leur prise barre. Je ne prends pas en compte l’haltéro ou la force athlétique, là, ils n'ont pas vraiment le choix vu les charges démentielles. N'est-ce pas les copains de la fédé ? Nous avons environ 40 muscles dans le bras, quand tu fais du bras de fer, tu dois en utiliser au moins 90 %. Notre capacité de préhension est démultipliée ainsi que le développement des muscles profonds de l’avant du bras. C’est pourquoi notre séance de musculation ne ressemblera pas à une séance de muscu lambda. L’utilisation du biceps et des muscles du dos pour le tirage sont aussi des facteurs clé de victoire.
Quels sont tes objectifs dans la discipline ?
Je veux simplement être le meilleur, comme tous mes adversaires ! Je suis actuellement champion de France toutes catégories et je m’entraîne dur pour le rester le 4 avril 2020 à Bordeaux ! Le but est aussi de ne jamais me limiter aux compétitions françaises, mais d’explorer le monde avec ma femme puis de "casser du bras", comme on dit, par la même occasion (rires).
Tu as participé au dernier Championnat du monde de la discipline, alors ?
C’était énorme ! Une première fois pour moi et surtout une première fois historique pour la France. Aller en Roumanie pour tomber contre des Géorgiens, Bulgares, Russes et autres Lettons, c’est jouer les Springboks, les Blacks et les Wallabies le même jour ! Au final, je termine 10e à gauche et 14e mondial à droite avec une victoire acharnée contre un champion italien, un genre de Sergio Parisse à la sauce Popeye, classé 3e l’année dernière.
Le passgae de Bastien, à gauche, face à l'Italien en Coupe du monde.
Ça t’a été utile sur un terrain ?
À ce jour, je ne me suis jamais fais arracher un ballon ! (rires) Ou alors il pleuvait beaucoup et cette p***** de résine n’était pas toujours dans la pharmacie...
Si tu pouvais choisir un joueur de rugby à défier, ce serait qui et pourquoi ?
Je pense à Sonny Bill Williams. C’est l’un des seuls rugbymans actifs à ne pas avoir vraiment de barrière... Il fait du 7, du 13 du 15, de la boxe et c’est surtout une super star du rugby moderne. Nous avons énormément de mal à faire changer les mentalités concernant notre sport, il s’apparente parfois au bon vieux bras de fer de comptoir pour gagner une girafe. Avec l’appui d’un sportif comme lui, je pense qu’on pourrait faire bouger les choses et nous faire connaître par la même occasion. Je pense aussi à William Servat. Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai jamais vu ce mec reculer sur un terrain... Ça lui fera du bien de perdre un duel ! (rires)
Tu penses que si je pouvais te défier au bras de fer, tu tiendrais combien de secondes avant de dire "aie" ?
Je le dirai juste après avoir entendu "crack" au niveau de ton humérus.
lelinzhou
Merci de ce coup de projecteur sur un sport qu'on ne connait guère. Ça ne devait pas être très facile de lui arracher le ballon...