En mai dernier, Ange Capuozzo (20 ans) a découvert le bouillant Top 14, en direct du Stade du Hameau de Pau. Il a ensuite participé à la Coupe du Monde U20 avec… l’Italie et fait désormais partie à part entière de la rotation de l’équipe iséroise au poste d’arrière, en PRO D2. Portrait de la nouvelle fusée du FCG, aux appuis déroutants.
Quel est ton parcours rugbystique ? Tu n’as pas commencé au FCG ?
Non, en effet, j’ai rejoint le club à 11 ans, en U13 à l’époque. Je jouais à l’US 2 Ponts en fait, à côté de Grenoble et on était plusieurs à être intéressés par le fait de rejoindre le FCG. Ce n’était toutefois pas encore du recrutement, bien au contraire, on avait vraiment été accompagnés. Et on a été, sept, huit joueurs de l’agglomération à aller au FCG. Pour la petite histoire, il y avait notamment Kilian Geraci (NDLR : deuxième-ligne désormais au LOU, champion du Monde U20) qui faisait partie de ce groupe.
Quel regard portes-tu sur la formation grenobloise ?
J’ai passé d’excellentes années de formation au FCG, franchement. On gagnait souvent déjà. Et puis ensuite, on figurait bien sur les Championnats de France. C’est pareil en Espoirs où l’équipe arrive fréquemment à tirer son épingle du jeu. Je n’ai jamais regretté d’avoir rejoint le club, on a toujours été très bien encadrés en plus.
Geraci récemment, toi, Guillemin, Uberti, Glénat, Hulleu pour les plus récents, comment expliques-tu la capacité du FCG à aligner fréquemment des jeunes et à leur faire confiance ?
C’est vrai qu’ici on fait très vite confiance aux jeunes. Pour prendre l’exemple du demi d’ouverture Corentin Glénat, il a eu très vite l’opportunité d’entrer au centre de formation. Même si ce n’a pas toujours été facile il a été mis dans des prédispositions pour jouer et maintenant il s’affirme en PRO D2. Actuellement, il y a une dizaine d’espoirs, une quinzaine même, qui s’entraînent avec le groupe professionnel. Tu progresses donc plus vite, le niveau global de l’équipe Espoir monte et ça paie. Après sur mon cas personnel, celui que je connais le mieux, j’ai pu remarquer que c’est dans la culture du club de faire jouer les jeunes et les anciens nous accompagnent énormément, avant les matchs, après… L’environnement est propice pour s’épanouir.
En mai dernier, alors que Grenoble est en pleine opération maintien, tu découvres le Top 14 en jouant vingt minutes à Pau. Tu t’y attendais ?
Non, ce n’était pas vraiment prévu que je joue en Top 14 la saison passée. En fait, je m’entraînais déjà avec eux de temps en temps et sinon je jouais en Espoirs, principalement à la mêlée d’ailleurs. On avait joué notre dernier match de la saison et le lendemain j’ai intégré le groupe pro car il y avait eu deux blessures au poste. Il restait trois matchs de championnat et ça c’est fait ainsi. Ce n'était pas prévu au planning que je joue en Top 14 (rires).
Quel souvenir en gardes-tu ?
J’avais le trac bien sûr mais la pression s’est évacuée dès que le coup d’envoi a été donné. Et puis on est très bien encadrés par des joueurs d’expérience donc c’est plus facile. Sur ce match à Pau, il n’y avait pas énormément d’intensité, honnêtement. Par rapport au niveau Espoir, dans les contacts, d’abord ça n’a rien à voir bien sûr. Sur la vitesse d’exécution, la technique ça va plus vite. Mais sur la vitesse pure et dure du jeu, j’ai trouvé que c’était pas franchement différent, il y a plus d’arrêts de jeu en Top 14 qu’en Espoirs, donc tu peux récupérer. En revanche, j’ai remarqué un truc, c’est bête à dire (rires) mais en U22 tu as le temps, par exemple, de travailler un adversaire en deux-contre-un. En Top 14, ce n’est pas le cas. La défense revient et tu es très vite sous pression. La prise de décision doit donc être plus rapide. Mais l’adaptation se fait très vite : quand tu es entouré de joueurs plus forts, cela élève ton niveau de jeu.
Tu as un mentor dans le groupe ?
Très honnêtement, il y a quatre, cinq joueurs, les anciens plutôt, qui sont très présents, qui te conseillent. Laurent Bouchet, Lucas Dupont notamment… Lucas a été et est très présent pour moi. Même s’il est parti un moment, c’est un mec du club, très posé avec nous et il m’a vraiment rassuré sur le jeu, mes prestations, dédramatisant aussi la pression. Sur le triangle arrière, il y a Rhule, Guillemin, on discute beaucoup. C’est très important : tu n’es pas seul. Alors pour le mentor, je dirais Lucas (rires), les coachs également sont très présents.
Valentin Sese, avec qui tu as joué en Espoirs, disait que sur le terrain tu encourageais, tu haranguais souvent tes coéquipiers. Tu le fais aussi en PRO D2 ?
(rires) Moins ! C’était différent, en Espoirs, je jouais souvent à la mêlée, il fallait être présent pour les avants et pour mes coéquipiers. J’y étais plus légitime aussi car je m’entraînais avec les pros mais en PRO D2, non, ce n’est pas mon rôle d’haranguer, de donner mon avis sur la stratégie. Je n’ai clairement pas encore le statut pour. On s’encourage bien sûr, mais je reste discret (rires).
Tu es international U20 italien mais tu es Français ?
C’est bien de poser la question car depuis la Coupe du Monde U20, beaucoup de gens pensent que je suis Italien (rires). Même au FCG, des fois on me parle en anglais ou en italien et pendant la prépa, les supporters m’appelaient le ‘’jeune italien’’. Mais je suis né à Grenoble (rires) ! Là, c’est en train de passer. Je suis sélectionnable par mes grands-parents paternels qui sont italiens. J’ai toujours été très proche de ce pays, j’ai toujours supporté la Squadra Azzura d’ailleurs (rires).
Tu as participé à la Coupe du Monde, comment cela s’est fait ?
D’abord, je ne m’étais jamais rapproché de la sélection car je trouvais que cela ne se faisait pas, une équipe nationale ce n’est pas comme un club. En début de saison dernière, on a joué un match amical avec les Espoirs de Grenoble contre l’Italie U20. Nous étions sur une coupure de deux semaines en championnat avant de jouer Toulouse et l’Italie était en stage dans les Alpes. J’en ai profité pour savoir comment cela se passe pour être sélectionné. Ils m’ont expliqué et m’ont aussi dit que ce n’était pas leur politique de prendre des joueurs évoluant en France, ils privilégient la formation italienne, et c’est logique. Mais on a gardé contact pendant la saison. Je n’ai pas fait de stages ni le Tournoi et puis en fin de saison, un de leurs arrières s’est blessé aux ligaments, et je suis parti à Rome pour le stage de préparation à la Coupe du Monde. Une semaine plus tard, on partait en Argentine.
Tu joues, tu marques, vous participez à de gros matchs contre l’Angleterre notamment. Peux-tu raconter votre parcours ?
Le rêve franchement ! Je ne connaissais personne et j’ai découvert un groupe de mecs tout simplement exceptionnels, très accueillants. J’ai les bases de l’italien mais c’était tout de même difficile et ils m’ont intégré. Je peux dire que les réunions de deux heures au début, c’était compliqué (rires). Seul un médecin parlait un peu français. Concernant le jeu, j’étais content d’avoir la ‘’poule de la mort’’ en fait (rires). L’Irlande qui avait gagné le dernier 6 Nations, l’Australie, l’Angleterre… On est en difficulté assez logiquement contre l’Irlande et l’Australie. L’Angleterre, c’était fabuleux. Deuxième match de la Coupe du Monde, premier match que je débute en sélection. Je marque, j’étais dans un autre monde, on mène jusqu’à la 75e. On avait une espèce d’énergie c’était très fort. On perd à deux minutes de la fin sur une superbe pénalité mais c’est un grand moment. Derrière, je marque une nouvelle fois contre la Géorgie, c’était fou. Je souhaite à tout ceux qui jouent au rugby de pouvoir vivre de tels moments.
L’Italie A, c’est désormais ton objectif ? Tommaso Allan notamment avait été appelé alors qu’il évoluait en PRO D2, avec l’USAP.
Forcément ça devient un objectif mais pour l’instant je suis à fond sur le club. Ce n’est que le début, de la saison déjà et de ma carrière également. Je ne me sens pas du tout à l’abri à Grenoble, au contraire, je dois prouver et continuer à progresser. Bien entendu, la sélection reste dans un coin de ma tête comme Allan qui enchaînait en PRO D2. Il a maintenant une superbe carrière. Je n’ai pas envie de m’éparpiller mais ce serait un honneur et c’est un objectif sur le long terme.
Et pourquoi l’équipe d’Italie plutôt que la France ?
On me demande souvent pourquoi ce choix. L’Italie m’a sélectionné, pas la France, ça me semblait donc normal de répondre favorablement. C’était aussi ma dernière occasion d’avoir une sélection jeune, de vivre une Coupe du Monde peut-être, ça ne se refuse pas.
@CapuozzoAnge during the u20 World Cup in Argentina ⚡️#bromance #sheeesh #rugbyworlcup #u20 #rugby @LeRugbynistere #Highlights pic.twitter.com/auJY8pRWqn
— leo (@leosicko) November 12, 2019
Après la Coupe du monde, tu as repris avec les pros du FCG.
J’ai eu quelques semaines de coupure, comme c’est obligatoire, et j’ai repris fin juillet. Le reste du groupe avait démarré au début du mois, tout le monde était déjà affûté (rires). Ça va vite et il ne fallait pas que je traîne. J’ai participé aux matchs amicaux, j’ai commencé le championnat avec les Espoirs et je suis actuellement avec l’équipe fanion.
Lors de la septième journée, tu as joué ton premier match de PRO D2 à Angoulême. C’est une satisfaction ?
On appréhende forcément un peu le premier match. Tu ne connais pas ton niveau, à l’extérieur en plus, dans un stade de Chanzy où le public est en bord de pelouse. C’était particulier. Je suis plutôt content de mes prestations (NDLR : il a ensuite débuté contre Nevers et à Vannes), sur la vitesse, les contacts, le jeu… Je me suis bien retrouvé. Contre Soyaux-Angoulême et Nevers en plus, on est bien aidé par les avants qui nous permettent de jouer dans l’avancée. Désormais, comme l’a dit le coach Stéphane Glas, il faut confirmer. Les premiers matchs d’un joueur sont souvent les plus faciles car tu es très concentré, à fond, il faut maintenant continuer à performer. Il fallait réussir l’entrée, il faut désormais s’imposer.
L’objectif collectif est de remonter en Top 14?
L’objectif final c’est de jouer les premiers rôles. De rester dans les quatre, voire les deux. En PRO D2, si une équipe perd deux fois, elle descend immédiatement au classement. C’est un championnat accroché, à nous d’être constant pour espérer remonter en Top 14.
Quels sont les points forts du groupe ?
Très franchement, depuis que j’ai démarré avec le groupe, je trouve qu’il vit très très bien. C’est positif déjà. Une grosse partie de l’ossature de la saison passée est restée, le niveau est élevé et il y a de gros talents comme Enzo Selponi ou Raymond Rhule. La deuxième division n’est toutefois pas plus facile que le Top 14. Les équipes ont la dalle, ça joue dur, agressif. On l’a vu contre Béziers par exemple, c’était accroché. Et on doit toujours jouer à notre meilleur niveau même si on vient du Top 14. On est solide, c’est bien, mais il faut tout donner ou ce sera insuffisant. Le groupe vit bien ? Ok. On est fort ? Ok. Mais il faut s’y coller, être agressif, pour espérer s’imposer.
Tu vas certainement me dire que l’important c’est de jouer, d’être sur la pelouse… Mais as-tu une préférence entre demi de mêlée et arrière ?
J’ai toujours joué plusieurs postes. Arrière, demi de mêlée donc mais aussi ailier ou à l’ouverture. J’ai toujours été adaptable. Ces deux postes sont très différents mais entre les deux ça ne m’a pas tant changé que ça, je n’ai pas eu un choc thermique énorme. En Espoirs, je joue plutôt à la mêlée. Mais avec les pros, je n’ai pas été ‘’posté’’ en début de saison. Pendant la prépa, un jour, je faisais les skills avec la charnière ; le lendemain, le jeu aérien avec le triangle arrière. Entre les deux, tu n’appréhendes pas les matchs de la même façon. En quinze, j’ai plus d’espace, de champ pour travailler, mettre de la vitesse. Mais à la mêlée, tu as plus d’impact sur le jeu et quand t’es un compétiteur tu apprécies le fait de prendre des décisions. Très difficile de choisir, les deux me conviennent. En pro, je suis peut-être plus à l’aise en quinze.
Tu suis beaucoup le rugby ? Il y a des joueurs dont tu t’inspires ?
Je suis énormément le rugby, je connais les effectifs, je regarde les matchs… Il y a tellement de joueurs que j’apprécie que c’est difficile de choisir. Wilkinson, c’est un monstre. Dans tout ce qu’il met en place, en dehors du rugby, je le considère comme un exemple. Il a une mentalité exceptionnelle ! Pour moi, c’est très important tout ce qu’il y a à côté du terrain. Et puis, Wilko est très humble. Concernant le jeu, au FCG, on a eu Gio Aplon qui a fait des merveilles. Je m’identifie à des profils comme le mien, Parra aussi quand il a débuté à Bourgoin. J’ai pu apprécier Dominici, désormais Kolbe. Ça fait cliché de le dire mais tant pis, je le trouve inspirant. On dit qu’il va vite, mais il a aussi des crochets, il plaque, il peut prends des contacts, ça rassure aussi d’avoir un joueur comme lui sur le devant de la scène. J’ai été éducateur à Grenoble et c’est une question qui revient souvent, les dangers du rugby. Des joueurs comme Kolbe montrent que ce n’est pas nécessaire de faire 130 kilos. C’est cela le rugby et je trouve que c’est important de le préserver.
Crédit photo : Héloïse Kosc.
Tu mesures 1,77 mètres pour 72 kilos. Ton gabarit a pu te freiner dans ton objectif de haut niveau ?
Je pense que ça a d’abord été un combat personnel. Tu entends souvent qu’il faut être costaud. C’est dans la tête aussi. Cela a quand même été une épreuve à passer. Je ne sais pas si ça a pu me porter préjudice mais si c’est le cas je n’en veux à personne, ça se comprend. Et il faut être plus fort que ça.
Qu’est-ce que l’on peut te souhaiter pour les mois à venir ?
De pouvoir allier mes études en DUT tech de co, mes projets concernant le développement personnel et le rugby. De continuer à progresser et à jouer surtout.
Peux-tu nous en dire plus concernant ces projets sur le développement personnel ?
Je trouve important tout ce qui entoure l’entraînement, ce qui peut influencer la performance du joueur. Le mental, la nutrition… J’ai pu tester des choses, je me renseigne, je suis des formations. Et j’ai ce désir de transmettre, en toute humilité bien sûr. J’espère pouvoir mettre en place, à terme, du consulting, travailler sur le développement personnel. Je suis encore en apprentissage et c’est un projet qui prendra du temps mais j’espère pouvoir évoluer là-dedans tout en jouant à haut niveau.
Silkerin
Meme si j'aime voir le FCG en Top 14, finalement je commence à apprecier la D2. Ca permet de lancer de nombreux jeunes plus facilement et c'est un excellent championnat pour se lancer. Le niveau est loin d'etre ridicule et on voit de plus en plus de jeu. Ramos ne serait pas là sans son passage à Colomiers et j'aimerais voir de plus en plus de prets de jeunes entre Top 14 / D2. Uberti par exemple ne jouerait pas à l'UBB alors qu'il va faire ses 20-25 matchs au FCG cette annee et retournera sans doute comme un titulaire en puissance en Gironde.
Silkerin
Merci pour cette interview, c'est un jeune joueur qui commence à faire parler de lui à Grenoble. Il est agreable à voir jouer avec de très bons appuis et de l'intelligence dans ses prises de decisions. Il a l'air d'avoir suffisament la tete sur les epaules pour faire une belle carrière.
Je retiens quand meme que le Top 14 est plus lent que le championnat espoir, y a encore du boulot d'ici 2023 !