Actuellement première de l'édition 2022 du Rugby Europe Championship, avec 3 victoires en autant de rencontres, l'Espagne est plus que jamais en lice pour une qualification à la Coupe du Monde 2023. Un classement est établi sur les deux dernières éditions. Pour décrocher son ticket pour 2023, il faut terminer aux deux premières places sur le classement cumulé. Si la Géorgie, première est intouchable, l'Espagne est actuellement deuxième à deux journées de la fin. Ses concurrents directs pour la qualif ? Le Portugal et la Roumanie. L'occasion donc de rencontrer Gauthier Minguillon (28 ans ce 3 mars, 1m77, 89kg), ailier ou arrière des Leones. Formé à l'UBB, actuel joueur d'Aurillac, il fait le bonheur de la sélection espagnole avec qui il a déjà disputé les trois rencontres du Tournoi (1 à l'arrière, 2 à l'aile), franchissant à trois reprises l'en-but adverse. Revenu dans le Cantal ce week-end, il repartira dans la foulée pour l'Espagne afin de préparer la réception décisive du Portugal (13 mars). L'occasion pour lui de revenir sur les objectifs de la sélection espagnole, la Coupe du Monde ou encore sur ce groupe à l'histoire si particulière.
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Gauthier, tu as été formé à l'UBB, passé par Langon, Valence et aujourd'hui Aurillac. Comment es-tu devenu international espagnol ?
Mon père a la double nationalité, il est franco-espagnol. De ce fait, dans le processus d'éligibilité, on peut avoir jusqu'à un grand-parent d'une autre nationalité pour représenter certains pays. À condition bien évidemment de ne pas avoir joué dans d'autres équipes nationales avant.
Comment se sont passés tes premiers contacts avec l'Espagne ?
Ça a été un peu improbable. À l'époque, j'ai reçu un mail de l'équipe d'Espagne des moins de 18 ans qui me convoquait pour un stage. Je m'y suis pointé (sic) et un mois après je jouais le Championnat d'Europe. Et après tout est allé très vite. Au final, ça fait un moment que je joue pour l'Espagne.
À quand remonte ta première sélection avec l'équipe nationale espagnole ?
J'avais fait deux matchs, lorsque j'avais 18 ans, en 2012. J'ai ensuite fait un an de sept et je suis retourné avec le XV en 2015. À partir de là, je me suis mis à jouer davantage.
Pour en venir à l'équipe d'Espagne actuelle, on sait que c'est une équipe à fort accent français avec beaucoup de bi-nationaux. Est-ce-que ça facilite les échanges entre vous ?
C'est-à-dire que c'est une équipe à l'image des échanges qu'il y a entre ces deux pays. Suite à l'exode de beaucoup de familles espagnoles en France sous Franco , il y a énormément de joueurs qui sur 2 ou 3 générations ont de la famille en Espagne. Donc, ça explique cette présence de bi-nationaux et cette facilité d'échanges entre les Français et les Espagnols. Après, c'est sûr que ça aide pas mal parce que dans l'équipe finalement, il y a pas mal de Français avec de la descendance espagnole mais surtout des Espagnols qui ont su saisir leur chance dans le championnat français. En plus de cela, la culture française et la culture espagnole sont assez proches, donc c'est sûr que pour les échanges, c'est très facile et très naturel. C'est une équipe multi-culturelle mais c'est ce qui en fait sa force.
Comment se passent les rassemblements avec la sélection nationale ?
Ils nous envoient des convocations pour les différents rendez-vous qu'on a, un peu à l'instar de l'équipe de France ou les autres sélections. Les clubs nous libèrent une semaine avant et on va préparer les matchs avec notre sélection sur le lieu de la concentration.
Individuellement, tu es à 3 essais en 3 matchs depuis le début du Tournoi des 6 Nations B. Un début idyllique.
Je suis forcément content après c'est le cas aussi pour un autre joueur de l'équipe. C'est surtout idyllique du point de vue de ce qu'on est en train de faire, on revient de loin. Après d'un point de vue personnel, je bénéficie d'une équipe très complète. C'est super mais je suis plus chanceux qu'autre chose parce qu'on a des avants en grande forme, des meneurs de jeu incroyables. C'est idyllique parce qu'on joue un jeu qui pour l'instant fonctionne bien, il faut continuer à y bosser dessus, continuer à s'améliorer et puis on verra jusqu'où on peut aller.
''Il y a une décision qui pourrait nous désaventager''
L'an dernier, vous avez vécu un Tournoi compliqué. Là vous êtes à 3 victoires en 3 matchs et en passe de vous qualifier pour la Coupe du Monde. Comment vous l'appréhendez ?
L'année dernière, on se retrouve après trois matchs (Géorgie, Portugal, Roumanie) avec trois défaites. Il y avait eu certains faits de jeu mais quoiqu'il en soit ça reste des défaites, c'était comme ça. Il y a eu une prise de conscience et on a des mecs qui sont des joueurs d'expérience, qui étaient déjà là pour la qualif il y a quatre ans, ça n'avait pas pu aboutir à cause d'une situation litigieuse (face à la Belgique NDLR). Je pense qu'il y a des gars dans cette équipe qui font vraiment tout pour aller au Mondial. On s'est serré les coudes, on savait qu'on n'aurait pas d'autres jokers et après ça, on s'est mis à gagner tous les matchs. Maintenant, il faut finir le travail. Il nous reste deux matchs pour ça. On attend quelles décisions vont être prises par rapport à la Russie qui a été exclue, parce qu'il y a une décision qui pourrait nous désavantager franchement et de manière assez injuste.
C'est-à-dire ?
Il y a deux décisions qui peuvent être prises. Soit attribuer cinq points aux adversaires qui devaient jouer contre la Russie, ou alors tous les résultats de la Russie sont annulés et on attribue cinq points à tout le monde (en comptant également l'édition de 2021 qui rentre en compte pour la qualification au Mondial NDLR). Quelque soit la décision, pour la Géorgie, la Russie forcément et les Pays-Bas, cela n'affecterait pas leur classement. Pareil pour le Portugal qui récupèrera cinq points et a pris cinq points l'an dernier. Les deux équipes affectées seraient donc la Roumanie et nous, sachant que les deux formations ont déjà affronté la Russie. Il y a une décision qui ferait que finalement, on donne match gagné à la Roumanie alors qu'ils ont perdu face à la Russie (en 2021, 18-13 NDLR). Ils nous repasseraient devant. Si la deuxième décision est prise, on se retrouvera encore une fois désavantagé, même si tout ne sera pas fini peu importe le scénario. Il nous reste encore deux matchs. Pour la Roumanie aussi et s'ils les gagnent, ça sera très compliqué pour nous. Toujours est-il qu'avant de penser à la Coupe du Monde, on réfléchit à tout cela et au match du Portugal.
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Justement le Portugal se présente face à vous à Madrid, un match charnière.
On ne pense qu'à ça. On ne veut pas se louper la dernière marche. C'est une marche importante. Ils sont vraiment très en forme aussi, c'est une équipe qui joue très bien, qui nous ressemble dans leurs ambitions de jeu, dans les joueurs qu'ils ont. Il va falloir être très performant et arriver encore à faire un gros coup chez nous à Madrid. Si les points sont attribués de manière juste, ça sera une ''finale'' parce que si on bat le Portugal et que la Roumanie perd face à la Géorgie, ce sera fait, définitivement. En revanche si la Roumanie gagne, ça nous oblige potentiellement à faire un truc en Géorgie et pire, si on perd face au Portugal, alors il n'y aura rien de fait. Dans tous les cas, il faut faire un gros match et je pense qu'on en est capable. Et après ça, on abordera le match de la Géorgie comme il faudra en espérant qu'on y verra plus clair d'ici-là. Mais s'il faut y gagner pour aller à la Coupe du Monde, on fera tout pour aller s'imposer là-bas.
On sent une atmosphère spéciale autour de cette sélection
Il y a des mecs qui veulent vraiment aller à la Coupe du Monde et nous on doit les aider. On a vraiment ce sentiment d'une équipe hyper soudée. Pour moi, ce n'est même pas une sélection, c'est un club. On est tous tourné vers le même objectif.
''Une Coupe du Monde ? Le rêve de tout joueur de rugby ''
Même si vous ne voulez pas trop y penser, une Coupe du Monde en France, ça représente quoi ?
Ça serait incroyable. Évidemment, on ne se projette pas et on ne veut pas trop y penser parce qu'il y a une grosse étape avant. On a regardé bien sûr face à quelles équipes on pouvait jouer si on se qualifie en sortant deuxième. Des matchs se jouent à Bordeaux en plus (là où il a été formé NDLR), ce serait magnifique. Mais on se garde bien de trop en parler, non pas par crainte que ça nous porte la poisse, mais seulement parce que toute notre énergie aujourd'hui est concentrée sur le Portugal. Et on ne pense qu'à ce match. Mais bien sûr, jouer une Coupe du Monde, c'est le rêve de tout joueur de rugby et quand on a partagé des trucs avec une sélection, d'autres mecs qu'on apprécie, eh bien logiquement on a envie de vivre ça avec eux, de s'offrir tous ce cadeau-là. Cela serait exceptionnel.
Donc vous n'en parlez pas plus que ça entre vous ?
Non, pas du tout. Honnêtement, je me faisais la réflexion après le match contre la Roumanie (victoire 38-21 NDLR), c'était déjà un premier match ''éliminatoire''. Je m'attendais, et ça aurait pu être le cas, à rentrer dans les vestiaires et que ce soit la folie. J'ai été très agréablement surpris. Ça buvait certes une petite bière mais ça parlait calmement de ce qui a fonctionné, ce qu'il faudrait faire face au Portugal pour que ce soit mieux. Là je me suis dit : ''ah ouais je suis avec des mecs d'expérience, des patrons''. Donc non, entre nous on ne parle pas de Coupe du Monde encore. Bien sûr, c'est notre objectif, on l'annonce, il n'y a aucun souci. Mais là ce dont on parle en interne, c'est le Portugal.
Si tu devais juger le niveau de la sélection espagnole ?
Déjà au classement World Rugby, on est passé 15ème nation mondiale. C'est le meilleur classement qu'a eu l'Espagne jusqu'à présent. Quatorzième c'est l'Italie et treizième la Géorgie. Et derrière nous, il y a les Tonga ou les États-Unis. Si on devait se baser par rapport au rugby en France, c'est assez compliqué de comparer. Ce sont des styles de jeu très différent. Pour le 6 Nations B, ce sont des matchs toujours très enlevés, où il y a beaucoup de volume de jeu, c'est un rugby vraiment divertissant, très intense. Mais quand on voit les mecs qui composent l'équipe, on comprend que c'est du très haut niveau et que l'exigence est vraiment haute. C'est ce qu'il y a de bien dans cette équipe. Il y a des mecs qui jouent dans des clubs de Fédérale 2 qui se mettent au niveau de gars qui sont en Top 14 et c'est impossible de deviner qui joue où car il y a un niveau homogène. Et c'est ce qui est beau. C'est l'investissement des mecs.
Avec cette dynamique positive, est-ce que vous sentez un gros engouement populaire derrière vous ?
Il y a quatre ans déjà, l'équipe a été dans la même situation et il y avait eu un engouement incroyable sur les derniers matchs. Cette année, c'est un peu la même chose. Malheureusement, on est gêné par les jauges avec le Covid (qui prennent fin dès ce 4 mars, NDLR) qui empêchent le stade d'être véritablement rempli. Mais c'est sûr qu'on sent un appui énorme et qui monte à chaque fois. L'Espagne dans tous les cas est un pays de sport, qui pousse ses équipes nationales dès qu'il y en a besoin. Et le rugby au niveau des clubs est en train de monter ici. Nous, si on peut aider et apporter notre pierre à l'édifice pour le rugby espagnol globalement, c'est déjà une belle victoire.
Tu parlais d'il y a quatre ans et ce match en Belgique qui a été un traumatisme, est-ce-que cet épisode est une source de motivation pour les joueurs qui l'ont vécu ?
Oui je pense, il faudrait que j'en parle avec eux. Mais cela a été une grosse blessure. Il y a eu des sanctions qui ont été démesurées et qui ont couté cher pour certains d'entre eux. Je pense à Seb Rouet qui a plus ou moins eu sa carrière internationale terminée avec ça, je pense à Lucas Guillaume qui a pris un an de suspension. Il y a eu des sanctions qui ont été énormes. En plus de ça, c'était un rêve auquel ils s'étaient accrochés et qu'ils étaient allés gagner jusqu'à ce dernier match. Je pense que c'est pour ça qu'on ne s'enflamme pas et il y a beaucoup de sagesse chez les mecs qui étaient là il y a quatre ans. C'est un plaisir d'être derrière ces mecs-là parce que ça ramène les pieds sur terre et on sait où on va, on est préparé un peu à tout. Diverses choses sont arrivées à cette équipe et je pense que ça n'a fait que la renforcer. Peu de sélections ont un vécu comme le nôtre.
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Que peut-on te souhaiter pour la suite ?
Qu'on arrive à se qualifier (rires). Qu'on gagne les matchs qu'il nous reste. On va commencer, pour ne pas aller trop loin, à penser à une victoire face au Portugal. Et puis après ce sera entre nos mains. Donc une victoire la semaine prochaine, ça sera déjà super bien.
hussard
Je pense que si l'on annulait uniquement les matchs de 2022 de la Russie ce serait le moins préjudiciable pour L'Espagne, le Portugal et la Roumanie, car l'Espagne et la Roumanie perdraient 4 points deja acquis et le Portugal serait privé de 4 points qui auraient pu être acquis. Donc balle au centre. A mon avis et sauf erreur de calcul.
Dodow
En vrai si on autorisait des poules de 6 (ce qui me semble un peu compliqué niveau calendrier, mais si on veut on peut), une coupe du monde à 24 ça aurait de la gueule.
Si on prend le Top 24 du classement IRB, on inclut tous le 6 nations B (moins Russie, qui pourtant n'avait pas été totalement ridicule en CDM 2019, tenant un peu le score face au Japon ou les Samoans, moins les Pays-Bas qui n'ont clairement pas le niveau) dont les nations ont un niveau tout à fait correct. On inclut Uruguay, Canada, Namibie, Etats-Unis qui sont des nations habituées de la Coupe du Monde.
Toutes ces équipes prennent des branlées quand elles jouent en Coupe du Monde, mais contrairement à une époque, jusqu'à l'édition 2011 où certains scores flirtaient ou dépassaient la centaine de points encaissés, les branlées sont moins abyssales et ces équipes savent se défendre un peu.
Dans ce Top 24, il reste la question du Chili que je connais mal, mais qui a piqué la place au Canada, et Hong Kong que j'avais vu jouer au tournoi de qualification 2019, qui me semble un cran en dessous.
Mais si toutes ces nations de troisième division mondiale continue de progresser et d'homogénéiser petit à petit le niveau entre elles, je pense qu'on peut arriver à une édition plus large, ce qui sportivement n'apporterait pas grand chose, mais culturellement serait intéressant et aiderait à la démocratisation du rugby dans le monde.
alan75
Si l'on n'avait que de VRAIS nationaux, hormis la Géorgie et la Roumanie, aucune équipe du 2nd tier ne tiendrait la route...
Le trou après l'Argentine est bien plus grand que le classement IRB ne laisse supposer, puisqu'elle est la seule à affronter régulièrement les poids lourds...
Certes le rugby des "petites" nations est plaisant... parfois (allez le Portugal de Lagisquet!).
Le cas des îles du pacifique est différend puisqu'elles sont pillées par la NZ et l'Australie (et les nouvelles règles ne vont rien arranger) donc excepté Fidji pas à leur vrai niveau.
alan75
On s'emm déjà quand l'Italie joue... alors...
Dodow
Oui tu as raison, en fait on devrait faire une coupe du monde à 12.
La petite Huguette
J'ai regardé le match Italie Ecosse. C'était un beau match et je ne me suis pas ennuyé une seule seconde. Je suis pour une coupe du monde à 192.
Dupont9A
Ils auraient dû s'appeler "Los toros"
alan75
Attention à ne pas se faire couper les oreilles et le reste dimanche... Marquès et Lagisquet ç'est du détonnant!