Quel était l’objectif du staff ?
Avec le staff, on était persuadés d'avoir une équipe pour gagner le titre.
Est-ce le discours donné aux joueurs ?
On ne parle pas de victoire dans la Coupe du monde. Pour moi, c’est une erreur d’annoncer très tôt que l’objectif est de la gagner. Ceci, pour enlever de la pression aux joueurs, et ainsi se concentrer sur la performance. Un moment important de cette compétition, c'est le point de bonus qui n’a pas été arraché aux Géorgiens en phases de poule. Cet épisode n’a pas été mal vécu par le groupe.
« Une génération très déterminée »
Beaucoup de joueurs avaient en tête de gagner quelque chose de grand. Il y a eu un process d’accompagnement. On n’a pas débuté les stages ou les préparations avec des objectifs chiffrés. La génération était très déterminée. La notion de chiffres est arrivée au tout début de la compétition, où nous avons fixé comme objectifs de ramener huit points des deux premières rencontres de poule (Irlande et Géorgie).
Pourquoi autant de détermination avant la compétition ?
Deux facteurs clés :
- Les jeunes de cette génération avaient beaucoup de victoires en commun
- Beaucoup d’expériences communes au pôle France pour ces jeunes
A noter que le pôle France à Marcoussis regroupait les meilleurs joueurs d’une génération française. Il a été supprimé il y a peu de temps pour ne pas déraciner les joueurs des clubs qui passaient la semaine entière à Marcoussis. Ce rythme a « vécu » d’après Sebastien Piqueronies, « on sera durablement meilleur quand on fera une meilleure liaison entre FFR et club ».
Comment le staff des Bleus a managé le groupe des champions du Monde U20 ?
- l’objectif de la génération Abdoul avant la Coupe du Monde U20
J-365 à J
- Novembre 2017 : Connaitre les 50 meilleurs joueurs avec les autres du staff (Philippe Boher U20 - Philippe Laurent U18)
- Stage d’hiver à Doha (avant le Tournoi des 6 Nations) avec des vases communicants entre U20 et U20 développement qui ont très bien fonctionné
- Par exemple, JB Gros a été hors groupe puis titulaires deux fois en U20 développement avant d’être un titulaire en puissance dans la génération Abdoul
- A l’issue du stage de Doha, chaque joueur et son club ont reçu une fiche personnalisée avec les axes d’améliorations à travailler sur 3 plans : médical / prépa physique / jeu
- Victoire dans le Tournoi des 6 Nations malgré la défaite contre l’Angleterre avec 2 cartons rouges au compteur. Cette défaite n’avait pas entaché le capital confiance de cette équipe
J-40 à J
La sélection : Comment choisir les joueurs ?
On prend les meilleurs… mais pas que. Je n’ai pas mémoire d’avoir écarté durablement des joueurs qui ne sont pas rentrés dans le groupe. Certains ont été sortis momentanément, mais pas durablement. En hors groupe, tu prends parfois le meilleur remplaçant au poste qui est parfois différent du 2ème meilleur au poste. Cette année, pas de choix vis-à-vis des comportements. Seulement le meilleur au poste
Jordan Joseph
Le parcours de Jordan Joseph est atypique. Il était convoqué à Doha. C’était prévu que Joseph ne démarre pas le 1er match, puis soit titulaire. Il a été compliqué d’avoir le n°8 remplaçant (Charlie Francoz) à 105 ou 110%, mais il doit se sentir obnubilé de réussir une performance collective. Il devait trouver son chemin dans la compétition.
Ntamack, Carbonel ou les deux ?
Nous avions testé la combinaison des deux face à l’Angleterre, puis on a décidé de cacher le duo pendant la Coupe du Monde. C’était pourtant calé dès le stage de préparation.
Défense
On a eu la chance d’avoir Gérald Bastide avec un focus défense très intéressant. Très pénalisés pendant le tournoi, et beaucoup moins pendant la Coupe du Monde.
Travail sur l’arbitrage
Deux jours de travaux avec Pascal Gauzere, qui est venu à l’entraînement. On travaille pour donner des informations claires et positives à l’arbitre. La règle expérimentale avec les commissaires à la citation capables de juger tête-tête ou tête-épaule. Très bien rodé le boulot d’Alain Rolland.
A noter que l’équipe de France a été pénalisé en moyenne 9 fois par match (« dont la 2e mi-temps contre l’AFS où on est extrêmement pénalisés »).
J à J+15
Sébastien Piqueronies : "le format de la compétition, c'est trois semaines et demi. C’est très compact avec des matchs tous les 4 jours. Les phases de poule commencent. Nous décidons de donner aux joueurs les feuilles de matchs pour les deux premières rencontres. Peu de frustration, puisque nous avons décidé de faire jouer les 28 joueurs dans le but de maintenir tout le monde en éveil.
- Les analyse des performances pendant la compétition
Depuis très jeunes, ces générations ont l’habitude de faire des retours vidéos, analyse du jeu, un ressenti à donner aux entraîneurs → Autonomie du joueur. Les leaders de jeu construisent avec le staff et c’est ainsi proposé à l’ensemble du groupe.
- J+… Le déclic Abdoul
Après le match contre la Géorgie, nous décidons de casser la croûte dehors, staff et joueurs réunis. Très bonne soirée avec une explosion de la pression négative après avoir passé les deux pièges tendus lors des premiers matchs. C’est le moment pour rencontrer ce phénomène naturel de rentrer vraiment dans la compétition. Les deux premières rencontres étaient loin d’être parfaites. On a constitué le groupe lors de ces deux matchs, on a formé l’équipe à partir du 3e match.
La mission de fin de soirée était de négocier avec le patron du bar d’embarquer la mascotte, qui n’était pas encore baptisée. On a demandé dans une réunion de mettre l’égo de côté et de symboliser notre nouvelle famille par cette mascotte qui a fait son apparition surprise à la réunion.
- J+… au titre : Les phases finales
Cinq joueurs sont hors-groupe au moment de faire les feuilles de match. Il n’était pas certain pour nous que ce soit les mêmes jusqu’à la fin. Nous étions toutefois persuadés que l’équipe du match de l’Afrique du Sud était la plus équilibrée pour aller au bout. On a informé tous les joueurs qui changeaient de statut (passés de titulaire à remplaçant ou hors groupe). Je me suis astreint d’aller les voir individuellement.
Les 23 joueurs avaient une MISSION (pas de titulaire - remplaçant). Les hors-groupe avaient une mission pour la réussite collective (propreté des vestiaires, vidéos…). Ceci a très bien marché jusqu’à la finale. Seule la mission d’amener ABDOUL en finale a permis aux joueurs hors groupe de se sentir utiles car c’est un jour un peu spécial.
virilmaiscorrect
A noté que l'on ne parle pas de stratégie de technique mais de management d'un groupe, d'une équipe de personnes.
La gestion du groupe est souvent plus importante que le "technique" car sans groupe on ne va pas bien loin.
Sinon super article.
Khris
avec la réussite des U20 du pôle France, on a un très bon exemple que le temps passé ensemble a donné naissance à un groupe soudé avec des mecs qui se trouvaient sur le terrain. Qu’es ce qu’on a fait ?
On a supprimé le pôle France pour rendre les joueurs aux clubs de top 14......
Conclusion plus tôt que de chercher une alternative pour contenter les deux parties, on supprime et on redonne au top 14. L’equipe de France n’est clairement pas la priorité à la fédé, le pognon du top 14 est beaucoup trop attirant même pour la Fede, après on s’etonne que les stades soient vides, que les audiences diminuent pour l’equipe national et par dessus tout la fédé et en déficit.
C’est pourtant flagrant que le système des u20 tant dans le management que les semaines passés ensemble est un modèle puisque cela a ramenné une vrai coupe du monde en battant les meilleurs Nations.
On est mal barré.....
Ceci dit très bon article, merci le rugbynistere.
lelinzhou
@ La Rédaction Du Rugbynistère
Putaing congue ! Un super article comme duquel on rêverait dans voir des plus souvent qu'ils sont pareils !
duodumat
"...Coupe du monde. Pour moi, c’est une erreur d’annoncer très tôt que l’objectif est de la gagner".
Brunel ne l'a pas annoncé ... on a une chance, non ?
HookAHooker
N'oublions pas de prendre en compte le vécu commun le rugby est un sport de combat collectif, tu te bats pour tes pôtes pour ton équipe et vu l'ambience sur le terrain ca c'est vu.
Droitdevant
Des que tu parles à des pro intelligents et structuré tu sens que c'est solide et intelligent.
J'aimerai bien avoir interwiev miroir de l'équipe à Brunel.
Bruno, Bonnaire, Elissalde sont plus connus mail sont t'ils meilleurs techniciens ?
Si un bon joueur faisait un bon entraîneur ça se saurait depuis longtemps
Silkerin
C'est d'ailleurs une des choses qui m'exaspere le plus dans le rugby pro. Quasiment l'integralite des staffs en Top 14 et D2 sont composes d'anciens joueurs. Les mecs ont la place reservee sans avoir rien montre (Bonnaire est le meilleur exemple) alors qu'à cote des educateurs brillants et bien formes n'auront jamais leur chance en dehors de leur club local. De la meme maniere le rugby evolue de plus en plus vite et ce qui a marche pour ces joueurs durant leur carriere ne fonctionnera surement plus demain donc leur experience de joueur ne devient pas forcement indispensable ou meme utile (ex. la reaction Noves lors du KO de Fritz).
Il n'y a vraiment que dans le sport - et en particulier le rugby - que l'on voit ca et ca renforce encore plus le cote "consanguin" de notre sport prefere. Est-ce qu'un bon elève fera systematiquement un bon prof?
Marc Lièvre Entremont
Je suis très souvent d'accord avec toi ces derniers temps.
Silkerin
Merci. Je ne connais pas assez les championnats étrangers pour savoir si la situation est identique partout mais il me semble qu'un mec comme Lancaster par exemple n'a pas eu une carrière de joueur extraordinaire mais une vraie formation d'entraineur par contre. Il a par exemple enseigné en académie quelques années (en gros centre de formation chez nous) avant de manager des équipes sénior. Et pour moi malgré son échec à la dernière coupe du monde c'est un des tout meilleur entraineur - et croyez moi ça pique de dire du bien d'un anglais.
breiz93
Management intelligent et clair, c'est évident que les jeunes adhèreraient.
Abdul 16ème homme, comme quoi ce n'est pas toujours ceux qui gueulent le plus fort qui sont le plus efficace.
Flanquart St Lazare
A ce sujet, dans un autre journal que celui-ci, une interview d'un coach en préparation mentale.
Il y en a dans beaucoup de clubs.
La plupart des sélections nationales performantes font appel à ce type de coach (à commencer par les Blacks).
Et côté XV de France ? : le sujet n'est pas à l'ordre du jour.....
Marc Lièvre Entremont
Teddy Riner a un coach mental et clame haut et fort que sans elle il ne serait pas à ce niveau.
breiz93
C'est pas nouveau, il me semble avoir lu une interview de Jo Maso à ce sujet.
Mais ça c'était avant..