Tout débuta au mois d’août, lorsque « Les Prunes Sans Amiante », l'association des joueurs du club de Saint-Aubin (1ère Série), s’est réunie pour définir les actions à mener pour la saison 2017, dont le fameux voyage annuel. Et cette année, leur dévolu s’est jeté sur Rome, le Stade Olimpico et le match des VI nations entre l’Italie et la France.
Le départ du hameau de saint-Aubin eu lieu le 9 mars à 20h30 et malheureusement pour la compagnie de transport, ce même jour, deux joueurs fêtaient leur anniversaire... Bien avant Toulouse, la plupart des joueurs étaient déjà euphoriques, et légèrement éméchés. Si bien, qu'une heure après le départ, le chauffeur menaçait déjà de faire demi-tour…
Heureusement, après l’obligation de mettre en soute victuailles et breuvages, le groupe pu reprendre la route... Mais c'était sans compter sur la malice de certains, qui avaient caché leur butin afin de pouvoir s'enivrer un peu plus... Jusqu’à ce que le glas ne sonne. Vomis pour certains, incapacité de pouvoir communiquer pour d'autre. Bref, le voyage se déroula comme prévu pendant vingt heures avant d'arriver au point de débarquement, non loin des appartements loués à l'occasion. Une grande partie de l'effectif n'avait pas dormi ou pas plus de quelques heures.
Une fois installés, nous nous sommes rendus dans un restaurant, les pizzas défilèrent et bières et bouteille de vin s’écoulèrent pour relancer les organismes affaiblis et en manque de gaz. Quitte à être à Rome, nous sommes allés visiter la ville pour voir les lieux historiques avant de séparer le groupe et de continuer la soirée pour les uns ou de rentrer dormir pour les autres.
Le lendemain, après un petit-déjeuner copieux et avoir récupéré quelques zombies tout juste rentrés, direction la place centrale afin de prendre un bus navette pour le moment tant attendu : Italie-France. Un match qui était à l'origine la justification principale que nous avions donné à nos femmes et à nos enfants pour pouvoir venir ... Et parce qu'on aime le rugby aussi un peu.
Du moins, pour certains car quelques-uns étaient encore célibataires. À l’image de Jeremy Bailles, notre ouvreur, connu pour sa timidité et son amour pour la terre en tant qu’agriculteur. Bref, le profil idéal pour tourner dans « l'amour est dans le pré ». Le bus arriva, et ce que l'on pourrait apparenter à un énorme ruck, dans lequel personne n’est sur ses appuis, nous permis de contenir l’humeur de notre joyeuse troupe. Ainsi, les portes se refermèrent, le convoi s'élança et les chants furent déployés, au grand désarroi de la population locale qui ne devait pas être habituée à ces genres de comportements.
Malheureusement, impossible de nous faire descendre avant le terminus. Tant pis pour eux, de toute manière, nous étions plus nombreux. D'autres supporters de l'équipe de France étaient présents, bien moins organisés que nous, mais tout aussi volontaires, puisqu’ils nous suivaient dans chacun de nos refrains. Et puis au milieu de tous cela, coincée entre plusieurs épaules, en train de perdre son système auditif, il y avait Elsa, une charmante brune aux yeux bleus. Malgré sa position inconfortable, cette dernière était souriante et accompagnée de son paternel. Une fois sortis de ce bus, où chacun suffoquait péniblement, nous échangeâmes avec monsieur. Celui-ci avait le visage digne d'un Porcu et laissait facilement transparaître son amour pour le rugby. Après quelques pas, l’homme nous avoua qu'il lui manquait une place pour voir le match. Et comme le hasard fait bien les choses, nous en avions une en trop. Dans un élan fraternel, nous décidons de la lui remettre tout en continuant d'échanger sur l’Ovalie et de progresser en direction du stade.
Le groupe avançait d'un pas rapide, impatient de pouvoir boire à nouveau, afin de calmer les gosiers brûlants, sûrement à cause des rayons de soleil ardents. Mais qui voyons-nous en queue de peloton ? La belle Elsa et notre gentil Jéremy bien sûr ! Ça y est l'amorce était lancée...
Présents deux heures avant le début du match, nous décidions de prendre nos marques au comptoir. S’en suivirent quelques bières qui se transformèrent en fûts et nous étions prêts à attaquer la file pour nous rendre à nos places. File dans laquelle, timidement, certaines mains s'effleurèrent du bout des doigts et où certains regards croisés entraînèrent de gênants sourires sur les visages de nos deux tourtereaux.
Le match commença par les traditionnels hymnes. En tant que bon supporters de rugby, nous avons chanté plus qu'il ne le fallait, tantôt pour l'Italie tantôt pour la France. D'ailleurs dans un souci de camaraderie, nous avions pris nos places au milieu des Italiens pour être sûrs d'échanger avec eux et de pouvoir se chambrer.
La mi-temps arriva si vite qu'on ne s'était même pas rendu compte que nous étions à sec. Jérémy se proposa et s'exécuta, mais quelle fut notre frustration lorsque nous l'avons vu revenir avec seulement deux verres. Bien évidemment, étant assis à côté de sa promise, il ne pu s'empêcher de penser à elle, au détriment des copains. Mais pas de panique, on s'en est rendu compte assez tôt et avons pu intercepter sa descente d'escalier en direction d'Elsa avec un beau refrain improvisé pour l'occasion. Ce fut son concurrent direct à l’ouverture qui s'offusqua le premier, il se dressa vigoureusement, le pointa du doigt et lui lança un superbe "Bailles tu la baiseras pas" ...
Le silence fut bref, Jéremy resta statique, personne d'autre que lui à part son rival n'était debout et tous les regards étaient attentifs à une quelconque injure en guise de représailles. Mais rien ne sortit, il restait là, de marbre quelque peu pâle, comme à son habitude, car le garçon n'est pas querelleur. Malheureusement au rugby les faibles n’ont pas leur place, aussitôt d'autre joueur se levèrent en entamèrent un cœur "tu la baiseras pas, tu la baiseras pas..." Puis tout notre groupe.
Amusés, les autres Français du secteur suivirent. Puis les Italiens pensant certainement qu'il s'agissait d'une coutume s’ajoutèrent, pour emmener avec eux la Tribune entière qui devait trouver sans rien comprendre, bien rire de la scène.
Après un tel affront, il aurait dû être grillé auprès de la belle. Mais il n'en fut rien, car là où nous trouvions moquerie et faiblesse, cette créature incompréhensible qu’est la femme y trouva délicatesse et romantisme. C’est pourquoi une fois que Jeremy regagna sa place, Elsa se leva tout sourire, se dirigea vers lui et s'installa confortablement sur ses genoux en prenant soin de l'embrasser tendrement. Ils partagèrent une bière et dès lors ne se quittèrent plus.
Le rythme s'intensifia et nous continuions a prêcher nos bonnes paroles sur la foule endiablée avec nos chansons paillardes qui tenaient fièrement tête aux montagnes de baffles du DJ. Le tout accompagné de roulades, de cris et d'autres comportements de troisième mi-temps afin de bien représenter notre belle contrée du sud-ouest.
Une fois la fiesta terminée, nous furent congédiés et nous nous déplacèrent vers un restaurant telle une meute affamée ... Les conversations à fort décibel firent fuir costumes et cravates présents à notre arrivée mais ne génèrent en rien les longues conversations entre Jeremy et Elsa, qui restaient sur leur nuage. Même notre sortie au club qui faisait l’angle où les glaçons fusaient de toutes parts, ne pouvait perturber l'élocution des deux oiseaux.
Mais comme toute chose à une fin, il nous fallut rentrer, car le bus partait bientôt et des valises restaient à faire, des douches à prendre et des appartements à rendre. La fût l'instant du dernier baiser qui marqua d'une pierre blanche ce séjour. Saint-Aubin est allé à Rome, un groupe s'est soudé, Elsa et Jérémy se sont rencontrés, il ne manque pour cadeau de fiançailles qu'un beau bouclier en guise de remerciement aux dieux de l'Ovalie pour nous permettre de si beaux moments, d'amour, de partage de joie et d’amitié.
Ainsi s'achève notre périple, qu'il nous plaira probablement de raconter de manière déformée et exagérée les soirs de Sainte-Barbe ou lors de la 3e mi-temps dans divers club house autour d'une bière et de copains, car c'est bien là que nous nous sentons le mieux. Loin des tracas de la vie que nous souhaitons pourtant à Jérémy et Elsa tout en restant dans la simplicité du rugby.
Yann Béli
Très beau texte, comment ai-je fait pour passer à côté ? Ma prochaine bière est pour le couple, le prochain mètre de shots pour l'équipe !