Peux-tu nous parler de ton parcours rugbystique avant ton arrivée aux Etats-Unis ?
J’ai débuté le rugby à l’école de rugby de Muret puis à la fin de ma dernière année de cadet j’ai été recruté par Colomiers. J’ai connu les 3 relégations en Fédérale mais qui m’auront permis d’être trois fois champion de France (2005, 2008, 2012). J’ai ensuite décidé de prendre ma retraite à la fin de l’année 2016.
Comment t'es-tu retrouvé au pays des fast-foods ?
C’est assez simple. Je regardais toujours les personnes de mon entourage voyager avec beaucoup d’envie. Ils faisaient des échanges ou des cursus Erasmus qui leur permettaient de découvrir de nouvelles cultures avec de nouvelles langues, etc. Côté rugbystique, je m’éclatais toujours autant le week-end je pense même que je prenais de plus en plus de plaisir en vieillissant mais malheureusement je me sentais usé de tous les efforts qu’il fallait faire la semaine en attendant le match. C’était plus psychologique que physique ; les préparations d’avant-saison me paraissaient interminables et les semaines trop longues. Par contre quand le match arrivait, la flamme était toujours là. En 2016, nous avons accroché la demie-finale à Bayonne. C’était franchement un moment fabuleux, gravé dans ma mémoire, qui couronna probablement l’une de mes meilleures saisons sur le plan personnel. J’ai donc pensé qu’il n’y avait pas de meilleur moment pour arrêter. Avec l’accord de mon club, j’ai donc cassé mon contrat et filé vers les US !
Quelles étaient tes motivations ?
Ma copine travaillait sur Paris et moi étant sur Toulouse, aucun de nous deux n'était motivé pour bouger chez l’autre, la meilleure solution a donc été de trouver un terrain neutre. Aussi, je savais que pour négocier au mieux cet après-carrière, il me faudrait un projet ambitieux. L’étranger allait m’amener cette certaine mise en danger donc j’allais avoir besoin pour ne pas gamberger. J’ai donc contacté plusieurs Français ici aux US pour savoir comment ça se passait pour eux, puis par le réseau du rugby, je suis entré en contact avec un joueur qui était installé ici depuis deux ans. Il m’a guidé et aidé pour toutes les démarches administratives et nous avons d’abord atterri à Los Angeles pour aujourd’hui terminer à New-York.
Quelle est donc ta mission aujourd’hui ?
Quand je suis arrivé à L.A., j’ai donné des cours de rugby dans les écoles. C’était un bon moyen pour mesurer la vision qu’avaient les enfants du rugby. Aujourd’hui à New-York, je développe mon réseau rugby. Je discute actuellement avec une équipe de N.Y. pour être entraîneur. Même si le terrain n’est pas ce qui m’attire le plus ça peut être une bonne expérience. J’ai également passé du temps avec les gens de la nouvelle franchise de New-York afin de voir comment ils travaillaient. “J’audite” également l’ensemble des universités américaines qui ont des équipes de rugby pour savoir quels seraient leurs besoins et quelles bourses offrent-ils aux étudiants.
Comment analyses-tu leur vision du sport au quotidien ?
On peut dire qu’ils ont quelques années d’avance sur nous. Les gens, ici, adorent le sport. Des l’enfance, ils courent ou ont un ballon dans les mains. Pour les jeunes, le sport est le meilleur moyen d’obtenir des bourses scolaires et poursuivre sur des études secondaires. J’ai été choqué de voir l’intérêt que portent les gens aux sports universitaires. Certaines personnes préfèrent voir la compétition de basket universitaire que la NBA et de même pour le football. Pour les plus vieux, le sport est un exutoire dans cette ville ou ça grouille de partout, les gens courent presque tous. Il y a vraiment une culture du bien-être assumée à travers le sport. Elle existe également en France, mais ici elle est encore plus poussée.
Le rugby peut-il s'implanter durablement aux USA selon toi ?
Je crois que le rugby se développe très bien ici. Il est le sport avec la plus grande croissance. La saison inaugurale de la MLR (nouvelle ligue pro) a très bien marché et ça a beaucoup fait parler les gens. Le monde entier guette son évolution car il est évident que le marché derrière sera immense. Je pense que la deuxième saison de MLR sera un vrai tournant. Si on progresse encore en terme d’audience ou en taux de remplissage dans les stades, on pourra réellement dire que le rugby s’est installé aux USA et le pays pourra postuler de manière légitime à l’organisation de la Coupe du Monde 2027.Rugby à 7 - La Coupe du monde devient l’événement rugby le plus regardé des USA
Quels projets envisages-tu de développer aux Etats-Unis ?
À mon sens, le chaînon manquant se situe dans le passage entre les jeunes et les adultes. Je pense que le gros chantier consiste à travailler sur le développement du rugby dans les écoles et les universités.
De mon côté, je veux offrir l’opportunité aux jeunes joueurs français de venir terminer leur scolarité aux USA. Tous n’auront malheureusement pas la chance de devenir professionnel en France alors qu’ils pourraient vivre une belle expérience ici et pourquoi pas intégrer la MLR en suivant. Je travaille étroitement avec l’agence française qui est leader du domaine en soccer et l’expérience montre que ces échanges font grandir tout le monde. Il est bien évident que cette passerelle doit pouvoir exister dans les deux sens. Il y a de très bons jeunes joueurs ici et étant sur place, c’est toujours plus simple de les observer et les connaître...
Plus globalement, il est aussi important que des échanges stratégiques existent entre rugby français et américain, car les enjeux peuvent être énormes si ce sport continue de grandir à cette vitesse.
Qu’est ce qui t’a le plus marqué dans la culture américaine ?
Malheureusement ou heureusement, je n’ai vécu que dans deux grandes villes qui sont Los Angeles et New-York. Je ne pense pas que ça reflète vraiment l’image des USA. Mais je dois dire que ce qui me marque le plus ici, c’est le fait que les gens ne se préoccupe jamais du regard des autres. Il n’y a aucun jugement physique, vestimentaire ni sur ce qui vous allez faire dans la rue et c’est plutôt agréable.
Une anecdote marrante à nous raconter ?
Je ne sais pas si c’est vraiment marrant, mais dès mon arrivée à NYC j’ai voulu jouer dans un club. C’était vraiment dans l’idée de me faire des potes et l’excuse pour vider quelques bières. J’étais là depuis à peine deux jours que je prenais place sur le banc de l’équipe reserve des New York Old Blue.
À dix minutes de la fin, mon heure de gloire arrive, le coach m’appelle enfin. On perdait de 10 points si mes souvenirs sont bons. Le niveau n’étant pas dingue, je me voyais déjà rentrer sur le terrain et faire gagner l’équipe. Résultat, en dix minutes, quatre ballons touchés, un seul attrapé donc trois en-avants et sur la dernière action, où de colère j’ai voulu arracher un ballon dans un ruck, j’ai pris un coup de tête en me relevant... Cinq points de suture sur la pommette.
J’ai quand même rejoué deux semaines après car je ne pouvais pas laisser cette image de moi et du “rugby français”... Le match s’est bien mieux passé sportivement par contre à la 60e, je me tords la cheville sur un plaquage et je n’ai pas pu marcher pendant deux mois... Voilà comment j’ai définitivement tiré un trait sur ma carrière... Welcome to NYC...
Nico76
Dream dream
Droitdevant
Il faut leur envoyer Nanard et Sergio. S'il y a un peut d'oseille à prendre ils vont te leur développer le rugby US je te dis que ça.
Dans deux ans ils organiseront des tournois de Miami beach rugby au bord du Pacific et du flag rugby dans les casinos de Vegas.
La vrai vie quoi !!!
ginobigoudi
C'est vrai, Bernie en Stetson et tiags avec lacet en guise de cravate, ça le fait !.. Pour Don Simone, casquette las Vegas Sin City et bretelles... Ils jouent à quoi ?.. Au Craps !...
Richard l'Escroc
ça commence à faire beaucoup de pays qui ont de l'avance sur nous
Nathan itoje
Superbe article ????????
breiz93
Nous avons eu un joueur US au Stade Français, Scott Lavalla. Bon joueur, toujours dispo pour discuter avec les supporters.
Il disait que le rugby pourrait faire sa place aux USA mais qu'il partait vraiment de très très loin...
Team Viscères
Dommage pour vous qu'il soit reparti, c'est un bon joueur et un super gars avec un parcours atypique. Le mec se met au rugby alors qu'il est américain, suit des études de philosophie et de science politique, puis met fin à sa carrière pour s'engager dans l'armée (les Marines je crois) comme personnel médical. Clint Eastwood pourrait en faire un film...
Ahma
Un super gars qui s'engage dans l'armée ?
Même réalisé par Clint Eastwood, je n'achète pas.
Team Viscères
C'est marrant, moi c'est le combo patriote + armée + réalisé par Eastwood qui me donnerait envie de ne pas acheter. Ni regarder. Même gratuitement.
Ahma
Pour moi c'est tout de même un grand cinéaste, dont tu te doutes bien que les positions politiques sont à des années-lumière des miennes, mais qui étrangement a longtemps exprimé dans ses films une sensibilité quasiment incompatible avec les idées qu'il exprimait par ailleurs. Humainement et artistiquement, il y a là un véritable mystère. Ses deux films sur la bataille d'Iwo Jima, dont l'un montrait les choses du côté japonais, représentaient par exemple une démarche extrêmement atypique.
Bon, j'ai soigneusement évité Invictus, aussi bien pour des raisons politiques que d'irréalisme rubistique.
Le Haut Landais
J’ai été étonné en regardant certains de ses derniers films par les sujets traités et ses opinions, pas du tout ce que j’aurai pensé
Team Viscères
C'est même un très très grand cinéaste. Mais il a un souci avec le patriotisme, la grandeur américaine, et visiblement il déteste le rugby (sinon jamais il ne nous aurait fait ça).
breiz93
Exactement, il s'est engagé comme infirmier.
Toujours souriant et plein d'humour, le club lui avait fait une petite cérémonie d'au revoir.