Je suis allé voir pour vous... du cinéma : Beau joueur, un film de Delphine Gleize sur l'Aviron Bayonnais
Jean Monribot sous les couleurs de Bayonne. Crédit photo : Les Productions Balthazar / Wild Bunch Distribution
On sort des sentiers battus du récit d’un match de rugby, pour se plonger dans le monde du cinéma. Je vous préviens, je ne suis pas Télérama.

Mercredi, 12 heures. Le téléphone sonne, c’est le chef qui m’appelle, heureusement ce n’est pas pour me virer : « Ça te dit de venir voir beau joueur ? C’est un film de Delphine Gleize sur la saison de l’Aviron Bayonnais ! » Allez, encore un film à la fils à Jo pour montrer que les rugbymans ne sont que des bourrins, un peu niais, mais qui possèdent un grand cœur. Alors que tout le monde sait que les rugbymans n’ont pas de cœur mais 2 foies. Ce qui est plus pratique pour les 3e mi-temps. 

Je me lance donc dans le visionnage de la bande-annonce. On y voit une scène de liesse après la montée de Bayonne vers le Top 14. Puis des visages minés par les défaites. Avec en fond sonore des phrases prononcées par Vincent Etcheto, je retiens « Petit poucet », « faire chier les gros » et « équipe de tricards ». Un film qui semble axé sur les bonnes vieilles valeurs de notre sport, des images conclues par les chants de Jean Dauger et le traditionnel « Peña Baiona ». Hymne rugbystique qui ne devrait être chanté que par des Etchegaray, ou des Armendaritz. Que des patronymes avec toutes les consonnes non utilisées de l’alphabet français, du y, du x, du z et du k. Si tu t’appelles Arrieta par contre, tu chanteras « Aupa BO ».

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Je rentre dans le petit cinéma du quartier Jeanne d’Arc. À l’entrée on m’interpelle « Vous êtes rugbyman ? » Mon IMC trahissant les nombreux sandwichs au pâté ingurgités pendant ma carrière, je réponds positivement. La salle est au 3e étage sans ascenseur. Forcez un peu, vous y trouverez un rapport. Je découvre une petite salle, assez intimiste même. Les sièges sont d’une couleur rose étincelante à en faire pâlir d’envie Max Guazzini. Je m’installe confortablement.
Delphine Gleize, la réalisatrice, fait son entrée en compagnie du propriétaire des lieux. Elle nous explique brièvement le contexte du film. Elle a rejoint une équipe de l’Aviron Bayonnais à l’automne de la saison 2016/2017, pas la plus fameuse. Elle nous raconte qu’elle a pu suivre des hommes pendant 8 mois. Adrien Bordenave, présent dans l’audience, est un des protagonistes, il découvre lui aussi le récit de cette histoire. La salle est plongée dans le noir, ça commence.

UN FILM QUI PARLE RUGBY 

Le ton est donné par la voix off, celui de la narratrice. D’une voix douce et assez maternelle, elle raconte son épopée sur la côte basque. Un peu à la manière d’un journal intime. Le film nous plonge dès les premières minutes, dans l’antre du rugby professionnel, le repaire de la masculinité et de la testostérone. On y voit des hommes serrés, le bandeau vissé jusqu’aux yeux, les chaussettes trouées. On entend les discours d’avant match, les bruits des crampons, les silences et les clameurs du public. À peu de choses près, on sentirait les odeurs d’huiles camphrées dans les vestiaires. Véritable madeleine de Proust des initiés de ce sport. Il ne manquait que les coups de casque entre coéquipiers et on s’y croirait.
Le rugby est la base fondamentale de l’histoire. Mais toutes celles et ceux qui l’ont pratiqué le diront, le rugby ce ne sont pas que les matchs. Il y a aussi les entraînements, les après-matchs, les voyages en bus et autres moments de vie qu’un rugbyman peut partager avec ses coéquipiers. Et c’est toute cette consonante que Delphine Gleize nous dévoile pendant 103 minutes. 103 minutes durant lesquelles les clichés sont cassés. Le spectateur est plongé dans la vie des Bayonnais, mais jamais dans l’intimité. Une nuance forte et un choix assumé par la réalisatrice.

C’était un film où je ne voulais pas qu’on voie tout.

Une première banderille est plantée dans la justesse de la réalisation qui arrive même à nous faire voir des rugbymans lisant des livres. Comme s’ils savaient lire déjà.

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LES RUGBYMANS NE SONT QUE DES HUMAINS

Tout au long de la diffusion, on remarque des hommes cachés derrière la carapace du rugbyman viril et sans sentiment. Le vrai visage de joueurs minés par une saison cauchemardesque. Alors que ces mêmes mecs se trouvaient au paradis quelques mois plus tôt. À chanter jusqu’à s’en casser la voix devant des milliers de supporters euphoriques. Et probablement à boire du patxaran, la chemise déboutonnée et la cravate ciel et blanche autour du crâne. Ils se retrouvent désormais la tête baissée, à passer chaque jour devant la photo d’eux-mêmes les bras levés au ciel célébrant cette montée, une photo qu’ils ne remarqueront même plus à la longue.

Ces mauvais moments font partie d’une saison, ce sont des moments de vie que l’on prend plaisir à admirer. Quand les simples coéquipiers redeviennent une bande de copains. À jouer au ballon prisonnier, à se chambrer, à se bousculer, à rigoler. À vivre ensemble. Et ce sont ces instants que la caméra de Delphine capte parfaitement. Le ton est mélancolique mais pas dramatique. On a de l’empathie, sans tomber dans la pitié. Le spectateur a envie de vivre au milieu de ces gars. On aurait envie d’écouter les chansons ringardes de Grégory Arganese. De rigoler en voyant Julien Jané se plaindre devant le kiné. D’assister au premier cul-sec du jeune Simon Labouyrie pour son premier match avec les grands. Tous ces moments qu’on ne voit pas. La télé montre les succès, ce cinéma-là dévoile les défaites.

On mentionnait des rugbymans humanisés, l’exemple parfait serait l’image de Tom Donnelly en train de se faire recoudre l’arcade avec comme premier soutien son jeune fils. Assis sur son ventre, en train d’assister à une scène qui pourrait paraître terrible.  

Derrière le rugbyman, se cache un père qui montre à son enfant ce que veut dire serrer les dents.

Dira Delphine à propos de cette scène. Un minot pas plus haut que trois pommes qui reste stoïque là où n’importe quel numéro 15 se serait évanoui à la vue du sang.

VINCENT ETCHETO

Le coach des ciels et blanc a une place à part entière dans l’histoire. C’est déjà lui qui a ouvert les portes de la maison bayonnaise aux caméras. Son instinct lui dit que c’est bon pour ce groupe. Il est comme ça l’ancien bordelais, instinctif, amateur du jeu spectaculaire et avec un côté paternaliste aussi. C’est également un parolier, fidèle à la phrase bien sentie qui piquera le cœur, et l’ego parfois, des siens. On pourrait lui reprocher son côté grande gueule. 

On est des nazes, des enculés, des briseurs de rêve. Vous nous mettriez dans un bateau dans la tempête. Il y en a qui se jetteraient d'autres se planqueraient.

La métaphore est aussi forte que les mots sont durs à entendre. Mais cela fait partie du personnage décrit comme un désespéré optimiste par Adrien Bordenave, pilier passé par l'Aviron. Même quand tu reviens avec 80 points dans la musette, il trouve 3 images positives des 80 minutes. C’est peut-être ça la grandeur. Bon après, quand il s’agit de se taper un fractionné en côte à 8 h du matin parce que ça serait la solution idéale, on le voit moins grand le bonhomme.

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LE DEBRIEF

Alors je pourrais me risquer à donner une analyse de ce que j’ai vu. Mais mon œil de cinéphile amateur n’est pas assez développé. C’est pour cela que j’ai pris soin de vous raconter ce que j’ai vu. Et ce que j’ai vu, c’est tout un club qui a ouvert son cœur à une personne, pour dévoiler leur univers. Des joueurs, des entraîneurs, des dirigeants, des médecins, des supporters, on voit tout. Mais pas trop. De la simplicité bienvenue dans le contexte rugbystique actuel. Ce récit est comme ce lancement de jeu que tu rates à tous les entraînements. Tu l’as bossé, t’en as chié et le jour J, le timing est parfait, les intervalles bien pris. Et l’intervalle c’est l’ivresse du trou, dirait Vincent Etcheto, celui dans lequel on se lance pour ne plus s’arrêter. Chapeau Delphine Gleize.

LA PHRASE DE DELPHINE GLEIZE

Ce qui m’a frappé à l’Aviron Bayonnais, c’est qu’il y avait une part de rugby amateur. Ils n’avaient rien à cacher mais plutôt beaucoup de choses à raconter. Par exemple, il faut savoir que Jean Jo Marmouyet récite du Marc Aurèle en latin avant les matchs.

LA PHRASE D’ADRIEN BORDENAVE

Quand on est dans la sinistrose, on ne voit pas les choses avec le même regard. Delphine a réussi à trouver des moments euphoriques. Alors qu’on avait la tête sous l’eau et qu’on connaissait des moments compliqués.

La Bande-annonce du film 

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  • Endika
    4 points
  • il y a 4 ans

Ce film est il visible dans la région dans les salles de cinéma ??!

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