TÉMOIGNAGE. Julian Hans, ou la preuve que la vie d'un rugbyman pro n'est pas un long fleuve tranquille
L'ancien rugbyman pro de Colomiers, Julian Hans, parle de sa reconversion.
Du calendrier des Dieux du Stade aux marchés parisiens, il n'y a parfois qu'un pas. En cas de retraite prématurée, la reconversion des rugbymen pose question.
Le nom de Julian Hans ne vous dit peut-être rien. Pourtant, comme des centaines de joueurs avant lui, cet arrière polyvalent a traîné ses crampons sur tous les terrains de France. Son métier ? Rugbyman professionnel. Le Top 14, il n'a fait que l'effleurer, à la grande époque du Stade Français. C'est en Pro D2, à Limoges puis à Colomiers, que cet ancien international chez les jeunes commence à se bâtir une réputation. Loin de la grande scène médiatique, peut-être. Mais suffisant pour vivre son rêve. Pourtant, lui n'a pas choisi sa sortie. Lui n'a pas eu droit au fameux tour d'honneur, ovation du public à la clé, la faute à une sale blessure l'obligeant à prendre une retraite prématurée. Il revient sur son histoire, et évoque avec nous ses projets de reconversion dans la musique.

Salut Julian ! Tout d'abord, est-ce que tu peux nous raconter ton parcours rugbystique, de tes premiers pas avec un ballon ovale jusqu'à ton aventure chez les pros ?

Salut ! J’ai commencé à jouer au rugby très tôt, vers l'âge de cinq ans, au club de rugby de Poissy (Yvelines) qui est devenu par la suite le MLSGP (Fédérale 2/3). À quinze ans, je rejoins le Stade français, en parallèle de mes études au lycée LAKANAL en section sport étude. Je vis ma première année en Crabos et nous jouons une demi-finale de championnat de France. À vingt ans, je joue mon premier match en équipe première contre Leicester, mais au poste d'arrière, la route est barrée avec des joueurs de très haut niveau comme Juan Martin Hernandez, Ignacio Corleto, Nicolas Jeanjean... Je fais quelques sélections avec France 7, mais je me blesse gravement en 2004, avec une fracture de la malléole qui freine m’a progression. Je vis des années exceptionnelles où je participe à toutes les campagnes médias du Stade français. Max Guazzini me propose même de participer aux calendriers des Dieux du Stade. Je décide finalement de partir en Pro D2 pour trouver du temps de jeu.

Tu te retrouves à Limoges, qui jouait à l'époque en deuxième division.

Oui, Limoges sera mon point de chute. J'y passe une année super, j'ai la chance de jouer tous les matchs et j'obtiens ce que je venais chercher : du temps de jeu. L’année suivante, je signe à Colomiers sous la houlette de Roland Pujo. La première saison, je joue beaucoup à l’aile, et plusieurs petits pépins (dents cassées, nez cassé) m’écartent un peu des terrains, mais je prends beaucoup de plaisir dans ce nouveau club. L’année suivante est bien meilleure, je m’impose naturellement dans cette nouvelle équipe. Surtout, j’entretiens de très bonnes relations avec mes nouveaux entraîneurs, Nicolas Hallinger et Ludovic Chambriard. La vie toulousaine me convient parfaitement et je résigne pour deux saisons avec Colomiers malgré l’opportunité de signer à Pau cette année-là car je me sens bien dans cette équipe.

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Et là brusquement, c'est la tuile avec une grosse blessure, et ce nerf récalcitrant dans le bas-ventre qui serait à la source de tes tourments. Qu'est-ce que tu as ressenti à ce moment-là ?

Trois semaines avant de me blesser, je reçois un coup sur l’os iliaque qui m’empêche de finir un match contre Grenoble. La semaine d’après, j’arrive quand même à jouer mon dernier match contre Aix-en-Provence… On est au mois de mars. Un entraînement comme tous les jours. Le matin, je sens une faiblesse au niveau de mes adducteurs.. L’après-midi, j’engage un sprint en me retournant... et je m’écroule. Une douleur quasi-insoutenable le long de l’ischio. Je sais tout de suite qu’il y a quelque chose de pas normal. Je vais d’IRM en IRM, de scanner en scanner... Je décide d’aller voir de grands spécialistes. Mais rien, aucun diagnostic : tout ce que je sais, c’est que je ne peux plus courir. J'avais une impression d’instabilité dans le bassin, des douleurs nerveuses chroniques... Je passe mes nuits sur internet, les journées à voir des spécialistes, j’ai les boules, je ne comprends pas pourquoi ça tombe sur moi. J’ai le sentiment d’être maudit. Et tout doucement, je m’éloigne du groupe. Ludovic Chambriard m'aide beaucoup : lui aussi a arrêté sa carrière prématurément. J’essaie de relativiser, la vie n’est pas cruelle qu’avec moi, et plein de gens souffrent beaucoup plus que moi. Disons que j’ai perdu une vie, il m’en reste 6. (Sourire)

La suite, c'est quoi ? Qu'est-ce qui t'a convaincu de dire stop définitivement ?

Au bout d'un an, la douleur était toujours là. Je vois un autre spécialiste qui me diagnostique une hernie inguinale. Une grosse délivrance, je peux enfin me faire opérer. J’entame une rééducation à Paris entre l’ADAPT et le club du Racing Metro qui m’accueillent. Je tiens d’ailleurs à remercier Jacky Lorenzetti, Bernard Beyssey, et Pierre Berbizier de m’avoir aidé à ce moment-là, en me donnant accès à leur équipe médicale. Je reste quatre mois dans la capitale. Ça va un peu mieux... mais la gêne est toujours là. J’appelle alors Alain Carré - le président de Colomiers - pour lui dire que je suis dans l’impasse. Le club étant descendu, il me dit de m’accrocher pour reprendre en Fédérale 1. Je me dois d’essayer car il m'a toujours soutenu, aidé. J'entame une préparation éclair, et en serrant les dents, je joue trois bouts de match. Mais rien à faire, je le sais au fond de moi, la douleur est toujours là et je préviens le président de mon souhait d’arrêter... Je ne peux plus jouer.

La suite, p. 2

Vient donc la question de l'après-rugby, toujours difficile à anticiper aussi prématurément. Tu avais déjà réfléchi à ce que tu voulais faire avant ta blessure où tu t'es réellement retrouvé pris de cours ?

L’après-rugby à 25 ans, on n'y pense pas vraiment… Je rentre à Paris, je commence à bosser sur le même secteur d’activité que mes parents. Je monte un stand de vêtements et me voilà du jour au lendemain sur les marchés en Île-de-France. En parallèle, je contacte des société afin d’exposer au sein de leur CE. Je ne fais pratiquement que ça. Dur.

Et le rugby dans tout ça ?

Je garde une petite place dans ma vie pour le rugby, où je suis entraîneur du MLSGP. Ma petite connaissance du haut niveau et mon apprentissage chez les jeunes à Colomiers (la génération 99, très talentueuse) me permet de vivre une expérience sympa auprès de ce club. Malheureusement, le club se trouve en difficulté financière et je quitte mon poste deux ans après ma prise de fonction.

Tu es la preuve qu'une carrière, aussi prometteuse soit-elle, peut s'arrêter à tout moment : tu aurais un message à faire passer aux jeunes qui s'entraînent dur pour accéder au monde pro ?

Quand on est dans le monde du rugby, on oublie l’après et on pense beaucoup au présent. Je leur conseille de trouver une voie qui leur plaît vraiment, trouver une autre passion, quelque chose qui les fera vibrer quand le rugby sera fini. Quand on arrête, on a l’impression que rien ne peut nous plaire. Au final, c’est faux, mais il est préférable de le savoir avant. Quand on sait ce que l’on aime, on sait où on va… Vivre sa passion à fond c’est bien, mais en avoir plusieurs, je crois que ce n'est pas plus mal.

Venons-en à ton actualité puisque tu te lances dans un nouveau projet de reconversion.

J’ai toujours eu une relation étroite avec la musique. J'ai effectué mon premier stage chez NRJ, d’ailleurs, c’est par l’intermédiaire de Max Guazzini que j’ai commencé à m’y intéresser. L’homme est à la hauteur de tout ce qu’il a accompli. Il y a deux ans, je vais de festival en festival et j’ai l’opportunité d’investir dans une chaîne musicale, Clubbing TV. Avec un ami, nous créons une boite de tourisme à l’Île Maurice, je me lance également dans l’alimentaire et j’exploite aujourd’hui plusieurs places en région parisienne. En 2014, je rencontre Romain Girbal, victime du syndrome de l'entrepreneuriat, et on décide tous les deux de rejoindre un projet d’application de découverte musical, « MIXTR », qui sortira fin août. On relève le défi avec beaucoup d'enthousiasme.

Le concept, c'est quoi ?

Tout est basé sur le « Snap Judgement », le fameux J’aime/J’aime pas de Tinder. L’utilisateur a également la possibilité d’écouter une catégorie précise de musique qui l’intéresse et de découvrir de nouveaux artistes au sein de cette catégorie, de permettre à de jeunes artistes d’éclore et potentiellement de découvrir les stars de demain... On favorise l’interaction entre les différents membres de la communauté, comme un vrai réseaux social de la musique. On ne sait pas où ça nous mènera, mais l'important, c'est de prendre du plaisir dans cette nouvelle aventure.

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Enfin, dernière question : qu'est-ce qu'on peut te souhaiter pour le futur ?

J’ai vécu de très beaux moments dans le rugby, mais aussi de très durs… Maintenant, je veux me consacrer à ceux que j’aime, ma famille, mes amis, et mener mes projets avec autant d’ambition qu'à l'époque où je foulais les pelouses. Quand je me lève le matin, je suis heureux de voir ce qui va se passer aujourd’hui, j'ai hâte de voir ce que me réserve demain... Et ça c’est top ! Côté rugby, on pourra toujours me croiser pour un petit beach. Ça, je peux (sourire).

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  • ced
    100698 points
  • il y a 9 ans

je suis quand même surpris qu'on mette tant de temps pour diagnostiquer une hernie inguinale.
j'ai été opéré des 2, la 1e il y a 10 ans.
certes les douleurs sont particulièrement désagréables mais ça reste une blessure courante chez les sportifs, sûr qu'après on revit, par contre j'ai fait comme lui, le rugby fini, je suis passé à l'escalade et quand je cours je fais super gaffe à la prépa.
un autre point incontournable reste l'hygiène de vie, la mienne n'est pas parfaite mais je fais attention aux excès.
j'ai quand même rigolé quand il annonce avoir été barré par Nicolas Jeanjean, j'avais oublié.

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