Vingt ans seulement et déjà un lourd héritage à assumer. En enfilant la tunique bleue ciel de la Squadra Azzura vêtue du numéro 10 le 24 octobre dernier face à l’Irlande, Paolo Garbisi a redonné espoir à bon nombre d’observateurs ou autres supporters du rugby italien. Car malgré son jeune âge, celui que l’on présente comme une pépite de l’autre côté des Alpes, a égayé une journée encore maussade pour les transalpins, balayés sèchement par le XV du Trèfle (50-17). Une éclaircie dans la grisaille d’une nation incorrigible, qui cherche en vain à se frayer un chemin au milieu des mastodontes du « Vieux Continent », affichant éternellement les mêmes lacunes, comme rattrapée par ses vieux démons. Alors d’un essai en solitaire, Garbisi a éveillé la curiosité des « aficionados » de notre sport. Au point pour certains de s’enflammer et de le présenter déjà comme le nouveau Mozart de la ligne d’attaque italienne.
Pourtant, ce numéro 10 est un fardeau difficile à porter quand on connaît l’impact et l’influence qu’a pu avoir par le passé Diego Dominguez avec la Nazionale. Dans un pays où le football est roi, l’enfant de Cordoba en Argentine a su fasciner les tifosis de par son élégance, sa justesse technique et son aisance dans l’exercice du tir au but. Après avoir débuté sa carrière internationale sous les couleurs argentines, Diego rejoint l’Amatori Rugby, club basé à Milan. Grâce à une grand-mère italienne, il effectue ses premiers pas sous le maillot transalpin en 1991 et forme alors avec le légendaire Alessandro Troncon une charnière redoutable. Il va participer aux Coupes du Monde de 1995, 1999 et 2003 à l’issue de laquelle il mettra un terme à sa carrière internationale. À l’heure du bilan, l’ancien joueur du Stade Français aura laissé une empreinte indélébile au sein du rugby italien. Fort de 74 sélections pour 983 points marqués, il reste à ce jour et de loin, le meilleur réalisateur italien de tous les temps. Diego ne le sait pas encore, mais il va à ce moment-là laisser toute une nation orpheline de son joyau.
Le poste devenu vacant, les choix pour combler le vide laissé par Diego Dominguez semblent plus ou moins restreints à la veille du Tournoi des 6 Nations 2004. On pense à Ramiro Pez, lui aussi natif de Cordoba possédant la double nationalité ou alors Rima Wakarua d’origine néo-zélandaise. C’est d’ailleurs ce dernier qui tiendra la corde et disputera les premiers matchs de la compétition hivernale. Ne donnant pas pleinement satisfaction au staff de l’époque, il se verra remplacer par Roland de Marigny lors des dernières confrontations pourtant plutôt considéré comme un arrière.Luciano Orquera fait le match de sa vie contre la FranceÀ la sortie d’un tournoi ponctué par une avant-dernière place, le constat est terrible mais lucide. L’Italie ne semble pas posséder un ouvreur capable de briller au niveau international. Pourtant une lueur d’espoir jaillit l’année suivante. Alors qu’il a fêté sa première sélection quelques mois auparavant contre le Canada, Luciano Orquera lui aussi naît et ça ne s’invente pas… à Cordoba, jeune ouvreur de 23 ans, est retenu pour disputer le Tournoi des 6 Nations 2005. Du haut de son mètre soixante-et-onze et son excellent jeu au pied, il présente des similitudes avec Dominguez, son illustre aîné. L’Italie croit alors enfin s’être procuré la perle rare. Raté. Tournoi calamiteux, la Squadra Azzura décroche la peu glorieuse cuillère de bois. La valse des ouvreurs reprend alors de plus belle, ce qui ne serait pas sans nous rappeler notre chère équipe de France d’il y a quelques années. Ramiro Pez et Rima Wakarua ressortent du bois la saison suivante.
Puis c’est Andrea Scanavacca qui prend le relais lors du bon 6 Nations 2007. Ramiro Pez le remplace pour la Coupe du Monde en France. Attention la liste suivante pourrait vous donner de sacrés maux de tête. Une pléiade de joueurs plus ou moins spécialiste du poste va alors défiler. On y remarque un panel important de joueurs naturalisés. On retrouve parmi eux Andrea Masi, Andrea Marcato, Luke McLean, Craig Gower ou encore Kris Burton. Un large turn-over qui nous emmène à fin 2011, et le constat est toujours le même : l’Italie manque cruellement de talent à l'ouverture et n’a toujours pas laissé un ouvreur plus d’un an en poste. De 2004 à 2011, pas moins de dix joueurs ont occupé la place sans donner la moindre satisfaction sur le long terme.