Le rugby français se développe, mais fait-il preuve de gourmandise ? Ce mardi 19 mars, le Midi Olympique a déclaré que la Ligue Nationale de Rugby (LNR) comptait voir les droits de retransmission augmenter d’au moins 15% lors du prochain appel d’offres. Ainsi, l’instance espère décrocher plus de 145 millions d’euros par saison pour sa poule aux œufs d’or, à partir de 2027. Alors, ce pari peut-il mettre en péril le rugby français ou est-il en phase avec la valeur réelle du Top 14 et de la Pro D2 ?
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Prime time et contexte tendu pour les droits TV
Pour le savoir, nous avons contacté Vincent Chaudel, fondateur de l’Observatoire du Sport Business et du cabinet de conseil In & Sport. En substance, l’expert lie le traitement du rugby à celui du ballon rond. “Après l’échec du projet Mediapro* au football, Canal + a fait le pari de racheter le lot de la Ligue 1 détenu par BeIN Sports et de placer le rugby en prime time le dimanche soir”, rappelle-t-il.
En dehors du football français, l’expert confie que la chaîne cryptée a tenté d’autres paris, sans forcément que ces derniers soient concluants ou adaptés à ses ambitions. Ainsi, le rugby reste l’atout principal de la chaîne pour clôturer ses week-ends :
En parallèle, Canal + a fait le choix de tenter de mettre en avant le championnat saoudien de football et la première division féminine. Ça n’a pas marché. Ils ont un portefeuille de droits intéressant, par exemple la Formule 1 fonctionne bien, mais les Grands Prix ne sont pas en prime time, la plupart du temps. Ils peuvent miser sur les championnats de football étranger européen, mais le nombre d’affiches intéressantes pour le grand public reste faible. Dans ce contexte, le chemin semble tout tracé pour que Canal continue de suivre le développement du rugby en France.”
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En supplément, il confie que “l’escalade” actuelle entre Canal + et la Ligue 1, ou plus clairement la LFP, rend floue l’issue d’un “conflit” qui s’est “intensifié” ces dernières années. “On ne voit pas bien comment cette affaire pourrait se régler du côté de Canal +. Il pourrait de nouveau racheter le lot d’un autre diffuseur, comme DAZN ou BeIN, mais cela paraît improbable de les voir revenir dans la boucle des discussions pour la Ligue 1”, confie Vincent Chaudel.
15 % d’augmentation, ambition ou illusion ?
Avec un chèque attendu d’au moins 145 millions par saison, l’idée n’est pas non plus de réitérer les erreurs du football. Pour Vincent Chaudel, cette augmentation de 15 % de la valeur attendue des droits TV reste “financièrement supportable pour Canal + et nécessaire pour les clubs”. Il explique que les relations entre les deux sports collectifs majeurs dans l’Hexagone et la chaîne cryptée ont pris des chemins très différents :
Canal + ne veut pas reproduire les mêmes erreurs qu’au foot, où les torts étaient partagés entre eux et la LFP. Le problème, avec le football, c’est que Canal + a décidé d’arrêter d’être partenaire. Pour le rugby, BeIN Sports a été ajouté à la boucle de la LNR, il y a plus de 10 ans, faisant passer les droits TV d’une trentaine de millions à environ une centaine par an. Canal + a rapidement fermé la porte aux concurrents en augmentant son offre. Hormis ce premier et seul couac avec la LNR, la chaîne a toujours voulu rester le partenaire du rugby. Il y a une différence entre partenaire et diffuseur. Dans le cadre d’un partenariat, il y a une volonté de développer le sport associé, d’avancer ensemble. Contrairement au football, il y a toujours cette histoire d’hommes au rugby.”
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D’autant plus, les montants demandés par le rugby français restent réalistes et ne correspondent pas aux folies footballistiques de ces dernières années. Néanmoins, certaines situations viennent ternir les ambitions de la LNR. “Dans leur réflexion, je pense qu’ils auraient aimé que la Coupe du monde soit un plus gros booster. Dans l’idée de Canal + et de la LNR, une victoire à la maison et un engouement fort aurait propulsé le rugby. L’engouement a été là, mais il s’est arrêté trop tôt, à cause de l’élimination en quart”, confie l’expert. Ainsi, le rugby hexagonal ne connaît pas d’explosion de popularité, mais bénéficie plutôt d’une “croissance constante depuis 20-30 ans”.
Pour lui, le Top 14 a d’autres atouts à mettre en avant. “Pour le rugby de club, la LNR et le Top 14 restent la référence mondiale”, affirme le fondateur de l’Observatoire du Sport Business. Si Canal + mise autant sur le rugby, c’est parce que le ballon ovale réalise des chiffres satisfaisants, même si “le football fait plus d’audience” selon Vincent Chaudel. "Un Stade Français - Racing 92 ne peut pas faire les chiffres d'un PSG - OM, mais ils font déjà bien mieux que la Saudi Pro League, sans vouloir vexer personne", ponctue-t-il. D'autant plus, il souligne l'importance des magazines en clair diffusés avant les matchs qui "permettent d'attirer des annonceurs".
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Dupont, Penaud, etc. L’or bleu du Top 14
Il explique que la génération actuelle des joueurs du XV de France est un atout non négligeable. L’expert affirme que “le rugby est très mal à l’aise avec la notion de star”. Cependant, il assure que des visages tels que Damian Penaud, Romain Ntamack et Antoine Dupont représentent une vitrine que l’ovalie avait perdue durant la dernière décennie : “le Top 14 bénéficie de joueurs français avec une notoriété. Alors, Dupont n’est pas encore Mbappé, d’ailleurs, je ne pense pas qu’il cherche à l’être. Il y a encore quelque temps, les visages du rugby étaient des joueurs connus à la retraite : Michalak, Chabal ou Blanco. Là, on a des joueurs qui remplacent les glorieux anciens auprès de monsieur tout le monde. Le tout, alors qu’ils jouent encore, c’est ça qui est intéressant.”
La Ligue Nationale de Rugby déclarait, à RMC, qu’elle comptait profiter d’un “contexte très positif” pour vendre au mieux son championnat. Néanmoins, Vincent Chaudel préfère dire que le contexte est “durablement positif” et qu’il n’y aucune forme d’urgence. Le conseiller, ayant déjà travaillé avec la LNR, se justifie ainsi :
Les aficionados de rugby continuaient à venir au stade, quand le XV de France allait mal, mais ces nouveaux joueurs peuvent permettre de renouveler le public. Il y a 25 ans, le fan de rugby type, c’était un homme de 40-50 ans et il y a 5 ans, c’était toujours la même chose. Or, là, on a pour 10 ans de joueurs talentueux devant nous, minimum. Sur toute cette période, le rugby peut enfin accrocher des jeunes et renouveler son public. Ajoutez à ça la participation d’Antoine Dupont aux Jeux Olympiques et vous avez une belle vitrine pour le rugby à XV français.”
LAmiDeTous
Séance d'auto congratulation; cette hausse quasi mécanique des droits télé avaient été prévue de longue date.
LAmiDeTous
Le rugby se pique de valeurs humaines alors que celles-ci s'expriment plus dans le football (sans que celui-ci en soit un temple)
Quand on s'associe avec des personnes, on est tributaire de ces personnes, ça déteint.
La présentation est fallacieuse; Canal plus tenta de devenir partenaire du football, le problème étant que le football anglais et le commerce anglais associé ont fait un bien meilleur travail que le foot français et le commerce français associé.
Le foot anglais a placé l'accent sur la scène nationale qu'il a amélioré alors que le foot français ne pensait qu'aux coupes d'Europe. On moquait les Anglais qui ne gagnaient plus ces coupes; prouvant ainsi la mauvaiseté de ce championnat surcôté.
20 ans plus tard, le football anglais, c'est une scène nationale puissante, riche et une présence forte dans les coupes d'Europe, le football français se perd à l'abîme.
Le rugby français, lui, suit une autre trajectoire, les Anglais bloquent la mondialisation du rugby car cela fournirait des débouchés au top 14. Donc peu de clients et les Anglo Saxons en bloc rejettent le top 14 dont ils craignent la puissance.
Le rugby français travaille peu sur lui même et compte sur la scène internationale (CdM entre autres) pour promouvoir le rugby en France, les clubs abandonnant leur devoir de localité.
Avec amusement, alors que le football anglais veut une position dominante pour organiser le commerce mondial du foot à son profit, le rugby français rêve d'organiser sa scène nationale pour profiter aux autres rugbys. C'est un top 10 avec moins de vedettes d'ailleurs dont le profil reposera sur les joueurs français.
A ce titre, conflit en aggravation, ce sont les mêmes joueurs qui doivent assurer la notoriété du rugby français sur la scène nationale et la scène internationale.
Pianto
l'avantage du rugby français par rapport au foot français, c'est l'absence de réussite économique des autres.
Dans le foot français, il y a une fuite des talents vers l'étranger à cause de la différence de budget avec l'étranger. Ces budgets sont étroitement liés aux droits télés. Le dernier du championnat anglais reçoit davantage de droits télés que le champion de France.
Les propositions d'obscurs clubs anglais aux joueurs leur permettent de tripler leur salaire.
Les clubs pour essayer de conserver un peu plus longtemps leurs meilleurs joueurs et d'attirer des joueurs chez eux ont grand besoin d'argent.
D'autant que tous les clubs à l'exception du PSG, dans une autre catégorie, doivent vendre des joueurs en fin de saison pour équilibrer leur budget. Ils vivent tous au-dessus de leurs moyens.
Au rugby c'est différent, aucun championnat ne propose de meilleures conditions salariales, 100% des meilleurs joueurs français évoluent en top14. Le besoin d'augmenter les droits télés est donc davantage une question d'égo et de volonté de croitre pour croitre, la raison majeure est "ils sont prêts à donner plus alors on prend plus, sans tuer le poule aux œufs d'or".
Si ça n'augmente pas, aucun club ne sera en difficultés.
LAmiDeTous
C'est réduire l'observation aux proches années. Le foot français n'était pas si derrière que ça ne serait ce qu'en 2004.
Le fait est que le commerce français a perdu la bataille du football contre le commerce anglais (une récurrence depuis la montée du libéralisme en France car déjà à l'époque de la révolution étatsunienne, le commerce français pensait que soutenir les libéraux aux Etats Unis dans leur guerre contre le roi d'Angleterre allait leur donner le marché états Uniens, lourde désillusion alors que la victoire des Etats Unis se poursuivait par une guerre contre la France)
Canal plus, conscient de la situation, ne remettra pas les pieds dans le foot alors qu'à égalité de moyens, il se fit enfoncer par le commerce anglais alors maintenant.
RNP
Le rugby est moins populaire que le foot et reste un sport "régional". Les droits du foot anglais ou espagnol sont dingues parce que tu as des bon anglais prêts à payer pour voir des Liverpool/Arsenal ou des Barcelone/Réal Socieda. Difficile d'imaginer un modèle économique mondial pour le rugby sauf peut-être pour le 7.
Pour le reste, tu as parfaitement raison. Le poids économique du rugby pro français comparé à ses voisins européens ou plus lointains est sans comparaison. Il n'y a que les anglais qui ont pu avoir un poids comparable avec l'aide d investisseurs étrangers.
Le statut "Jiff" qui est un moyen de "contourner" l'arrêt Bosman qui a ouvert la voie à la "britanisation" du foot européen a aussi mis fin au modèle alternatif imaginé avec talent par M Boudjellal.
LAmiDeTous
Incorrect. Une grande part du succès du football anglais vient de la solidarité montré aux petits clubs. Les supporters anglais sont avant tout prêts à payer pour voir un gros club anglais contre un petit club anglais.
RNP
Sauf que les droits du championnat anglais sont vendus partout dans le monde en Europe, en Asie, en Afrique ou en Amérique.
LAmiDeTous
Bien sûr, le commerce anglais a bataillé pour organiser la scène mondiale au profit du foot anglais. Une stratégie d'empire classique.
Le rugby français, lui, est sur une autre trajectoire, organiser la nation pour servir les commerces du rugbys étrangers.
duodumat
Combien de temps le rugby va-t-il résister à cette tendance de "footisation" ?
La "starisation" de quelques joueurs risque de se faire aux dépens de l'esprit que ce sport avait jusqu'à maintenant aux yeux du public. L'argent n'achète pas tout mais il peut tout corrompre !
LAmiDeTous
Il n'y a pas de footisation. Le rugby suit sa propre trajectoire.