Dans une récente interview accordée au Midi Olympique, l'ancien ouvreur des All Blacks Dan Carter a confié que s'il avait pu être un super-héros, il aurait aimé être Batman. Et son Robin ? "Probablement Brice Dulin", a ajouté le légendaire numéro 10 kiwis. S'il pouvait avoir ce rôle lorsque Carter évoluait au Racing 92, l'arrière désormais au Stade Rochelais, a montré dimanche face à l'Irlande qu'il était maintenant plus qu'un simple acolyte. A 30 ans, il semble avoir troqué son costume de jeune arrière fougeux aux débuts des années 2010 pour celui de leader des lignes arrières. A le voir s'envoler sur les chandelles irlandaises à Dublin, on aurait cru voir Superman. Mais n'allez pas lui coller cette étiquette de sauveur du XV de France même si en sortant Lowe des limites du terrain en première période, il a prouvé qu'il était une assurance tout risque à l'arrière. "Je ne vous ai jamais écoutés, que ce soit dans les bons moments comme dans les mauvais. Je ne vais pas commencer aujourd’hui…", confiait-il en 2015 via Le Figaro deux jours seulement avant une défaite à Paris face au Pays de Galles (20-22) où il avait marqué un essai.
"Brice Dulin n’est pas un arrière comme les autres. Et, surtout, ne laisse personne indifférent", écrivait le Midi Olympique en 2015. Flamboyant, déroutant, tels étaient les adjectifs employés à l'époque pour le décrire dans un article intitulé "L’électron (trop ?) libre". Peut-être attendait-on trop à ce qu'il relance et mette son équipe dans l'avancée après avoir capté le ballon dans les airs sans forcément être présent au soutien pour continuer l'action ? Dulin, 1m76 pour 80 kilos à l'époque, avait construit sa réputation sur ses relances de feu grâce à des appuis électriques et une vision du jeu unique. "A l'arrière, il faut amener de la vitesse, du jeu, de la folie et de la joie", expliquait-il via Challenges en 2012, année de ses premières sélections avec les Bleus. Mais ce qu'il faisait avec talent au niveau national, il n'a pas toujours réussi à le faire avec le XV de France. La faute à des défenses plus hermétiques et aux occasions bien plus rares de s'illustrer. "Il y a toujours au moins quelques actions où on crée quelque chose. Et puis, on peut prendre du plaisir en défendant, en captant un ballon haut." Car l'autre point fort de Brice Dulin a toujours été son excellence sous les ballons hauts. Des qualités de main et de timing héritées de sa pratique de la pelote basque où il a été plusieurs fois champion de France avant de découvrir le rugby à l'âge de 15 ans. Dimanche à Dublin, Dulin a été impérial dans les airs alors même que le match a très mal débuté avec un coup de pied contré et un ballon air mal négocié. Il a suite de suite enchaîné avec un bel arrêt de volée devant sa ligne des 22 mètres puis un long coup de pied dans le camp irlandais.
VIDEO. Coupe du monde - Amical. Un Angleterre - France sous forme de montagnes russes pour Brice DulinMais le Dulin de 2021 est fait d'un autre bois. Il faut dire qu'il a mangé son pain noir. Six ans plus tôt, il n'avait joué qu'un match dans le Tournoi. Puis on l'avait retrouvé en août face à l'Angleterre... à l'aile. Un match qui avait bien failli lui coûter sa participation à la Coupe du monde après avoir notamment été déposé dans une cabine téléphonique par Anthony Watson. Après le forfait de Huget, Philippe Saint-André lui avait néanmoins fait confiance pour le Mondial anglais, non pas à l'arrière, le poste où il brillait depuis plusieurs années mais où Spedding avait été installé, mais à l'aile. "Je suis un pur arrière, et même si je joue parfois à ce poste en club, je manque d’habitudes et de repères à l’aile au très haut niveau", lançait-il comme un avertissement en octobre 2015 via GQ. C'est pourtant bien avec le numéro 11 dans le dos qu'il avait joué trois des quatre matchs au Mondial. "Brice va vite, il est capable d’être un électron libre, de créer énormément d’incertitude dans le jeu et d’être bon sur le jeu au pied millimétré des Irlandais", expliquait alors PSA via L'Equipe avant le match de poules face à l'Irlande. Les Bleus s'étaient cependant inclinés 24 à 9 avant le tristement célèbre quart de finale face aux All Blacks. Ce jour-là, les Néo-Zélandais avaient puni les Bleus en défense et Dulin avait particulièrement souffert face à Nehe Milner-Skudder, un véritable ailier. Brice Dulin, bridé à l'aile pour reprendre ses mots puis blessé au genou, a mis du temps à se remettre de ce match et à retrouver les qualités qui avaient fait de lui l'un des joueurs les plus explosifs du championnat de France lorsqu'il évoluait sous les couleurs d'Agen puis de Castres.C'est au Racing 92 qu'il a peu à peu retrouvé le plaisir et les sensations. On lui a donné du temps de jeu et le temps de revenir. Il finira par être titulaire en finale contre Toulon à Barcelone en 2016 avant d'enchaîner une saison pleine l'année suivant avec 24 titularisations en 24 matchs. Il a su attendre son heure et montrer son envie sans "chercher à surjouer", comme l'expliquait Guy Novès en novembre 2016 avant un match face aux All Blacks. Après six ans passés dans la formation francilienne et un départ à La Rochelle, on a presque l'impression d'avoir retrouvé le Brice de l'époque avec quelques cheveux blancs en plus mais surtout plus de sagesse sur le pré. Une expérience qu'il a distillé avant le match en Irlande à ses coéquipiers sous les yeux du staff. A le voir motivé et remonté comme jamais, on avait du mal à voir le "Du-dule" décrit comme le clown du groupe, le mec qui met l'ambiance, par son ancien coéquipier à Castres en 2016 Rémi Lamerat.
Il faut dire qu'il jouait gros lors de ce match. Après de bonnes prestations à l'automne, il se savait attendu. En l'espace de 80 minutes de très haute facture, il semble avoir définitivement relégué au rang de remplaçant Thomas Ramos et Anthony Bouthier. Un statut d'arrière titulaire auquel il ne pense certainement pas dans ce groupe ou chaque individualité est au service de l'équipe. Et c'est justement dans ce contexte-là, avec un staff qui lui fait confiance et entouré de joueurs talentueux que Brice Dulin peut à nouveau briller. En marquant notamment des essais comme l'automne et contre l'Italie ou bien en étant décisif pour ses coéquipiers comme sur la réalisation de Penaud pour la victoire en Irlande. Logiquement élu homme du match, il a reçu les éloges de Fabien Galthié. "Il a été à la hauteur de ce que l’équipe pouvait attendre de lui. Pour gagner des matchs comme ça, de toute façon il faut placer le curseur plus haut. Et Brice est allé au-delà de ce que l’on pouvait attendre et de ce qu’il pouvait attendre peut-être de lui." A le voir fondre en larmes au coup de sifflet final, on imagine à quel point les années passées loin du maillot bleu ont été difficiles à vivre. Bien décidé à profiter pleinement de cette nouvelle opportunité qui lui est donnée, il ne compte lever le pied. Sauf pour réceptionner une chandelle ou bien pour dégager loin de devant, cela va de soi.VIDEO. XV de France. Submergé par l'émotion, Brice Dulin ne peut contenir ses larmes en Irlande
Brice Dulin s'est imposé à l'arrière du XV de France en l'espace de quelques matchs. Joueur de talent, il peut pleinement exprimer son talent.
Vos adhésions financent la création de contenu par des passionnés de ballon ovale. Devenez adhérent pour débloquer cet article Premium !
FranoKaaf99
Un Phoenix...au sens littéral et littéraire du terme. pffffiouuu, impressionnant ce garçon !
pascalbulroland
Bel article sur un beau "revenant"....