L’AVANT-MATCH
L’été pointe déjà le bout de son nez dans la capitale espagnole : grand soleil, 22 degrés, on devrait voir du jeu ! Alors que les spectateurs arrivent peu à peu, les aficionados présents pour assister à l’échauffement récapitulent le classement et font des plans sur la comète. C’est bien simple, pour l’instant, on en est là :
Autant dire qu’une victoire face à des Belges bons derniers permettrait aux locaux de faire un pas de géant vers la qualification directe au Mondial 2019, en attendant le résultat du choc Roumanie – Géorgie. En jetant un rapide coup d’œil aux compos, on s’aperçoit que ça a de la gueule ! Côté espagnol, le XV vainqueur en Allemagne la semaine passée a été reconduit. Les Belges, curieusement réputés pour être faciles à jouer, débarquent pourtant avec une armada de joueurs évoluant en Top 14, Pro D2 ou Fédérale 1. Santiago Santos, le sélectionneur des Leones, ne s’y trompe pas en conférence de presse : « le meilleur moyen de perdre est de penser que nous avons déjà gagné. »
Bref, pendant ce temps, les deux équipes font leur entrée sur le pré dans un Estadio Central chaud à point. Les Madrilènes ont répondu présent et l’ambiance est à la fête. C’est parti pour les hymnes !
PREMIERE PERIODE
Rapidement, les joueurs se mettent en place : les Leones vont donner le coup d’envoi de cette rencontre !
1’ : Dès l’entame, le capitaine Jaime Nava sonne la charge. L’arbitre rentre lui aussi très vite dans son match en sifflant après 40 secondes de jeu : plaquage haut d’un défenseur belge. Linklater assure à 45m sur la gauche, et ouvre le score. 3-0. Dès le renvoi tapé, Nava remet son équipe dans l’avancée par une nouvelle charge. Les locaux sont bien en place.
4’ : L’arrière belge se troue sous un ballon haut et nous offre la première mêlée du match, qui semble équilibrée mais qui finit par se relever. L’arbitre laisse jouer, et cela profite aux Leones qui mettent leurs adversaires sous pression, tant offensivement que défensivement.
8’ : Enorme percée de Linklater depuis ses propres 22 ! L’arrière gagne 40m en effaçant la défense. Au sol, un en-avant est commis, transformé en pénalité après contestation… quel gâchis. Jaime Nava pousse une petite gueulante pour discipliner ses troupes.
10’ : ESSAI… espagnol ! Le turnover fatal pour un essai en contre-attaque parfaitement mené ! Bélie anime le mouvement et libère son ailier dans l’intervalle. Il n’a plus qu’à fixer et donner dans un 2 contre 1 d’école et c’est le 2ème ligne Ignacio Villanueva Martin qui part aplatir entre les perches. Logiquement transformé. 10-0.
11’ : Nava réceptionne le renvoi et charge de nouveau ! Il montre la voie et cela fonctionne, les locaux jouent juste : forts devants, ils enchaînent les phases de jeu et savent temporiser si nécessaire. On sent de la maîtrise dans cette équipe. Les Diables Rouges, eux, peinent à entrer dans cette partie.
15’ : Les Belges se réveillent et lâchent la cavalerie sur une attaque en première main ! La dernière passe n’est pas assurée… cela symbolise cruellement leur entame de match, marquée par un manque de justesse criant.
17’ : Les Espagnols ont pris le dessus sur les dernières mêlées. La défense belge souffre face aux séquences imposées par les locaux. Elle craque de nouveau au large quand Fabien Perrin vient marquer un essai construit tout en passes pour récompenser un beau travail collectif. Linklater à 25m poursuit son récital, 17-0. La note commence à être salée…
26’ : A 30m face aux poteaux, Linklater sanctionne l’indiscipline des Diables Rouges. 20-0.
30’ : Les visiteurs essaient tant bien que mal de bonifier leurs ballons mais se heurtent à une défense très solide, leurs propres imprécisions faisant le reste…
32’ : Cette équipe de Belgique semble complétement éteinte, dépassée. Bélie, lui, surnage et ramène le jeu dans la zone de marque. S’en suivront plusieurs séquences et des pénaltouches répétées. Cette fois-ci, les visiteurs s’en sortent.
MI-TEMPS
Il fait beau et chaud, la buvette va faire un chiffre d’affaire monstrueux ! Je discute quelques minutes avec quatre gars visiblement plus calés en bières qu’en rugby, ils sont impressionnés pas la prestation des Leones. Je pense qu’ils reviendront. A ma gauche en tribunes, j’ai la chance d’avoir un gros groupe de passionnés habitués, tous très satisfaits. Ils m’ont pris pour un Belge… Peut-être que je faisais un peu la gueule en regardant l’évolution du match des Bleus ! En tout cas, ici, c’est une belle fête, les gosses des écoles de rugby de Madrid sont ravis et on a hâte d’assister au deuxième acte !
DEUXIEME PERIODE
41’ : On repart sur les mêmes bases dès la reprise. Suite à une bonne pénaltouche, l’Espagne développe une belle attaque en première main.
42’ : Coup de théâtre ! Carton rouge contre le pilier Jesus Moreno ! Pourquoi ??? A vrai dire dans les tribunes, personne ne le sait vraiment… A posteriori, on apprendra qu’il s’agit d’une supposée brutalité dans un ruck.
43’ : Carton jaune contre Fabien Perrin pour plaquage dangereux ! C’est surréaliste, le match part en sucette. Les Leones se retrouvent à 13 et vont devoir serrer les dents, on sent la tension monter d’un cran !
45’ : Logiquement, les Belges investissent le camp adverse. Le speaker essaie de réveiller un stade complétement abasourdi par ce qui vient de se passer… Les locaux font dos rond en défense !
47’ : L’Espagne fait preuve d’intelligence situationnelle dans cette période compliquée, elle joue simplement en assurant la conquête et se donne de l’air en récupérant quelques pénalités. Le pack, à 7 contre 8, se paie même le luxe de bousculer son homologue en mêlée fermée. Franchement fort. En défense, les Espagnols ont activé le mode sécateur et découpent tout ce qui passe.
54’ : On joue depuis 6 minutes sur le même morceau de terrain et les minutes se sont égrainées jusqu’au retour du carton jaune. Quelle gestion de la part des hommes de Santiago Santos ! Les visiteurs n’ont pas pu concrétiser à 15 contre 13. Ils se réveillent sur la mêlée suivante et destronchent le pack espagnol. C’est la révolte, sur la pénaltouche suivante, les avants belges forment un porté qui avance. La balle est éjectée rapidement mais les ¾ sont trop à plat… grossière erreur, que le 2ème ligne Gavidi, fraîchement rentré, sanctionne immédiatement : lancé comme un frelon, il dézingue le premier attaquant et stoppe net le mouvement.
68’ : En force, les Espagnols décident de dérouiller la défense des visiteurs en la pilonnant sur 20 mètres. Et c’est Gavidi qui finit par aplatir tout en puissance ! Probablement la goutte d’eau pour les Diables Rouges, piqués au vif… malgré un grand soleil, la grêle commence à tomber pour une bonne générale des familles ! En toute partialité et avec un brin de mauvaise foi, le speaker chauffe un public bien réveillé. Tout ce qu’on aime, rien de mieux pour se détendre… A moins que, oh wait ! C’est le moment que choisit le streaker du jour pour entrer à moitié nu sur le pré, voler un ballon sur les 50m, et venir planter un essai sous les perches belges ! Le show est total, qu’on nous amène du pop-corn !
72’ : Retour aux choses sérieuses. Après avoir transformé, Linklater passe une pénalité de 50m en face des poteaux sur le renvoi, octroyée suite à la bagarre (vous suivez ?). Le planchot affiche 30-0, avec un bonus offensif pour les locaux s’ils conservent 3 essais d’avance. Le public est aux anges !
75’ : Les Diables Rouges donnent tout pour essayer de sauver l’honneur, mais trop de fautes de main polluent leur jeu. Ils peuvent toujours faire sauter le bonus offensif des Espagnols. Pourtant, cette fin de match se résume à une domination stérile des visiteurs. Jusqu’à la 85e minutes de jeu, les Belges jouent à la main des pénalités dans les 22 espagnols mais ne parviennent pas à trouver la faille dans une défense de fer. Sur un ultime en-avant, l’arbitre met fin à la rencontre. Score final, 30-0.
Les enfants envahissent la pelouse et le public communie avec les Leones. Ce sont franchement de bons moments à vivre.
Celebracion del #XVdelLeón por su tercer puesto en el #REC2017 @rugby_europe #VamosLeones #RoadtoJapan2019 pic.twitter.com/H5pOEGoPeh
— España Rugby (@ferugby) 18 mars 2017
L’APRES-MATCH
Je me dirige vers les vestiaires pour recueillir quelques réactions. Je croise quelques Belges, têtes basses. Quand Beñat Auzqui arrive aux vestiaires, il est épuisé, logique vu l’intensité du match et la chaleur du jour. Il confesse : « franchement la fin a été dure, à un ou deux de moins pendant toute la deuxième mi-temps, on a fini sur les rotules. ». Compréhensible ! Les visages sont tout de même très souriants dans le vestiaire des Leones : cette victoire bonifiée acquise à domicile à bon goût, le goût du travail bien fait ! Retrouvez en vidéo les réactions du Capitaine Jaime Nava (Dijon), de Gautier Gibouin (Montauban), et de Jordi Jorba (USAP) qui a fait l’effort de d’exprimer quelques mots en français !
BILAN
L’Espagne termine ce tournoi en 3ème position, derrière les deux gros poissons que sont la Géorgie et la Roumanie. Une belle performance qui place cette équipe en bonne position dans la course à la qualif au Mondial 2019? en attendant la deuxième phase l’an prochain, bravo ! Des propres mots de Jaime Nava, les espagnols « continuent de rêver au Mondial ». Les Belges pointent bons derniers, sans aucune victoire au compteur. C’est cruel tant ils sont passés près face à la Russie et face à l’Allemagne, mais cela fait partie de l’apprentissage.
Le résumé vidéo :
Crédit vidéo : spainsportwebescom
Misterneo62
Justement ça se passe comment si l'Espagne veut se qualifier pour la coupe du monde ?
Armchair Fan
Il y a deux possibilités pour les équipes européennes hors Tournoi et Géorgie (directement qualifiée). Soit tu es la meilleure équipe sur les deux ans , 2017-2018, soit tu es la deuxième et tu pars au repechage. L'Espagne est à seulement deux points de la Roumanie, donc la qualification directe est encore possible même si difficile. Si elle finit deuxième alors elle devra affronter probablement le Portugal en Espagne en mai 2018 (éliminatoire), les Tonga à deux tours (le vainqueur va en CDM, le perdant continue au repechage) en juin 2018 et puis finalement un tournoi en novembre 2018 contre une équipe américaine (Uruguay), une africaine (Kenya, Zimbabwe...) et une asiatique ou océanique (Corée, Hong Kong, Papouasie).
C'est compliqué mais jouable. Le problème sera pouvoir compter sur tous les joueurs pro en France pour une telle quantité de rencontres...
loloetalex
Je rajouterai que la Roumanie a battu la Georgie donc la qualification directe va être compliquée.
http://www.itsrugby.fr/rugby-nations6b.html
Par contre je ne comprends pas pourquoi le Portugal ? Parce qu’il est premier du Tournois C ?
Armchair Fan
Les matchs contre la Géorgie ne comptent pas pour la qualification pour la CDM. Donc même si ça prouve leur niveau, cette victoire ne complique pas plus la situation.
Les vainqueurs des divisions inférieures du système Rugby Europe vont affronter des play-off tout au long de 2017. Normalement le Portugal au tant que vainqueur du Trophy, Tournoi C, devrait être l'adversaire, oui.
loloetalex
Ok merci
Sozein
Merci beaucoup pour ces explications détaillées et cette information difficilement accessible.
Misterneo62
Merci pour ces précisions, effectivement ça va être complexe pour cette courageuse équipe d'accéder au mondial !
zazoudcarre
J'étais également au match assise à côté d'un espagnol qui encourageait les belges pour leurs efforts... j'ai trouvé ça tellement fair play !! Et en même temps on parlait du match des français que je suivais sur mon téléphone.
Les supporters belges toujours présent bien qu'ils voyaient leur équipe se faire marcher dessus... l'Espagne est une équipe qui a du coeur, j'espère qu'ils pourront faire cette coupe du monde.
Armchair Fan
Moreno (Provence Rugby) a marché sur le visage d'un joueur belge et écopé de deux semaines de suspension. Il a publié une lettre s'excusant de son comportement décevant... http://www.marca.com/rugby/2017/03/22/58d261bae2704e75198b45c8.html
Une fois de plus, merci de ton intérêt et j'espère que tu pourras t'échaper à la finale de Copa del Rey: se sera finalement le 30 avril à Valladolid, en espèrant répéter les 26000 spectateurs de 2016.
thomasche
Salut Armchair ! Merci pour l'info sur Moreno 🙂
Malheureusement je pense que ça va être compliqué pour moi d'aller à la finale de la Copa del Rey le 30 avril. Au delà de l'aspect financier pour effectuer le trajet, mes exams commencent début mai, donc le timing est particulièrement défavorable...